Depuis plusieurs mois, le cours du porc en Chine est remonté de manière significative, se rapprochant dangereusement des niveaux de prix connus lors de la crise de la fièvre porcine africaine en 2019-2020. Cette situation révèle un déséquilibre certain sur le marché national et les perspectives de croissance sont pour le moment revues à la baisse par rapport aux deux années précédentes.
Depuis le mois de mars, la filière porcine chinoise enregistre une forte hausse des prix du porc (+108% entre les mois de mars et d’octobre). Les niveaux se rapprochent dangereusement des records atteints en 2020, à plus de 35,5 Yuan/kg en moyenne mensuelle en octobre. Toutefois, les cours hauts des prix à la production ne suffisent pas à améliorer la situation économique des éleveurs. La rentabilité des élevages chinois a été fortement impactée depuis la seconde partie d’année 2021 avec la flambée des coûts de production, et les éleveurs semblent être peu confiants sur les perspectives de marché au cours des prochains mois. Nombre d’entre eux sont réticents pour investir davantage dans la production.
Au cours de l’année, les cheptels porcins sont repassés sous les niveaux de 2021 (-2% fin juin 2022/21), tout comme le nombre de truies qui reste inférieur à 2021 en septembre (-2,2%) d’après les données du Ministère de l’Agriculture chinois. Malgré cette contraction du nombre d’animaux, le gouvernement annonce une hausse de la production nationale de 6% au cours des 3 trimestres de l’année par rapport à l’an dernier. Du fait de la situation financière, de nombreux éleveurs ont commencé à décapitaliser leurs cheptels en début d’année, augmentant momentanément l’offre sur le marché et expliquant cette hausse de la production annoncée. Cet été, le marché s’est retrouvé confronté à une contraction forte de l’offre, exacerbée par les fortes inondations. Le gouvernement a aussi reproché aux éleveurs de retenir les porcs afin de faire grimper les prix. Depuis, le nombre d’animaux semble s’être stabilisé et les gains de performances techniques en élevage pourraient permettre une stabilisation, voire une légère hausse de la production chinoise en 2023, mais à une vitesse bien moindre. L’USDA projette une croissance annuelle de 2% l’an prochain.
Du côté de la consommation, celle-ci devrait progresser en fin d’année autour des fêtes de Printemps, et soutenir les cours du porc comme les importations. Cependant, la demande restera soumise et dépendante de l’épidémie de Covid-19 ainsi qu’aux politiques gouvernementales qui continuent de contraindre les consommateurs chinois. En 2022, elle est restée peu vive du fait de la mise sous quarantaine de nombreuses villes et des aléas climatiques majeurs dont les fortes inondations cet été. Par ailleurs, la consommation en Chine est aussi dépendante du budget des ménages et l’inflation dévoile d’importantes hétérogénéités entre les consommateurs chinois. Une importante part de la population pourrait réduire ses achats alimentaires et de privilégier les produits à moindre prix afin de compenser les hausses pour les autres postes de dépense. Alors que les circuits de commercialisation au détail avaient déjà enregistré un important recul des ventes au cours de l’été, il est probable que la demande reste contractée dans les prochains mois. Plus récemment, des mouvements de contestation sociale émergent dans le pays pour dénoncer les mesures anti-covid du gouvernement. Ceci pourrait éventuellement avoir un effet positif sur la demande, malgré la recrudescence de l’épidémie.
L’offre se tend sur le marché, les prix sont élevés, les consommateurs recherchent des produits plus abordables, etc. Les conditions de marché semblent ainsi être réunies pour favoriser les importations de viandes de porc et coproduits. Cependant, pour l’instant, les opérateurs internationaux n’enregistrent pas de remontée nette des ventes vers la Chine. Au cumul 9 mois, les importations de la Chine restent en recul de l’ordre de 46,6% par rapport à l’an dernier, atteignant près de 2 millions de tonnes contre 3,7 millions en 2021. Une impulsion avait été enregistrée au mois d’août, mais les achats ont marqué le pas en septembre. La Chine continue de faire jouer la concurrence entre ses fournisseurs. Le Brésil se retrouve au coude à coude avec l’Espagne, tandis que les Etats-Unis perdent des parts de marché, défavorisés par un dollar plus fort.
Cette année, le Nouvel An chinois arrive assez tôt (le 22 janvier), et les témoignages de ventes modérées à l’automne de la part des exportateurs confirme la volonté du président Xi Jinping de réduire la dépendance de la Chine aux autres puissances internationales et de mettre une priorité sur la souveraineté alimentaire du pays. La question qui peut être posée est : jusqu’à quel point la Chine s’affranchira des importations et résistera au recul de l’offre nationale, à la mauvaise rentabilité en élevage et au besoin de produits plus abordables pour les consommateurs ?