Le Brésil toujours plus dépendant de la Chine

Affectées par des crises économiques internes et la dévaluation de sa monnaie, le Brésil se recentre sur l’exportation de matières premières, notamment à destination de la Chine.

Un mouvement de « reprimarisation » de l’économie brésilienne influé par la Chine1

Après le repli marqué en 2020 lié au développement de la pandémie mondiale de Covid-19, les exportations brésiliennes en valeur ont pulvérisé un nouveau record absolu en 2021 avec plus de 237 milliards d’euros de biens exportés (+30% /2020), bénéficiant de la hausse de la demande et des prix mondiaux. Sans surprise, les exportations brésiliennes restent largement orientées vers la Chine², partenaire privilégié et premier importateur de biens brésiliens (76 Mds € ; +24% /2020). Ce débouché représentait donc en 2021 32% de la valeur des exportations brésiliennes contre seulement 5% vingt ans auparavant. C’est également le principal fournisseur du marché brésilien avec 22% des biens importés par le Brésil en 2021, en grande partie sous forme de produits manufacturés. Cette dépendance marquée participe au mouvement de désindustrialisation de l’économie brésilienne.

L’accélération des échanges, notamment à destination de la Chine, accentuée par la hausse du prix des matières premières et l’augmentation parallèle des importations brésiliennes ont renforcé la désindustrialisation du pays. Les exportations brésiliennes sont majoritairement basées sur des produits peu ou pas transformés. Signe de la « reprimarisation » de l’appareil exportateur brésilien, les exportations en valeur de produits manufacturés ne représentaient plus en 2021 qu’un quart des exportations brésiliennes alors qu’elles étaient encore majoritaires en 2004 (53%).

A nouveau, en 2021, la Chine a joué un rôle primordial dans l’importation de matières premières brésiliennes. Le premier produit exporté en valeur est le minerai de fer. Il représente un tiers des exportations brésiliennes vers la Chine, ce dernier captant deux tiers des exportations de ce produit par le Brésil. Vient ensuite le soja (31% des exportations vers la Chine et 70% des achats de soja brésilien) puis le pétrole brute (16% des exportations vers la Chine et 47% des exports brésiliens de ce produit), les viandes in natura et abats non transformés (9% des exportations vers la Chine et 44% des exports brésiliens de ces produits) et enfin le sucre (2% des exportations vers la Chine et 15% des exports brésiliens de ce produit). A ces 5 produits totalisent plus de 90% des exportations brésiliennes vers la Chine et Hong-Kong.

Au cours des vingt dernières années, si la République populaire de Chine a développé des relations politiques, économiques et même culturelles de plus en plus fortes avec de nombreux pays d’Amérique du Sud, c’est avec le Brésil que cette relation est désormais la plus intense. La Chine a ainsi pu organiser ses filières d’approvisionnement régulier en matières premières via le développement d’échanges commerciaux et l’essor d’investissements directs au Brésil. L’ultra-dépendance du Brésil à la Chine est aujourd’hui marqué et participe à la désindustrialisation d’un Brésil à l’essor industriel pourtant relativement récent.

Les exportations de viande bovine n’échappent pas au mouvement

D’après les données des douanes brésiliennes, les exportations brésiliennes de viande bovine réfrigérée et congelée vont battre un nouveau record absolu en 2022. Et après le léger reflux de 2021 (le marché chinois a été fermé à la viande bovine brésilienne en octobre et novembre 2021 après la découverte de deux cas d’ESB atypique), les exportations à destination de la Chine suivent le même chemin.

Sur les 11 premiers de 2022, les exportations brésiliennes de viande bovine réfrigérée et congelée ont atteint 2,39 millions de téc (+28% /2021), dont 1,52 million de téc vers la Chine et Hong-Kong (+40%), soit 64% du total des exportations brésiliennes.

Les confinements ciblés et répétés en Chine tout au long de 2022 ne semblent pas avoir affecté les performances d’exportations des groupes brésiliens à destination de la Chine. Et 2023 pourrait suivre la même voie. En novembre dernier, JBS annonçait avoir signé un partenariat avec le géant du e-commerce Alibaba (via sa filiale Win Chain qui se concentre sur les aliments) pour la distribution de ses viandes bovine, porcine et de volaille en Chine.


[1] Voir DEE n°533 d’octobre 2022 : Viande bovine : le Mercosur privilégie toujours plus d’export.

[2] Ici et dans le reste de l’article, les données concernent la Chine continentale et Hong-Kong, deux entités encore séparées dans les statistiques douannières.

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