Par Jean-Marc Chaumet
L’accord ne mentionne nulle part la répartition des sommes citées par produits. Les achats chinois dépendront donc de ses besoins et de la capacité des Etats-Unis à fournir les produits demandés.
En 2017, le soja représentait plus de 60% de la valeur des importations chinoises de produits agricoles et alimentaires en provenance des Etats-Unis. Sept groupes de produits (soja, céréales, poissons crustacés, viandes, coton, cuirs, fruits) constituaient près de 90% des achats de la Chine aux Etats-Unis.
Le soja semble donc le premier produit sur lequel peuvent compter les Etats-Unis. Mais deux facteurs risquent de freiner les achats chinois. Tout d’abord la Fièvre Porcine Africaine, qui a fortement réduit le cheptel porcin chinois en 2019 et donc limiter importations de soja proche de leur niveau de 2018 (88 millions de tonnes). L’épidémie est toujours active en Chine et les besoins en soja ne devraient pas retrouver en 2020 leur niveau de 2017. Les Etats-Unis devront donc prendre des parts de de marché au Brésil, dont la part dans les achats chinois de soja est estimée autour de 60%, en valeur comme en volume en 2019, et alors le soja étatsunien doit s’acquitter de droits de douane majorés pour un total de 33%, contre 3% pour ses concurrents. En outre, pour le 1er semestre 2020, la période de commercialisation du soja étatsunien se termine en avril et les acheteurs chinois avaient, pour beaucoup d’entre eux, déjà passé commande à d’autres fournisseurs avant l’accord, sans compter les difficultés liées à l’épidémie de Coronavirus. Pour respecter l’accord, la Chine pourrait être tentée d’augmenter ses achats à partir de l’automne, au dépend des exportations sud-américaines de 2021.
Les céréales étaient le deuxième poste d’importations, en grande majorité de l’orge, en provenance d’Australie et du Canada, du riz (Vietnam et Thaïlande), du sorgho (majoritairement des Etats-Unis) et du maïs (Ukraine) et du blé (Canada et Etats-Unis). Mais les volumes de blé, riz et maïs sont encadrés par des contingents tarifaires, avec des droits de douane de 1%, au-delà desquels les droits deviennent très élevés (65% pour chaque céréale). Les autorités chinoises ont déjà annoncé qu’elles ne relèveraient pas les plafonds des contingents, fixés à 9,636 millions de tonnes pour le blé, 7,2 millions pour le maïs et 5,32 millions pour le riz. Ces contingents n’ont, depuis l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001, jamais été remplis et les exportations étatsuniennes ont exceptionnellement atteint 2,8 millions de tonnes pour le blé en 2014 et 5 millions de tonnes pour le maïs en 2012.
Les céréales constituent en effet le cœur de la politique de sécurité alimentaire chinoise et le gouvernement chinois a mentionné après la signature de l’accord qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir l’autosuffisance « absolue » pour le blé et le riz et l’autosuffisance « relative » pour le maïs.
La Chine peut cependant se tourner vers les drêches de distilleries comme vers le sorgho pour augmenter ses achats en provenance des Etats-Unis.
La demande en poissons et crustacés pourrait progresser en Chine, en tant que poste de report de consommation suite à la FPA. Mais les Etats-Unis pourront-ils fournir ? Après une très forte progression au début des années 2000, les envois étatsuniens stagnent depuis 2012, en valeur comme en volume.
Les viandes et abats pourraient représenter une part importante des exportations étatsuniennes vers la Chine. En 2017, les Etats-Unis étaient le 2ème fournisseur de viande, en valeur, de la Chine, derrière le Brésil, avec près de 1,2 milliards de dollars. Une augmentation des exportations s’appuierait sur le déficit chinois en viande porcine qui devrait demeurer à des niveaux élevés, le volume accru de viande bovine étatsunienne éligible aux exportations vers la Chine suite à l’accord signé mi-janvier et sur la réautorisation des exportations de volaille en provenance des Etats-Unis depuis novembre 2019.
Mais d’une part, les droits de douane chinois supplémentaires imposés en 2018 et 2019 sur les viandes porcine et bovine restent d’actualité. Les droits de douane sur la viande porcine ont ainsi grimpé de 12% à 72%, avant que les autorités chinoises ne décident d’une baisse générale des droits de 4%). En outre, le texte de l’accord précise que les achats chinois devront être effectués au « prix du marché », ce qui signifie que les produits étatsuniens devront être compétitifs face à leurs concurrents, notamment européens pour la viande porcine et sud-américains et océaniens pour la viande bovine. Les droits de douane n’ont cependant pas empêché le porc étatsunien d’entrer en Chine en 2019 et de concurrencer les produits européens.
Les produits laitiers étatsuniens ne représentent qu’environ 3% en valeur des exportations étatsuniennes vers la Chine, centrées sur le lactosérum et les poudres de lait infantile. Majoritairement destinées à l’alimentation animale, le lactosérum étatsunien a souffert de la hausse des droits de douane et de la Fièvre Porcine Africaine. Si les droits de douane additionnels ont été supprimés sur le lactosérum depuis septembre 2019, la demande chinoise ne devrait être encore limitée en 2020, compte tenu de la chute du cheptel porcin. Une hausse des exportations de produits laitiers étatsuniens pourrait entrer en concurrence avec les produits européens et français.
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