Par Elisa Husson
La filière porcine chinoise est toujours très perturbée par l’épidémie de peste porcine africaine. A l’approche des festivités du Nouvel an Chinois (25 janvier) les déséquilibres de marché sont d’autant plus saillants.
Au mois d’octobre, la chute des effectifs porcins en Chine a atteint un niveau plancher. La décapitalisation des cheptels entamée fin 2018 et qui s’est poursuivie toute l’année 2019 semble arriver à son terme (pour plus de détails sur l’évolution et les conséquences de cette épidémie, se procurer notre étude). Le nombre de truies se serait stabilisé à près de 19 millions de têtes, un niveau historiquement bas. En 10 mois, la Chine a perdu 38 % de son cheptel de truies et la production a officiellement reculé en 2019 de 21,3% en volume et de 21,6% en têtes, son plus bas niveau depuis 2003.
Flambée des cours en Chine à l’approche du Nouvel An chinois
Face à ce déficit croissant de la production porcine, le cours moyen du porc charcutier s’est envolé en octobre et en novembre. Il a dépassé les 38 RMB/kg en fin de mois, soit 4,8 € par kilo vif ou encore 6,4 € par kilo de carcasse. Les prix ont affiché une progression de 26,5% par rapport à septembre, ou encore de 89% par rapport à l’an dernier. Cette flambée des cours a également touché les marchés des porcelets et de la viande, et ce dans une même ampleur. Cette flambée des cours a également touché les marchés des porcelets et de la viande, et ce dans une même ampleur. Le prix de la viande au détail a frôlé les 60 RMB/kg, soit 7,7 €/kg.
Cependant, à partir de mi-novembre et en décembre, le marché du porc a encaissé une correction. Cette baisse a été par la suite répercutée sur l’ensemble des maillons de la filière.
Un regain des abattages dans le nord du pays pourrait être à l’origine de ce déclin des cours. Les abattages nationaux auraient d’ailleurs progressé en décembre d’un mois sur l’autre.
Toutefois, une diminution saisonnière des cours est généralement observée en fin d’année. Simple pause ou début de la fin de la crise ? Les prix du porc et de la viande au détail en Chine resteront de toute manière élevés dans les prochaines semaines pour cause de Nouvel An et plus largement dans les prochains mois, compte tenu de l’état de l’offre actuelle et à venir sur le marché national.
L’inflation s’accélère sur la fin de l’année
La crise porcine en Chine a un impact global sur l’économie du pays. En novembre et décembre, l’inflation a atteint + 4,5 % rapport à la valeur de 2018. Il s’agit du taux mensuel le plus élevé depuis janvier 2012. L’inflation alimentaire (qui a atteint jusqu’à 15,5 %) contribue de façon majoritaire à cette poussée de l’inflation globale, en lien avec la hausse des prix des protéines animales. Les prix non-alimentaires augmentent également, mais de façon plus limitée (+ 0,9%).
L’inflation dépasse ainsi le niveau objectif de la Banque centrale chinoise, établi à 3%. Dans un contexte de ralentissement économique plus fort que prévu en Chine, une telle inflation pourrait perturber la mise en place de mesures de relance par la Banque centrale.
Des importations en forte hausse
Le gouvernement met en œuvre de multiples stratégies pour limiter les phénomènes de hausse des prix et d’inflation, privilégiant à court terme les importations.
Pour répondre aux besoins des consommateurs chinois, le gouvernement réalise des achats massifs et sécurise ses approvisionnements auprès de ses fournisseurs étrangers. Sur les 11 premiers mois, les volumes de porc envoyés vers la Chine ont dépassé les 3 millions de tonnes (+ 58% d’une année sur l’autre). Les deux tiers de ces volumes proviennent du marché européen. La Chine tente également de diversifier ses approvisionnements. Elle a récemment délivré des agréments d’exportation à sept entreprises d’abattage du Brésil, 7e fournisseur du pays. Les ventes de produits d’origine brésilienne sur le marché chinois en progression de 33% sur 11 mois 2019/18.
Les exportations canadienne ont reculé de 12% suite à embargo chinois sur la viande de ce pays décrété entre fin juin et début novembre après la découverte de la ractopamine dans de la viande porcine canadienne
Dans le même temps, l’acteur étatique chinois COFCO Meat Holdings a conclu un accord avec l’entreprise danoise Danish Crown début novembre. Il s’est engagé à lui acheter 100 millions de dollars de viandes de porc en 2020. Enfin, après un adoucissement des relations diplomatico-commerciales entre le continent nord-américain et la Chine, les approvisionnements en viandes américaines n’ont cessé de s’intensifier et ont doublé sur le cumul des trois premiers trimestres 2019/18.
Un plan pour rétablir la production porcine
Poussé par un optimisme sans faille, le gouvernement instaure d’autres démarches sur le marché national. Des politiques de soutien à la filière porcine ont récemment été établies.
Début décembre, le gouvernement a publié un plan pour rétablir la production porcine en 3 ans. L’objectif est de reconstituer le cheptel porcin en 2020 et de retrouver en 2021 les niveaux de production d’avant la crise. Par ailleurs les autorités ont déclaré que la filière porcine sera la priorité du secteur agricole en 2020 et que la Chine doit pouvoir retrouver son indépendance en viande porcine.
Les autorités locales sont encouragées à faciliter les nouveaux projets de fermes porcines, à accorder des subventions pour l’achat d’équipements modernes et à réduire les surfaces interdites à l’agriculture pour raisons environnementales. Notamment, les élevages de plus de 5 000 animaux n’auront pas à attendre le résultat de l’étude environnementale pour commencer la construction des bâtiments.
Des mesures sanitaires sont également avancées, en responsabilisant les éleveurs pour la prévention de maladies et pour la déclaration d’animaux malades. 120 élevages de démonstration high-tech seront construites pour faciliter la diffusion de techniques modernes.
Les premières mesures ont-elles déjà porté leurs fruits, en stabilisant le cheptel porcin et les prix ? Ou l’évolution observée n’est-elle que conjoncturelle ?
La pleine mise en œuvre et les résultats de ces mesures gouvernementales se constateront progressivement au courant de l’année à venir. Malgré un optimisme certain des autorités, le marché du porc restera, de toute manière, bouleversé par la crise porcine et mettra du temps à retrouver un équilibre. Il n’est en outre pas exclu qu’une vague de nouveaux foyers se déclare dans les prochaines semaines.
Les prix et les importations resteront donc inexorablement élevés dans les prochains mois.