La FPA aggrave le déficit commercial agricole chinois

Par Jean-Marc Chaumet

Alors que la Chine était en guerre commerciale avec les Etats-Unis, la Fièvre Porcine Africaine a créé un appel d’air sur les importations de produits animaux et creusé le déficit commercial agroalimentaire chinois.

L’approvisionnement alimentaire est un des principaux objectifs du Gouvernement chinois en termes de sécurité. Le creusement du déficit commercial agricole ces dernières années a poussé les autorités chinoises à réorienter leur politique vers des investissements à l’étranger et une diversification des fournisseurs dans le but de minimiser les risques de ruptures d’approvisionnement et de réduire les conséquences d’une utilisation éventuelle de l’arme alimentaire par des partenaires commerciaux.

Mais l’apparition de la Fièvre Porcine Africaine dans le pays a eu un très fort impact sur le commerce agricole de la Chine continentale (hors Hong-Kong), aggravant encore le déficit commercial.

En 2019, les importations chinoises de produits agricoles et agroalimentaires ont bondi de 10%/2018 pour atteindre un record historique à près de 150 milliards de dollars US. Dans le même temps, les exportations chinoises ont reculé de 1%, à 78,5 milliards, portant le déficit agroalimentaire chinois à 71 milliards USD.

Baisse des importations de produits végétaux

La valeur des importations de soja, quasi-stables en volume en 2019, a reculé de près de 7% conséquence de la baisse des cours internationaux. La diminution du cheptel porcin a été en partie contrebalancée par la hausse de la production de volaille. Les fèves restent cependant toujours la première forme d’importation de soja, bien avant les tourteaux.

Avec 17,5 millions de tonnes, la Chine a également moins importé de céréales (-13%/2018 en volume comme en valeur). La guerre commerciale a fortement réduit les achats chinois de sorgho (-77%/2018) dont les Etats-Unis restent le premier fournisseur. Avec 830 000 tonnes importées toutes origines confondues, l’effondrement est spectaculaire comparées aux 10,5 millions de tonnes de 2015.Les sécheresses successives ont fortement réduit le disponible exportable d’orge en Australie, faisant chuter les exportations vers la Chine, leur premier client. Partiellement compensés par des envois en hausse de France et d’Ukraine, les achats chinois n’en ont pas moins baissé de 13%/2018. Les ventes aux enchères d’une partie des réserves publiques de riz a fait reculer les importations de 17%/2018.

A l’inverse, la Chine a augmenté ses acquisitions de blé (+11%), notamment à partir du Canada et de la France. Mais ce sont surtout les achats de maïs qui ont progressé, de 36%/2018, pour atteindre un record historique à 4,8 millions de tonnes, tirés par une offre en recul (production en baisse lors de la campagne 2018/2019 et moindres ventes aux enchères des stocks) et une demande en hausse.

A noter que les importations de fruits ont bondi de 36% en valeur pour afficher un record historique à 11,7 milliards d’euros. La hausse est essentiellement due aux durians, pistaches, amandes, mangoustan… La Chine est ainsi depuis plusieurs années importatrice nette de fruits.

Forte hausse des importations de viande

Le recul des achats de produits végétaux a été plus que compensé en valeur par des achats de produits animaux.

La forte hausse des importations agricoles repose en effet principalement sur les achats de viande et abats, en progression de 7,8 milliards de dollars US (+70%/2018). Avec près de 19 milliards en tout, les viandes et abats représentent dorénavant le 2ème poste d’importation de produits agricoles et agroalimentaires chinois.

Contrairement à ce que l’on aurait pu penser compte tenu de la baisse de production de viande de porc en Chine en 2019, les flux de viande porcine ne sont pas les plus gros contributeurs de cette hausse malgré une multiplication par 2,2 en valeur (+2,4 milliards de dollars US) des importations qui ont atteint 4,5 milliards de dollars US (abats exclus).

Avec 8,2 milliards USD sur l’année (+70%/2018 soit + 3,3 milliards USD) la viande bovine s’impose comme le produit animal qui a enregistré la plus forte progression en valeur en 2019. La consommation s’est notamment reportée sur la viande bovine que l’offre locale n’a pu satisfaire compte tenu du cycle long de production.

 

Si la valeur des pièces bovines est plus élevée que celle des pièces porcines, l’écart entre les volumes importés des deux espèces se resserre fortement.

Les importations de volaille ont également bondi (+77%/2018) à 2 milliards de dollars US.

A noter également que les achats de produits de la pêche et de l’aquaculture sont devenus le 3ème poste d’importations agricoles avec un bond de 33%/2018 en valeur. A 15 milliards de dollars US, les importations dépassent maintenant les exportations faisant de la Chine un importateur net de ce type de produits. Si une partie de ces importations est transformée en Chine pour être réexportée sous forme de préparations ou de conserves, une proportion croissante des volumes est destinée à la consommation intérieure, qui a progressé en 2019 en lien avec la baisse de l’offre en viande porcine.

Une diversification des fournisseurs tirée par les produits animaux et la part des Etats-Unis au plus bas

La hausse des importations de produits animaux a accru la diversification des fournisseurs de la Chine en produits agricoles et agroalimentaires. La part des 5 premiers fournisseurs est en effet passée de 55% en 2018 à 47% en 2019. Les importations en provenance des deux premiers d’entre eux, le Brésil et les Etats-Unis, se sont réduites de -10% et -13% respectivement. Les exportations de soja brésilien ont reculé en 2019 au profit de l’Argentine tandis que la guerre commerciale a eu des conséquences sur les exportations étatsuniennes. Malgré une part des importations chinoises tombée à 10% en 2019, contre encore 19%en 2017, les Etats-Unis devancent encore l’Australie, 3ème fournisseur.

Un certain nombre de pays ont profité de la demande chinoise en protéines animales pour accroître sensiblement leurs exportations vers l’Empire du Milieu. Les importations chinoises de produits équatoriens, principalement des crevettes, ont ainsi été multipliées par 3 en un an, pour atteindre 2,2 milliards de dollars US et celles d’Inde ont progressé de 92% (crustacés mais aussi piments, cumin) à 1,3 milliards de dollars US. Plusieurs pays européens ont profité de la baisse de la production porcine chinoise : les achats de produits agricoles espagnols ont augmenté de 50% (porc notamment) à 2,2 milliards USD, ceux du Danemark de 48% à 1,4 milliard USD. Les importations de produits français n’ont progressé que de 3%, la hausse des ventes de produits porcins, de blé et d’orge ayant été contrebalancé par le recul des vins.

Mais cette diversification pourrait faire long feu suite à l’accord sino-étatsunien signé le 15 janvier 2020. En effet, avec seulement 14 milliards de dollars US de produits agricoles étatsuniens importés par la Chine en 2019, le respect de l’accord en 2020 signifierait une multiplication par 2,6 des achats chinois de produits agricoles étatsuniens pour atteindre les 36,5 milliards de dollars US. Et la Chine semble vouloir tenir ses engagements. Outre un certain nombre de décisions facilitant les conditions d’importations des produits étatsuniens (volaille, pomme de terre, produits de la mer…) la Chine a passé en mars sa première importante commande de produits agricoles américains d’après l’USDA. Selon le système recensant au quotidien les ventes à l’étranger les plus importantes, des courtiers chinois ont acheté 756 000 tonnes de maïs, 340 000 tonnes de blé dur et 110 000 tonnes de fèves de soja. Des achats de sorgho et de porc auraient également été enregistrés. Reste à savoir si, avec l’épidémie de Covid qui progresse actuellement aux Etats-Unis, le pays sera en mesure d’exporter en Chine les produits demandés.

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