Par Jean-Marc Chaumet
On peut s’interroger sur les conséquences de cet accord sur la politique de sécurité alimentaire chinoise, basée sur l’autosuffisance en céréales, des importations dites « modérées » et une maîtrise de son approvisionnement alimentaire à travers des investissements. La Chine a-t-elle cédé devant les Etats-Unis au point de remettre en cause son concept de la sécurité alimentaire ? Cela constituerait un revirement profond de la politique gouvernementale, soit une énorme surprise, à vrai dire peu envisageable à l’heure actuelle.
D’une part l’accord sur les montants d’importations ne porte que sur les années 2020 et 2021, laissant la Chine libre de réduire ses achats de produits étatsuniens dès 2022, à condition que la réversibilité des flux ne soit trop difficile. Pour Trump en fait, seule l’échéance de novembre (les élections présidentielles aux Etats-Unis) compte vraiment. Après cela, l’histoire sera sans doute fort différente.
D’autre part, les Autorités chinoises ont, directement ou indirectement, insisté sur plusieurs phrases de l’accord précisant que les achats de l’empire du Milieu devaient s’effectuer sur les bases « du marché et en fonction de la demande. Ainsi, la Chine ne devrait acheter des produits étatsuniens que si ceux-ci sont compétitifs. Une mise en garde a été émise sur la tentation qu’auraient certains exportateurs étatsuniens de vendre des produits de mauvaise qualité et/ou à des prix supérieurs à ceux du marché. L’accord précise explicitement que si la Chine considère que sa capacité à remplir ses obligations est contrariée par une action ou une inaction des Etats-Unis, elle doit alors entreprendre des consultations avec son partenaire.
Cependant, à moins que la Chine n’annule les hausses de droits de douane qui frappent aujourd’hui les produits étatsuniens ou qu’elle ne trouve un moyen, par l’intermédiaire de ses entreprises publiques de les contourner, les produits en provenance des Etats-Unis seront difficilement compétitifs.
Enfin, on peut également se demander si une telle réorientation des exportations étatsuniennes n’est pas dangereuse pour les exportateurs étatsuniens eux-mêmes, les rendant toujours plus dépendants de la Chine. Mais ils ne seraient alors pas les seuls dans ce cas…
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