Le déficit commercial agricole chinois atteint un nouveau record

En 2021, les importations agricoles et agroalimentaires chinoises ont fortement progressé pour atteindre près de 220 milliards de dollars (+29%/2020). Cette accélération des importations s’explique d’une part par l’augmentation des importations de grains, accentuée par la hausse des prix sur le marché international.

Les achats de maïs ont été multiplié par 2,5 en volume, à 28 millions de tonnes, mais par 3,2 en valeur, pour dépasser les 8 milliards de dollars. Les importations de sorgo ont doublé et celles d’orge ont progressé de 50%. Si les importations de soja ont reculé de 3% en volume, leur valeur a bondi de 35%, à 53 milliards de dollars.

L’autre facteur à prendre en compte est l’accord commercial sino-étatsunien signé en janvier 2020 qui engageait la Chine à acheter 36,5 milliards de dollars de produits agricoles et alimentaire étatsuniens en 2020 et 43,5 milliards en 2021. Après avoir largement raté l’objectif en 2020 (23,7 milliards de dollars), la Chine a fortement augmenté des achats en provenance des Etats-Unis en 2021, 38,9 milliards de dollars. Alors que les exportations chinoises n’ont progressé que de 11% en valeur, le déficit commercial agricole chinois a donc atteint le record historique de 135 milliards de dollars.

COFCO s’étend au Brésil

COFCO, la plus grande entreprise publique agroalimentaire chinoise, a remporté un bail de 25 ans sur le port brésilien de Santos dans l’état de Sao Paulo. De 3 Mt, la capacité portuaire pourrait atteindre 14 Mt grâce à ce nouveau terminal, augmentant les exportations du Brésil. Cet emplacement stratégique chez le plus grand producteur mondial de soja renforce un peu plus la présence chinoise dans cette zone du globe et son importance dans les échanges internationaux.

Poursuite du recul des importations

La demande chinoise reste en baisse en ce début d’année. En janvier, près de 162 000 tonnes de viandes de porc et coproduits ont été importées par la Chine, en recul de 29% par rapport au mois de décembre. Le pays importe moins dans un contexte d’hausse de l’offre et de contraction des cours à la production.

Important repli des importations en 2021 : -24 %

En 2021, la demande chinoise s’est affaiblit tout au long de l’année. Plus de 4,3 millions de tonnes ont été importées (-24% en un an), pour un montant de plus de 8,9 milliards d’euros (-26%). Les Etats-Unis (-27%) et le Canada (-54%) font partis des fournisseurs les plus touchés par ce repli. En revanche, le Brésil a vu ses ventes progresser de près de 4% en un an, principalement grâce à de très bons résultats au 1er semestre 2021.

La Chine a-t-elle accru ses stocks de produits laitiers en 2021 ?

La tendance des prix des ingrédients laitiers est fortement corrélée aux achats chinois depuis plusieurs années maintenant. La Chine absorbe le quart des échanges internationaux avec 22 millions de tonnes équivalent lait (TEL) sur les 88 M de TEL estimées par la FAO.

En 2021, les achats chinois ont encore progressé et réduit de presque autant l’offre mondiale pour d’autres pays importateurs dans un contexte de contraction de la ressource laitière chez les exportateurs en cette fin d’année.

Les opérateurs de la filière se demandent quelle en est la pérennité pour l’année à venir. L’ombre de 2014 plane. A l’époque, l’optimisme régnait au vu de la croissance rapide des besoins de l’empire du Milieu. La brusque pause des achats chinois et l’embargo russe combinés au dynamisme de la production laitière lors de la suppression des quotas laitiers en Europe en 2015, avait entrainé un fort déséquilibre entre l’offre et la demande mondiale et fait chuter les prix. Qu’en sera-t-il cette année ?

Forte hausse des importations de la Chine en 2021

La demande chinoise de produits laitiers a été particulièrement conséquente en 2021 malgré les difficultés logistiques à l’échelle mondiale. Les importations de matière grasse ont augmenté de près de +41% en crème et +13% en beurre. Les importations de poudre sont en hausse de +27% en poudre maigre et +32% en poudres grasses. Seule la demande en poudre de lait infantile a reculé de -22% sur 2021 /2020.

La Chine a ainsi asséché le marché mondial limitant les disponibilités pour les autres pays importateurs et a donc contribué à la hausse des prix mondiaux.

Au vu des difficultés logistiques à l’échelle mondiale, la Nouvelle-Zélande a su tirer parti de cette demande supplémentaire en passant des accords avec les transporteurs de containers internationaux. Ainsi, la dépendance de la Nouvelle-Zélande s’est, de fait, renforcée vis-à-vis du marché chinois qui a capté près de 51% des exportations totales de poudre de lait entier sur les onze premiers mois de 2021, contre 47% en 2020. De même en beurre, la part de marché de la Chine dans les exportations totales NZ est passée de 20% à 25% d’une année sur l’autre.

La demande en matière grasse explose

La consommation de beurre augmente en Chine notamment grâce au succès grandissant de la boulangerie et de la pâtisserie dans les grands centres urbains. La restauration hors domicile est également un poste de consommation.

La Nouvelle-Zélande, le premier exportateur de beurre mondial, et a fortement augmenté ses livraisons de beurre (+9% sur janv-nov 21 /2020) et de crème (+26%) vers la Chine tandis que ses exportations totales de beurre baissent. L’interdépendance des deux pays est importante car le beurre néo-zélandais représente 78 % des importations chinoises, et la crème made in New-Zeland environ la moitié des volumes.

La baisse de la collecte néo-zélandaise en deuxième partie de campagne 2021-2022, qui se termine en mai, se traduira nécessairement par une moindre fabrication de beurre. Il sera donc intéressant de voir si la Chine maintient son niveau d’achat en 2022 à des prix bien supérieurs. Si tel était le cas, cela priverait le marché mondial et notamment l’Australie, les Philippines, l’Arabie Saoudite ou encore la Russie pour ne citer que les plus gros importateurs de beurre NZ, conduisant nécessairement à des réajustements ou poursuite de la hausse des prix.

L’Union européenne est le deuxième fournisseur en beurre de la Chine, avec en tête la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. La progression de l’Irlande est importante car les volumes sont passés sur 11 mois de 600 t en 2020 à 1 940 t en 2021, ce volume devient supérieur à ceux de l’Allemagne.

Dans ce contexte de tension de l’offre à l’échelle mondiale, la forte demande du marché international permet de maintenir les prix sur des niveaux élevés. Les exports mensuels européens de beurre sont globalement stables, compris entre 15 et 20 000 t, sauf quelques exceptions durant le pic laitier. Toutefois, la saisonnalité est bien plus forte sur les exportations vers la Chine, qui comme le montre le graphique sont principalement faite au moment du pic laitier.

Les importations de poudres de lait ne sont pas en reste

Les importations de poudres grasses ont bondi de +32% sur la période de 2021/2020. Elles proviennent à près de 90 % de Nouvelle-Zélande et là aussi servent au secteur de la boulangerie/pâtisserie. Elles peuvent aussi être ajoutées à des boissons « santé » ou permettre d’augmenter la consommation de protéines animales.

Sur la poudre maigre, l’Océanie reste prédominante (près de 35 % de part de marché pour la Nouvelle-Zélande et 13 % pour l’Australie), suivie par l’UE-27 (environ 28%) et les Etats-Unis (près de 10%).

En effet, alors que les disponibilités aux Etats-Unis ne manquaient pas cette année, les volumes exportés vers la Chine ont doublé à plus de 44 000 t.

Dans l’UE, la saisonnalité du pic laitier reste visible dans les exportations surtout ceux de la France et l’Allemagne. Cette année, les volumes irlandais ont été légèrement décalés aux mois d’été.

Hausse des importations de fromages : effet de mode ou tendance long terme ?

Les importations de fromages ont augmenté de +36% en 2021/2020. Selon l’USDA, la consommation de fromages est de l’ordre de 0,2 kg/an/hab. soit très loin des standards européens de 18 kg/an/hab. Dans les régions laitières, certains habitants sont habitués à consommer du fromage fabriqué localement. La hausse de la consommation à l’échelle du pays se fait néanmoins sur de nouveaux modes de consommation. La Chine voit, elle aussi, la pizza gagner du terrain et augmente donc ses besoins en fromage type mozzarella. Les enfants sont aussi une nouvelle cible via des encas rapides à manger et souvent sucrés. Les fromages fondus sont ainsi privilégiés. Les fromages type parmesan (2100 t en 2021 en provenance d’Europe), gouda (4 300t) voire camembert (78 t) ou brie (105 tonnes UE) sont marginaux et approvisionnent le catering et quelques chaînes de la grande distribution, principalement à Shanghai.

Là aussi, la Nouvelle-Zélande reste prédominante mais l’UE-27 et les Etats-Unis sont également présents.

L’UE-27 a accru ses exportations de fromages, qui sont passées sur onze mois de 24 700 t en 2020 à 36 000 t en 2021. Cependant, cette progression n’a pas compensé le retrait du Royaume Uni, de -55 000 t sur la même période. Les exportations vers la Chine sont principalement des fromages frais dont de la mozzarella mais regroupent également des fromages à fondre ou râpé ainsi que des fromages à pâtes molles, demi-dures ou dures mais dans des quantités inférieures.

Les importations de fromages frais, dont la mozzarella, représentent en moyenne 66% des fromages états-uniens exportés vers la Chine. Les volumes de mozzarella sont en forte progression mais se réduisent durant le pic laitier malgré des fabrications assez stables autour de 170 000 tonnes mensuelles (cf graphique)

Mais les poudres infantiles sont délaissées

A l’inverse, les importations de poudre de lait infantile ont chuté preuve d’inflexion du comportement des parents chinois (-22% en 2021/2020). Certains se tournent vers des produits hauts de gamme et plus chers, comme des poudres issues de l’agriculture biologique, ou issues de lait d’autres animaux comme le lait de chèvre. D’autres privilégient désormais les laits infantiles fabriqués en Chine, d’autant que les fabricants nationaux ont d’avantage investi dans ces produits afin de compléter la gamme disponible. De plus, la règlementation chinoise a réduit le nombre de produits vendus pour une même marque et a imposé de nouvelles règles rendant plus long l’homologation des formules.

Dans ce contexte, les exportations européennes de poudre de lait infantile ont chuté de -24% /2020 vers la Chine.

Cette hausse est-elle liée à une augmentation de consommation ?

La question de la part consommée et de celle stockée est quasiment impossible à évaluer. Il est vrai que les tendances de consommation dans le pays demeurent globalement en hausse surtout en matière grasse liée à des changements de consommation. Le Covid-19 n’a pas dû changer fondamentalement la tendance, voire il a encouragé la consommation de produits laitiers. En effet, certaines publicités annoncent que ces produits permettent de mieux résister au Covid-19.

Par ailleurs, les problèmes logistiques provoqués par la crise sanitaire ont accru les délais de déchargement entrainant ainsi des concentrations de produits laitiers dans les ports ou en stockage flottant sur les bateaux. Cette incertitude quant à la livraison de la marchandise a pu provoquer des achats supplémentaires de précaution.

Dans ce contexte, il est probable que des stocks aient été faits. Au vu des prix mondiaux actuels, la Chine pourrait donc être moins présente durant l’année 2022 dans une certaine mesure.

Les chiffres d’importations au mois de décembre sont d’ailleurs décevants en volumes, ce qui pourrait n’être qu’un décalage vers le mois de janvier, ce qui sera à vérifier dans un mois. En effet, les contingents tarifaires à droits nuls de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie en début d’année, peuvent pousser certains acheteurs à attendre et ce d’autant plus que les prix sont élevés.

Quelle conjoncture pour 2022 ?

De nombreux opérateurs s’interrogent quant à un remake de 2014, année durant laquelle la demande chinoise et russe s’était brutalement repliée précipitant la chute des cours mondiaux des produits laitiers.

La première différence réside dans l’absence de dynamique laitière dans les principaux bassins excédentaires, en premier lieu dans l’UE. En 2015, la fin des quotas laitiers avait entrainé un fort rebond de la collecte européenne. Les voyants ne semblent pas au rendez-vous cette année pour que le scénario se reproduise. Outre la baisse de collecte plutôt structurelle chez les principaux pays producteurs européens, la conjoncture en termes de coûts de production n’incite pas à augmenter la collecte. Une baisse à court terme des prix de l’énergie et des intrants parait aujourd’hui peu probable.

Par ailleurs, la demande de l’Asie du Sud n’est pas non plus la même qu’en 2014. Celle-ci croît plus durablement avec moins d’à coup qu’en Chine et pourrait facilement s’intensifier dans les mois à venir si les cours mondiaux devenaient moins élevés.

Les marchés mondiaux des produits laitiers devraient demeurer fermes dans les prochains mois même en cas de moindres achats de la Chine, ce qui reste à confirmer. La principale force ou pouvoir de la Chine restant son imprévisibilité.

La FPA aggrave le déficit commercial agricole chinois

Par Jean-Marc Chaumet

Alors que la Chine était en guerre commerciale avec les Etats-Unis, la Fièvre Porcine Africaine a créé un appel d’air sur les importations de produits animaux et creusé le déficit commercial agroalimentaire chinois.

L’approvisionnement alimentaire est un des principaux objectifs du Gouvernement chinois en termes de sécurité. Le creusement du déficit commercial agricole ces dernières années a poussé les autorités chinoises à réorienter leur politique vers des investissements à l’étranger et une diversification des fournisseurs dans le but de minimiser les risques de ruptures d’approvisionnement et de réduire les conséquences d’une utilisation éventuelle de l’arme alimentaire par des partenaires commerciaux.

Mais l’apparition de la Fièvre Porcine Africaine dans le pays a eu un très fort impact sur le commerce agricole de la Chine continentale (hors Hong-Kong), aggravant encore le déficit commercial.

En 2019, les importations chinoises de produits agricoles et agroalimentaires ont bondi de 10%/2018 pour atteindre un record historique à près de 150 milliards de dollars US. Dans le même temps, les exportations chinoises ont reculé de 1%, à 78,5 milliards, portant le déficit agroalimentaire chinois à 71 milliards USD.

Baisse des importations de produits végétaux

La valeur des importations de soja, quasi-stables en volume en 2019, a reculé de près de 7% conséquence de la baisse des cours internationaux. La diminution du cheptel porcin a été en partie contrebalancée par la hausse de la production de volaille. Les fèves restent cependant toujours la première forme d’importation de soja, bien avant les tourteaux.

Avec 17,5 millions de tonnes, la Chine a également moins importé de céréales (-13%/2018 en volume comme en valeur). La guerre commerciale a fortement réduit les achats chinois de sorgho (-77%/2018) dont les Etats-Unis restent le premier fournisseur. Avec 830 000 tonnes importées toutes origines confondues, l’effondrement est spectaculaire comparées aux 10,5 millions de tonnes de 2015.Les sécheresses successives ont fortement réduit le disponible exportable d’orge en Australie, faisant chuter les exportations vers la Chine, leur premier client. Partiellement compensés par des envois en hausse de France et d’Ukraine, les achats chinois n’en ont pas moins baissé de 13%/2018. Les ventes aux enchères d’une partie des réserves publiques de riz a fait reculer les importations de 17%/2018.

A l’inverse, la Chine a augmenté ses acquisitions de blé (+11%), notamment à partir du Canada et de la France. Mais ce sont surtout les achats de maïs qui ont progressé, de 36%/2018, pour atteindre un record historique à 4,8 millions de tonnes, tirés par une offre en recul (production en baisse lors de la campagne 2018/2019 et moindres ventes aux enchères des stocks) et une demande en hausse.

A noter que les importations de fruits ont bondi de 36% en valeur pour afficher un record historique à 11,7 milliards d’euros. La hausse est essentiellement due aux durians, pistaches, amandes, mangoustan… La Chine est ainsi depuis plusieurs années importatrice nette de fruits.

Forte hausse des importations de viande

Le recul des achats de produits végétaux a été plus que compensé en valeur par des achats de produits animaux.

La forte hausse des importations agricoles repose en effet principalement sur les achats de viande et abats, en progression de 7,8 milliards de dollars US (+70%/2018). Avec près de 19 milliards en tout, les viandes et abats représentent dorénavant le 2ème poste d’importation de produits agricoles et agroalimentaires chinois.

Contrairement à ce que l’on aurait pu penser compte tenu de la baisse de production de viande de porc en Chine en 2019, les flux de viande porcine ne sont pas les plus gros contributeurs de cette hausse malgré une multiplication par 2,2 en valeur (+2,4 milliards de dollars US) des importations qui ont atteint 4,5 milliards de dollars US (abats exclus).

Avec 8,2 milliards USD sur l’année (+70%/2018 soit + 3,3 milliards USD) la viande bovine s’impose comme le produit animal qui a enregistré la plus forte progression en valeur en 2019. La consommation s’est notamment reportée sur la viande bovine que l’offre locale n’a pu satisfaire compte tenu du cycle long de production.

 

Si la valeur des pièces bovines est plus élevée que celle des pièces porcines, l’écart entre les volumes importés des deux espèces se resserre fortement.

Les importations de volaille ont également bondi (+77%/2018) à 2 milliards de dollars US.

A noter également que les achats de produits de la pêche et de l’aquaculture sont devenus le 3ème poste d’importations agricoles avec un bond de 33%/2018 en valeur. A 15 milliards de dollars US, les importations dépassent maintenant les exportations faisant de la Chine un importateur net de ce type de produits. Si une partie de ces importations est transformée en Chine pour être réexportée sous forme de préparations ou de conserves, une proportion croissante des volumes est destinée à la consommation intérieure, qui a progressé en 2019 en lien avec la baisse de l’offre en viande porcine.

Une diversification des fournisseurs tirée par les produits animaux et la part des Etats-Unis au plus bas

La hausse des importations de produits animaux a accru la diversification des fournisseurs de la Chine en produits agricoles et agroalimentaires. La part des 5 premiers fournisseurs est en effet passée de 55% en 2018 à 47% en 2019. Les importations en provenance des deux premiers d’entre eux, le Brésil et les Etats-Unis, se sont réduites de -10% et -13% respectivement. Les exportations de soja brésilien ont reculé en 2019 au profit de l’Argentine tandis que la guerre commerciale a eu des conséquences sur les exportations étatsuniennes. Malgré une part des importations chinoises tombée à 10% en 2019, contre encore 19%en 2017, les Etats-Unis devancent encore l’Australie, 3ème fournisseur.

Un certain nombre de pays ont profité de la demande chinoise en protéines animales pour accroître sensiblement leurs exportations vers l’Empire du Milieu. Les importations chinoises de produits équatoriens, principalement des crevettes, ont ainsi été multipliées par 3 en un an, pour atteindre 2,2 milliards de dollars US et celles d’Inde ont progressé de 92% (crustacés mais aussi piments, cumin) à 1,3 milliards de dollars US. Plusieurs pays européens ont profité de la baisse de la production porcine chinoise : les achats de produits agricoles espagnols ont augmenté de 50% (porc notamment) à 2,2 milliards USD, ceux du Danemark de 48% à 1,4 milliard USD. Les importations de produits français n’ont progressé que de 3%, la hausse des ventes de produits porcins, de blé et d’orge ayant été contrebalancé par le recul des vins.

Mais cette diversification pourrait faire long feu suite à l’accord sino-étatsunien signé le 15 janvier 2020. En effet, avec seulement 14 milliards de dollars US de produits agricoles étatsuniens importés par la Chine en 2019, le respect de l’accord en 2020 signifierait une multiplication par 2,6 des achats chinois de produits agricoles étatsuniens pour atteindre les 36,5 milliards de dollars US. Et la Chine semble vouloir tenir ses engagements. Outre un certain nombre de décisions facilitant les conditions d’importations des produits étatsuniens (volaille, pomme de terre, produits de la mer…) la Chine a passé en mars sa première importante commande de produits agricoles américains d’après l’USDA. Selon le système recensant au quotidien les ventes à l’étranger les plus importantes, des courtiers chinois ont acheté 756 000 tonnes de maïs, 340 000 tonnes de blé dur et 110 000 tonnes de fèves de soja. Des achats de sorgho et de porc auraient également été enregistrés. Reste à savoir si, avec l’épidémie de Covid qui progresse actuellement aux Etats-Unis, le pays sera en mesure d’exporter en Chine les produits demandés.

Accord commercial sino-étatsunien : quelles conséquences pour le commerce agricole chinois et mondial ?

Le 15 janvier 2020, le Président Trump et le vice-Premier ministre chinois Liu He ont signé à Washington le premier chapitre d’un accord commercial, véritable armistice dans la guerre en cours depuis 2017. Cette signature engagerait la Chine à augmenter de 200 milliards de dollars ses achats de produits américains sur une période de deux ans (2020 et 2021), dont près de 32 milliards de dollars pour les produits agricoles.

Une étude détaillée de cet accord, entré en vigueur le 14 février dernier et du commerce entre les deux pays permet de mieux comprendre les enjeux.

 

Une forte relation agricole historique entre les deux pays, récemment dégradée

Que prévoit l’accord entre les 2 pays ?

Quels produits étatsuniens pourrait importer la Chine ?

La Chine veut-elle vraiment importer autant de produits agricoles des Etats-Unis ?

 

 

 

 

 

Une forte relation agricole historique entre les deux pays, récemment dégradée

Par Jean-Marc Chaumet

Les Etats-Unis ont pendant longtemps été le premier fournisseur de produits agricoles et alimentaire de la Chine, avec une part de marché comprise entre 22% et 28% selon les années. Les achats en provenance de ce pays ont augmenté au même rythme que les importations totales depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 jusqu’en 2014. Les Etats-Unis ont longtemps bénéficié d’un excédent commercial dans le domaine agricole et agroalimentaire, jusqu’à dépasser 15 milliards de dollars en 2013 et 2014.

Mais avant même le déclenchement de la guerre commerciale, les Etats-Unis avaient perdu en 2017 leur première place au profit du Brésil, avec une part de marché ramené de x% en 2017 à 19% en 2018. Cette mauvaise performance des produits étatsuniens s’explique notamment par la volonté des autorités chinoises de diversifier l’approvisionnement alimentaire du pays. Les envois étatsuniens de maïs ont ainsi été stoppés en 2013, suite à la « découverte » d’une variété de maïs transgénique non autorisée en Chine (MIR 162) dans certains lots. Bien quofficiellement réautorisés en 2014, les achats chinois de maïs étatsuniens n’ont jamais réellement repris. La Chine avait également mis en place en 2015 un embargo sur les achats de volaille et d’œufs en provenance des Etats-Unis suite à des cas d’influenza aviaire, levé fin 2019. En 2016, Pékin a décidé d’appliquer des droits de douane anti-dumping et anti-subvention aux drêches de distillerie (DDGS) en provenance des Etats-Unis, entraînant une baisse des volumes importés. La nouvelle politique chinoise appliquée au coton, avec la vente des stocks, a également eu pour conséquences de moindres importations de produits étatsuniens.

C’est dans ce contexte de perte de parts de marché que les Etats-Unis avaient déclenché la guerre commerciale. Les mesures de rétorsions chinoises (hausses des droits de douane) eurent pour conséquences de réduire encore davantage les importations de produits agricoles et agro-alimentaires en provenance des Etats-Unis, dont leur part de marché est descendue à 12% en 2018.

 

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Que prévoit l’accord entre les 2 pays ?

Par Jean-Marc Chaumet

La lecture de l’accord montre un fort déséquilibre entre les concessions chinoises, qui sont détaillées ci-dessous dans le domaine agricole, et celles des Etats-Unis, très limitées (retrait de la Chine de la liste des pays manipulant leur monnaie, pause dans la hausse des droits de douane).

Le volet agricole de l’accord se compose de deux parties. L’une chiffre les importations supplémentaires que la Chine s’engage à acheter, en partant du niveau 2017 des importations chinoises de produits étatsuniens  12,5 milliards de dollars en 2020 (soit un total de 36,5 milliards de dollars et une hausse de 50% /2017) et 19,5 milliards en 2021 (soit un total de 43,5 milliards de dollars et une hausse de 80% /2017). Ces chiffres représenteraient les plus hauts niveaux historiques d’importations chinoises de produits agricoles et alimentaires étatsuniens.

 

Toujours en prenant l’année 2017 comme référence, les 36, et 43,5 milliards d’importations représenteraient 29 et 35% des importations agricoles totales chinoises

Le deuxième volet (chapitre 3), qui concerne surtout les conditions d’importations, liste une série de facilitations des importations de produits agricoles et agroalimentaires étatsuniens en Chine. On peut citer par exemple :

Pour les produits laitiers :

·         l’agrément dans un délai de 20 jours à compter de la réception de la liste envoyée par les autorités étatsuniennes des sites de production de produits laitiers étatsuniens

·         la possibilité d’exporter et de vendre en Chine du lait ESL (extended shelf life = durée de consommation allongée à 4 semaines si conservé à basse température) comme du lait pasteurisé

·         le raccourcissement des durées d’agréments des sites de fabrication de poudres de lait infantile,

 

Pour la filière bovin viande:  assouplissement des conditions sanitaires fixées en 2017 à travers

·         La suppression de la limite d’âge de 30 mois des animaux abattus

·         L’allégement des mesures de traçabilité des animaux abattus initialement demandées par les autorités chinoises

·         La fixation de limites de résidus dans la viande importée pour 3 hormones légalement utilisées aux Etats-Unis, en se conformant aux normes du Codex Alimentarius

·         L’ouverture de négociation concernant l’importation d’animaux reproducteurs

·         L’exportation de suif pour l’industrie non alimentaire.

Pour la viande porcine :

·         Elargissement de la liste des produits porcins acceptés à l’importation

 

Pour les céréales, des mesures :

·         améliorant la transparence de l’attribution et des achats des volumes des contingents tarifaires de blé, de riz et de maïs, notamment en ce qui concerne le rôle des entreprises publiques, suite à la décision du panel de l’OMC

·         facilitant le remplissage des contingents

·         prévoyant l’importation de riz étatsunien

·         accélérant le renouvellement des licences des producteurs de drêches de distilleries

 

Pour les produits issus de la biotechnologie :

·          des mesures accélérant la délivrance des autorisations des produits (moins de 24 mois)

·         une assurance de la Chine de baser ses analyses de risques sur les recommandations du Codex Alimentarius et de l’OIPV

 

La Chine a, en février, déjà pris un certain nombre visant à respecter cet accord notamment

·         la mise à jour des listes d’installations agréées pour l’exportation de protéines animales, d’aliments pour animaux de compagnie, de produits laitiers, de préparations pour nourrissons et de suif pour l’industrie à destination de la Chine.

·         La Levée de l’interdiction d’importation de volaille et des produits de volaille, y compris des aliments pour animaux de compagnie contenant des produits de volaille

 

Il est à noter que l’accord ne mentionne pas les hausses de droits de douane décidées par les Autorités chinoises. Ces dernières devraient donc être maintenues à leur niveau précédent l’accord.

 

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Quels produits étatsuniens peut importer la Chine ?

Par Jean-Marc Chaumet

L’accord ne mentionne nulle part la répartition des sommes citées par produits. Les achats chinois dépendront donc de ses besoins et de la capacité des Etats-Unis à fournir les produits demandés.

En 2017, le soja représentait plus de 60% de la valeur des importations chinoises de produits agricoles et alimentaires en provenance des Etats-Unis. Sept groupes de produits (soja, céréales, poissons crustacés, viandes, coton, cuirs, fruits) constituaient près de 90% des achats de la Chine aux Etats-Unis.

Le soja semble donc le premier produit sur lequel peuvent compter les Etats-Unis. Mais deux facteurs risquent de freiner les achats chinois. Tout d’abord la Fièvre Porcine Africaine, qui a fortement réduit le cheptel porcin chinois en 2019 et donc limiter importations de soja proche de leur niveau de 2018 (88 millions de tonnes). L’épidémie est toujours active en Chine et les besoins en soja ne devraient pas retrouver en 2020 leur niveau de 2017. Les Etats-Unis devront donc prendre des parts de de marché au Brésil, dont la part dans les achats chinois de soja est estimée autour de 60%, en valeur comme en volume en 2019, et alors le soja étatsunien doit s’acquitter de droits de douane majorés pour un total de 33%, contre 3% pour ses concurrents. En outre, pour le 1er semestre 2020, la période de commercialisation du soja étatsunien se termine en avril et les acheteurs chinois avaient, pour beaucoup d’entre eux, déjà passé commande à  d’autres fournisseurs avant l’accord, sans compter les difficultés liées à l’épidémie de Coronavirus. Pour respecter l’accord, la Chine pourrait être tentée d’augmenter ses achats à partir de l’automne, au dépend des exportations sud-américaines de 2021.

Les céréales étaient le deuxième poste d’importations, en grande majorité de l’orge, en provenance d’Australie et du Canada, du riz (Vietnam et Thaïlande), du sorgho (majoritairement des Etats-Unis) et du maïs (Ukraine) et du blé (Canada et Etats-Unis). Mais les volumes de blé, riz et maïs sont encadrés par des contingents tarifaires, avec des droits de douane de 1%, au-delà desquels les droits deviennent très élevés (65% pour chaque céréale). Les autorités chinoises ont déjà annoncé qu’elles ne relèveraient pas les plafonds des contingents, fixés à 9,636 millions de tonnes pour le blé, 7,2 millions pour le maïs et 5,32 millions pour le riz. Ces contingents n’ont, depuis l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001, jamais été remplis et les exportations étatsuniennes ont exceptionnellement atteint 2,8 millions de tonnes pour le blé en 2014  et 5 millions de tonnes pour le maïs en 2012.

Les céréales constituent en effet le cœur de la politique de sécurité alimentaire chinoise et le gouvernement chinois a mentionné après la signature de l’accord qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir l’autosuffisance « absolue » pour le blé et le riz et l’autosuffisance « relative » pour le maïs.

La Chine peut cependant se tourner vers les drêches de distilleries comme vers le sorgho pour augmenter ses achats en provenance des Etats-Unis.

La demande en poissons et crustacés pourrait progresser en Chine, en tant que poste de report de consommation suite à la FPA. Mais les Etats-Unis pourront-ils fournir ? Après une très forte progression au début des années 2000, les envois étatsuniens stagnent depuis 2012, en valeur comme en volume.

Les viandes et abats pourraient représenter une part importante des exportations étatsuniennes vers la Chine. En 2017, les Etats-Unis étaient le 2ème fournisseur de viande, en valeur, de la Chine, derrière le Brésil, avec près de 1,2 milliards de dollars. Une augmentation des exportations s’appuierait sur le déficit chinois en viande porcine qui devrait demeurer à des niveaux élevés, le volume accru de viande bovine étatsunienne éligible aux exportations vers la Chine suite à l’accord signé mi-janvier et sur la réautorisation des exportations de volaille en provenance des Etats-Unis depuis novembre 2019.

Mais d’une part, les droits de douane chinois supplémentaires imposés en 2018 et 2019 sur les viandes porcine et bovine restent d’actualité. Les droits de douane sur la viande porcine ont ainsi grimpé de 12% à 72%, avant que les autorités chinoises ne décident d’une baisse générale des droits de 4%). En outre, le texte de l’accord précise que les achats chinois devront être effectués au « prix du marché », ce qui signifie que les produits étatsuniens devront être compétitifs face à leurs concurrents, notamment européens pour la viande porcine et sud-américains et océaniens pour la viande bovine. Les droits de douane n’ont cependant pas empêché le porc étatsunien d’entrer en Chine en 2019 et de concurrencer les produits européens.

Les produits laitiers étatsuniens ne représentent qu’environ 3% en valeur des exportations étatsuniennes vers la Chine, centrées sur le lactosérum et les poudres de lait infantile. Majoritairement destinées à l’alimentation animale, le lactosérum étatsunien a souffert de la hausse des droits de douane et de la Fièvre Porcine Africaine. Si les droits de douane additionnels ont été supprimés sur le lactosérum depuis septembre 2019, la demande chinoise ne devrait être encore limitée en 2020, compte tenu de la chute du cheptel porcin. Une hausse des exportations de produits laitiers étatsuniens pourrait entrer en concurrence avec les produits européens et français.

 

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