Par Manon Sailly
Le développement du Coronavirus, d’abord en Chine puis à l’ensemble du globe, a engendré une forte volatilité des cours matières premières pour l’alimentation animale. Les craintes d’un ralentissement de la croissance économique mondiales ont fortement impacté les bourses internationales. Cela a, dans un premier temps, joué à la baisse sur les cotations des matières premières, grains compris, face à des perspectives d’une baisse de la demande. Depuis, les fondamentaux de chaque marché ont repris le dessus. Les cours mondiaux du blé ont rebondi face à une demande internationale dynamique et des incertitudes climatiques (UE, mer Noire, USA) auxquelles viennent d’ajouter une forte réduction des surfaces en Europe (France et Royaume-Uni). Les prix mondiaux du maïs subissent quant à eux la dégringolade des cours du pétrole qui perturbe fortement la filière éthanol. Ce secteur représente près d’un tiers des consommations de maïs aux Etats-Unis. Pour la fève de soja, la récolte record au Brésil (124,5 Mt) pèse sur les prix.
En Chine, alors que l’épidémie battait son plein au 1er trimestre 2020, le pays a importé 17,8 Mt de fève de soja selon les données des Douanes. Malgré des problèmes logistiques en Chine en février et au Brésil en mars (de fortes pluies ainsi que des mesures mises en place pour contrôler la propagation du Coronavirus ont perturbé les chargements portuaires), ainsi que l’embargo argentin ce même mois, ces volumes sont supérieurs de 6 % à ceux importés en 2019 – en pleine crise commerciale avec les Etats-Unis – mais inférieurs à ceux de 2018 pour la même période (-10 %). L’incidence de l’accord commercial sur les produits agricoles, signé en janvier avec les Etats-Unis, est clairement visible sur l’origine du soja importé. En effet, 44 % du soja importé par la Chine au 1er trimestre 2020 provient des USA, contre seulement 15% en 2019. La part de marché du soja américain dans les importations chinoises ne retrouve cependant pas le niveau d’avant le conflit (63 % sur les trois premiers mois de 2018). Mais ces volumes semblent à peine suffire à la demande nationale : début avril, COFCO a ainsi puisé 500 000 tonnes de soja issues des réserves nationales pour compenser les moindres volumes importés.
Au premier trimestre, les importations chinoises de soja restent toutefois supérieures à celles de 2019 (+6,2% selon les premières annonces gouvernementales).
En Chine, la réduction des activités portuaires et industrielles, liée au confinement des travailleurs et à la fermeture de très nombreux commerces, a d’abord perturbé l’approvisionnement du marché chinois de l’alimentation animale jusqu’au début du mois de mars, avant une reprise progressive de l’activité. La demande est ensuite revenue alors que les moindres importations en mars ont entraîné une forte baisse des stocks en tourteau de soja dans le pays par rapport à l’an dernier. Les prix de tourteau de soja sur le marché de Dalian ont ainsi augmenté jusqu’à la fin de mois de mars (+8% par rapport à début mars), en hausse de 18% par rapport à fin mars 2019, avant de se replier début avril.
En ce qui concerne le maïs, contrairement aux cotations internationales qui pâtissent qu’un manque de demande, les prix comme les importations sont désormais en hausse en Chine, signe d’une tension sur le marché intérieur. En effet, le Covid-19 a causé des perturbations conséquentes des flux logistiques entre les différentes provinces et certaines régions chinoises ont connu des difficultés d’approvisionnement. Ainsi, les stocks des entreprises industrielles et d’alimentation animale sont en recul d’une année sur l’autre. Ainsi, les entreprises cherchent actuellement a reconstitué leurs stocks ce qui induit une demande en céréales supérieure à celle de 2019 au départ des principales zones de production nationale. En outre, la date de début des ventes aux enchères des stocks publics de maïs n’a pas encore été annoncée. En conséquence, les prix progressent rapidement depuis le début de l’année, affichant en moyenne nationale des niveaux 7% plus élevés qu’en 2019 à la même période, et pouvant atteindre +10% /2019 dans les régions productrices du nord-est du pays.
Avec plus de 1,25 million de tonnes importées au 1er trimestre (+27% /2019), les importations de maïs affichent leur niveau le plus élevé depuis 2012, notamment tirées par une mauvaise qualité de la récolte 2019/20. Toutefois, en comparaison avec les volumes produits localement (261 Mt en 2019/20), l’approvisionnement du marché chinois reste peu dépendant des importations.
Cette tension entre offre et demande pourrait se poursuivre lors de la campagne agricole 2020/21, l’antenne de l’USDA basée à Pékin prévoyant une baisse de la production chinoise de maïs de 4% (250 Mt). Les surfaces semées sont similaires à l’année précédente, mais les rendements sont attendus en baisse en raison de la présence accrue de ravageurs (chenille légionnaire). Selon ces estimations, la demande pourrait être supérieure à la campagne 2019/20, notamment face au dynamisme du secteur avicole. Le maïs est de loin la céréale la plus utilisée en Chine pour la nutrition animale : elle représente 88% des besoins en céréales pour ce secteur. Pour la campagne agricole à venir, les services de l’USDA à Pékin prévoient une hausse des importations (+1 Mt) ainsi une augmentation des prix du maïs. L’industrie rapporte que les subventions pour le maïs devraient doubler par rapport à l’année précédente, alors que celles pour le soja devraient rester inchangées.