Après la validation des contrats phytosanitaires avec le Brésil et le départ des premiers bateaux remplis de maïs, la Chine pourrait aussi être un bon débouché pour les tourteaux canadiens de canola. La conjoncture canadienne est à la production poussée d’oléagineux pour alimenter le marché des biocarburants, produisant ainsi plus de tourteaux à destination de l’alimentation animale. Cette origine pourrait être une nouvelle opportunité pour la Chine et son désir d’amoindrir sa dépendance aux matières premières en provenance des Etats-Unis.
Les prix du maïs dans la tourmente
En Chine, 30% de la consommation de maïs passe par la production d’amidon. Les prix élevés de l’énergie impactent directement cette production. Le gouvernement a restreint jusqu’à nouvel ordre les exportations pour limiter la consommation de maïs et la hausse des prix locaux, la Chine représente 10% des échanges mondiaux d’amidon. En octobre, le prix du maïs a encore pris 2%.
Les conséquences de la politique zéro-Covid
En octobre, les exportations chinoises « tous produits de base » en valeur sont en baisse d’après les douanes. Cette baisse est la première depuis mai 2020. La restriction sanitaire et la politique zéro-Covid sont des causes de la situation. Les derniers cas Covid entrainent de nouveaux confinements, stoppant le commerce et certaines zones urbaines. Les marchés frileux aux investissements et le risque de récession mondiale ne devraient pas stimuler les exportations dans les prochains mois.
Une ferme de 26 étages ouvrira ses portes fin 2022
En Chine, le redéveloppement de la production nationale suite à la crise sanitaire de fièvre porcine africaine a été marqué par de nombreux investissements et, dans certains cas, par la mise en place de systèmes de production hors normes. C’est ainsi que la province du Hubei a vu sortir de terre un élevage de 26 étages grâce aux investissements massifs (4 Mds Yuan, soient 553 M€) de l’entreprise Zhong Xin Kai Wei Modern Livestock. L’élevage devrait débuter sa production d’ici la fin d’année et l’objectif est de produire à terme 1,2 million de porcs par an pour chaque site.

La flambée des prix continue en Chine
En octobre, les prix du porc à la production ont poursuivi leur hausse en Chine et atteignent en moyenne mensuelle 26.6 Yuan RMB/kg (+13,5% en un mois). En un an, les cours ont grimpé de 104%. Les différentes interventions du gouvernement ne suffisent pas à enrayer l’inflation, et les autorités pointent des mouvements de spéculation de la part des éleveurs qui limiteraient les livraisons de leurs porcs à l’abattoir afin de faire grimper les prix et de compenser les pertes financières subies en début d’année. La production de porc réalisée de janvier à septembre reste tout de même bien supérieure à 2021 (+6% environ).
Matières premières : les premiers constats après le 20ème Congrès national du PCC
Mi-octobre se tenait le 20ème congrès national du Parti Communiste Chinois annonçant les nouvelles orientations politiques pour les cinq années à venir. Xi Jinping a été réélu mais il semble sous pression à la suite de la gestion difficile de la crise Covid et de la situation économique et sociale du pays. Les cinq dernières années ont été révélatrices de la fragilité économique chinoise et de sa vulnérabilité (bulle immobilière, gestion de la FPA et de la crise Covid). Lors de ce nouveau congrès l’accent a été porté sur la sécurisation de l’autonomie chinoise.
Vers une réduction de dépendance
La Chine a vu dans l’invasion de l’Ukraine par la Russie un nouvel allié de circonstance susceptible de réduire sa dépendance à l’Union européenne et aux Etats-Unis. Avec ses réserves de céréales et d’oléo-protéagineux, la Russie pourrait être un partenaire commercial de choix. Pour autant, les prix à l’exportation sont encore peu concurrentiels et la Chine se tourne plutôt vers l’Amérique latine pour ses achats. Pour réduire la dépendance à l’Occident, la puissance militaire a été réaffirmée particulièrement en mer de Chine et autour du détroit de Taïwan. Par son autonomie politique et sa relation avec les Etats-Unis, Taïwan représente une menace pour Pékin alors que le gros du trafic maritime transite par le détroit de Taïwan.

Un autre axe promu pour réduire la dépendance de la Chine est la promotion de la technologie et la recherche d’autosuffisance. Des fermes usines de porc ont été construites à la suite de la crise de la FPA pour répondre à la consommation nationale. Pour les matières premières, sur les 120 Mha de terres arables disponibles, des aides seront ciblées sur les investissements permettant d’accroître les rendements (machinisme, irrigation, sélection variétale, nouvelles technologies). Un effort particulier sera fait pour les zones rurales les plus enclavées et en retard.
Première estimation de la campagne 2022/2023
Même si l’été a été chaud et que les 2/3 du territoire sud ont vécu leur pire sécheresse depuis 10 ans, les productions sont au rendez-vous. La production 2022/2023 de maïs est en hausse de 1% ainsi que celle de blé. Cependant la consommation domestique est toujours supérieure à la production ce qui entraine une baisse des stocks de fin de campagne. Cette situation soutient les prix du maïs et du tourteau de soja. Les prix élevés de l’énergie restent une contrainte de taille en alimentation animale et en amidonnerie. 30% du maïs consommé en Chine est transformé en amidon. Les faibles marges incitent les industriels à réduire leur production. Le gouvernement chinois a par ailleurs restreint jusqu’à nouvel ordre les exportations d’amidon dans l’optique de limiter la consommation de maïs et de limiter la hausse des prix locaux.

L’inquiétude se porte principalement sur le riz, première céréale consommée. Sa production est en baisse de 2%. Même si le riz est une matière peu échangée, son manque peut provoquer une hausse des échanges des autres matières utilisées en alimentation humaine et animale.

La production d’aliment du bétail est en hausse de 5% en septembre comparativement à août, 25 Mt d’aliment ont été produits dont 10 Mt pour l’élevage porcin. Même si la production porcine est dynamique sur la période janvier-septembre 2022, elle reste en deçà des niveaux de 2021 (- 7%). La légère hausse du cheptel truie enregistrée en août (+0,6% en 1 mois) pourrait toutefois soutenir la production, sur l’année 2022 il reste tout de même en baisse de 4,8% par rapport à 2021. D’autre part tandis que l’amélioration des performances d’élevage et de l’efficacité alimentaire permettent de réduire lentement mais continuellement les besoins de matières premières
Le Brésil, un allié jusqu’à quand ?
Pour répondre à la demande nationale, la Chine est dans l’obligation d’importer des matières premières dont le soja et le maïs. Avec les tensions récurrentes à Taïwan, un décret a été signé entre les Etats-Unis et la Chine ne permettant à cette dernière d’importer que le strict nécessaire en soja (graine et tourteaux) en provenance des Etats-Unis. Par conséquent, les importations d’origine brésilienne ont augmenté. Des protocoles phytosanitaires ont été signés permettant au Brésil d’expédier plus tôt que prévu du soja et du maïs. Pour favoriser ces échanges des investissements ont d’ailleurs été réalisés par des compagnies chinoises dans le port de São Paulo.
Une menace persiste tout de même avec les élections dans le pays. Si Bolsonaro a par opportunisme économique favorisé les partenariats avec la Chine, qu’en serait-il de Lula, deuxième candidat à l’élection présidentielle, qui remet au centre de sa politique la sécurité alimentaire du pays et la protection des peuples amazoniens contre la déforestation et la culture de soja ? La géopolitique reste une clé majeure d’explication des échanges internationaux et du futur des partenariats chinois.
Le gouvernement libère les réserves nationales de porc
Depuis le mois de juillet et jusqu’à fin septembre, 4 lots de viande de porc ont été libérés par le gouvernement chinois afin d’augmenter l’offre sur le marché national et surtout limiter la volatilité des prix du porc.
En début d’année, pour limiter l’offre et la baisse des cours du porc à la production, le gouvernement avait mis en place des programmes d’achat public pour stocker des volumes de viande de porc. La conjoncture n’était pas propice à des niveaux de prix suffisants pour assurer une bonne rentabilité des élevages : hausse de l’offre et demande mise sous cloche en période de confinement. La situation sur le marché du porc a changé au cours de l’été : l’offre est en baisse, la demande reprend à l’approche des fêtes d’automne et tous les postes de dépense sont marqués par l’inflation. Les prix du porc à la production grimpent et impactent l’économie globale du pays. Le gouvernement qui supervise le marché a ainsi décidé de libérer des volumes pour détendre les cours du porc.
2/3 du territoire sud touché par la sécheresse
La sécheresse estivale a touché le territoire chinois. Les 2/3 sud ont subi les plus fortes chaleurs depuis une dizaine d’années. Cette zone n’est pas la principale zone de culture de maïs ou de soja. Pour autant, les importations sont encore conséquentes notamment en orge. Cette situation climatique pourrait tout de même accroître un peu plus la présence de la Chine sur ce marché des importations.
Stabilisation des prix sur un niveau haut
En septembre, les prix nationaux du maïs se sont stabilisés sur un niveau haut alors que ceux du tourteau de soja ont encore augmenté de +5% par rapport à la moyenne de prix d’août. Le resserrement de la politique monétaire des principales banques centrales et les tensions avec Taïwan ne favorisent pas les échanges entre les Etats-Unis et la Chine, les prix nationaux en sont impactés à la hausse.
La consommation de volaille en Chine
Comme les Chinois sont fiers de le rappeler, la domestication du Gallus gallus a eu lieu en Asie du Sud-Est il y a environ 8 000 ans. L’aviculture est donc très ancienne sur le territoire chinois, mais était restée une activité d’appoint mineure pour les villages ruraux. En République Populaire de Chine (RPC ou Chine), il existe d’abord quelques fermes avicoles d’État de taille commerciale à proximité des villes. Mais ce n’est qu’à partir du début des années 80 qu’une partie de la production de volaille va s’industrialiser à la faveur des réformes successives vers une économie de marché. Des entreprises privées, constituées d’une nouvelle génération de managers formés à la zootechnie et aux sciences vétérinaires, vont développer une aviculture industrielle mobilisant des souches hybrides (importées des Etats-Unis principalement), des vaccins et des nouvelles technologies et connaissances en alimentation animale et zootechnie.
Si la production de volailles de chair se fait parallèlement à l’augmentation de la population chinoise (+ 430 millions de personnes depuis 1980), les importations restent essentielles pour répondre à la demande croissante du marché intérieur. Cette dépendance aux importations est, comme pour les autres productions agricoles, perçue par les dirigeants chinois comme une menace par le pouvoir qui poursuit l’objectif millénaire des dirigeants chinois : l’autosuffisance alimentaire. En ce sens, plusieurs décisions politiques (aides publiques à l’industrie, politiques de soutien des prix et taxes à l’importation) ont soutenu le développement des capacités de production.
Depuis 30 ans, l’augmentation des revenus a modifié les habitudes de consommation des Chinois et favorisé la demande en protéines animales. La consommation de viande de poulet a fortement progressé (environ 14kg / hab en 2020, x6 depuis les années 90), bien que marquée depuis plusieurs années par des crises sanitaires successives en Chine et ailleurs dans le monde.
Face aux évolutions récentes de la production, du commerce et de la consommation de volailles, il est légitime de se demander dans quelle mesure la Chine est devenue un facteur de déstabilisation des marchés mondiaux des produits avicoles.
Les données disponibles pour étudier les productions agricoles et agroalimentaires en Chine sont partielles et souvent indirectes. Il existe plusieurs sources statistiques nationales. Les données sur les prix intérieurs sont relativement précises, tandis que les données de production et de consommation doivent être recoupées avec d’autres sources afin de reconstituer des ordres de grandeurs, les tendances et les profils des consommateurs.
Ce travail se repose donc également sur les publications de l’USDA (United States Department of Agriculture), de Chatham House, de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), de l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale), de TDM (Trade Data Monitor), de Eurostat ainsi que d’articles de presse spécialisées, de rapports publiés par des industries avicoles et des analyses du bureau d’études ABCIS.
Consommation de volaille en Chine et besoins d’importations.
La volaille est la deuxième viande consommée en Chine à hauteur de 21 Mt en 2018 (environ 20 % de la consommation mondiale) contre 56 Mt pour le porc (environ 50 % de la consommation mondiale).
Entre 2012 et 2018 (période stable), le taux d’autosuffisance en volailles de chair est estimé entre 96 % et 98 %, soit une balance commerciale déficitaire avec en moyenne 535 kt de produits importés chaque année (1 milliards $ en valeur), pour 225 kt exportés (500 millions $ en valeur). La Chine importe majoritairement des pattes, ailes et abats destinés à l’alimentation humaine. En effet, les préférences de consommation des Chinois sont opposées à celles des occidentaux, centrés sur la consommation de filets. La Chine exporte des préparations et produits élaborés, en particulier vers ses voisins asiatiques à haut revenu (Japon, Hong-Kong, Corée du Sud). Mais il est difficile d’estimer la part et les morceaux de viande de volailles dans ces préparations.

Cela se traduit dans le prix des produits de découpe : en Chine, le prix des filets au kilo est environ 30 % inférieur à celui des cuisses, et 70 % inférieur à celui des ailes. Pour les exportateurs, la Chine, en étant complémentaire des autres destinations, permet de valoriser l’ensemble des morceaux de la carcasse.
Les espèces avicoles produites en Chines
En Chine, la production de volailles de chair se distingue en quatre principales filières :
- Poulets de souches colorées (issus de productions traditionnelles mais qui s’industrialisent, achetés vifs ou entiers), 22% ;
- Poulets blanc (production industrialisée dédiée à la découpe, achetés au détail), 33% ;
- Poulets issus de souches hybrides (compromis entre qualité gustatives et performances techniques), 4% ;
- Palmipèdes (surtout le canard pékin), 27%.

Les poulets de souches colorées (jaune en particulier), sont le produit d’élevages traditionnels. Ces souches locales (plus de 150 types différents) sont vendues en vif sur les marchés, en supermarchés et consommées entières, notamment par les catégories aisées et dans un cadre festif.
Le poulet blanc, particulièrement adapté pour la découpe est vendu principalement dans les enseignes de distribution, type grandes et moyennes surfaces (GMS) et en restauration hors domicile (RHD). La zone de production privilégiée se situe au Nord-Est de la Chine dans la province du Shandong et dans les régions limitrophes.
Les souches de poulets hybrides, se développent depuis quelques années, car elles présentent des performances techniques améliorées et des qualités gustatives plus proches du poulet jaune. Ces souches (notamment la souche 817 Crossbreed chicken, 817C) font l’objet d’une recherche scientifique intensive. Leur développement pourrait rapidement modifier la structuration du marché.
Les productions de palmipèdes constituent également une part importante de la consommation de volaille en Chine, avec le canard pékin, plus souvent commercialisé entier dans le Nord de la Chine et préparé sous forme de langues, pattes et cous dans le Sud.
Structure des exploitations chinoises productrices de volaille
En 2018, les autorités chinoises recensaient 19 millions d’exploitations avicoles. L’immense majorité (98 %) est constituée de petites exploitations produisant moins de 2 000 volailles / an, correspondant à une agriculture vivrière. Celle-ci est estimé à environ 10% de la production de volaille de chair du pays.
Les fermes de plus de 50 000 volailles produites par an représentaient en 2018 environ 50% de la production nationale (contre 30% en 2010). Cette croissance correspond à des élevages de 100 000 à 500 000 têtes, mais également à de très grands élevages de plus d’un million de têtes par an. A titre de comparaison, une exploitation avicole française produisant du poulet standard dans 2 bâtiments de 1 200 m2 produit environ 350 000 poulets / an.

Le secteur de l’abattage-transformation de volailles reste faiblement concentré avec les dix premières entreprises représentant 32 % de la production de volaille (en 2018). Cependant, la concentration sectorielle pour les entreprises produisant du poulet blanc est plus élevée avec les sept premières entreprises correspondant à près de la moitié du chiffre d’affaires.
Les filières organisées se structurent autour de contrats de production réalisés entre les entreprises et les éleveurs : les entreprises fournissent les intrants (poussins, aliments, produits vétérinaires) à un prix donné, et les éleveurs engraissent les animaux pour les vendre au prix fixé dans le contrat.
Les entreprises produisant du poulet jaune revendent généralement les poulets en vif sur les marchés traditionnels à travers des centres de collecte d’animaux. Par exemple, le producteur Wen’s n’abat que 10% des poulets qu’il produit.
Des filières totalement intégrées de la reproduction à l’abattage existent aussi, notamment dans le cadre de la production de poulet blanc. Cette intégration permet de garantir la qualité sanitaire des produits pour des chaînes de restauration commerciale (McDonald’s, KFC…).
Du point de vue des performances techniques, bien qu’il soit difficile de réaliser des estimations précises, il semble qu’il y ait encore un retard de la production chinoise sur la production de poulets blancs. La génétique[1] est l’un des principaux facteurs limitants. En effet, la Chine importe plus de 90 % des parentaux et grand-parentaux en poulet blanc (souches Arbor Acres, Ross, Cobb) ce qui représente une fragilité structurelle.
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La consommation de volailles en Chine est d’environ 14 kg par habitant. Le type de volaille concerné varie beaucoup selon la catégorie socio-culturelle : les urbains se tournent de plus en plus vers le poulet blanc issus d’exploitations industrielles de grande dimension.
Il existe une offre domestique importante, puisque depuis les années 80, la production chinoise s’est fortement industrialisée. Ce processus devrait se renforcer dans les prochaines années, sous l’impulsion des autorités pour qui l’enjeu sanitaire rejoint celui de l’autosuffisance alimentaire.
À long terme, la production de volailles chinoise devrait évoluer vers une consolidation des filières, notamment autour de la maitrise des outils d’abattage et l’accroissement des capacités de stockage qui prendront le pas sur la vente d’animaux vifs. Pour les exportateurs, le marché chinois représentera toujours un moyen de valoriser la partie de la carcasse qui n’est pas consommée par les occidentaux. C’est aussi un marché dynamique pour la génétique, qui fait l’objet d’une attention particulière des autorités, et où il n’est pas exclu que des acteurs chinois deviennent exportateurs.