Par Elisa Husson et Jean-Marc Chaumet
La production chinoise de porc devrait rebondir en 2021. Cependant, la reprise de la croissance en Asie ne permettra pas de retrouver les niveaux de production atteints avant la fièvre porcine africaine.
Dans le dernier rapport de l’USDA Livestock and Poultry : World Markets and Trade, les analystes américains envisagent une reprise de la production chinoise à 41,5 millions de tonnes en 2021 (+9,2% en un an). Malgré ce rebond, la production chinoise et mondiale de porc ne retrouvera pas les niveaux atteints avant la propagation de la fièvre porcine africaine en Chine en 2018. Le déficit en viande en Chine devrait rester important. Si en 2021 la production chinoise atteint les niveaux annoncés par l’USDA, elle restera inférieure à près de 23% à la production de 2018, soit une différence de plus de 13 millions de tonnes.
La recapitalisation du cheptel reproducteur
Le virus de la fièvre porcine africaine continue de sévir sur le territoire chinois, mais la reconstruction de l’élevage porcin devrait permettre à la production de reprendre progressivement. Les données officielles font état d’une reconstitution constante du cheptel reproducteur depuis plusieurs mois. Au 3ème trimestre 2020, le cheptel de truies n’était plus que 11% sous son effectif d’avant la FPA. Cependant, les abattages ont poursuivi leur recul sur l’année 2020, compte tenu de la recapitalisation du cheptel à partir de porc charcutiers femelles et de l’abattage souvent avancé des porcs à l’engrais, menant à des poids carcasse plus faibles que les années précédentes.
Le pays recapitalise donc son cheptel, mais les performances techniques resteront à moyen terme médiocres. La présence de reproducteurs sélectionnés selon leur génétique fait encore défaut.
La production porcine chinoise, en recul d’un trimestre sur l’autre en 2020, devrait rebondir au 4ème trimestre, suite à la recapitalisation du cheptel et afin de pouvoir satisfaire la demande lors du prochain Nouvel An chinois qui aura lieu le 12 février 2021.
Le rebond de la production porcine demeure une priorité nationale. Le gouvernement central chinois accentue la pression sur les autorités locales pour mettre en place des programmes de subventions et faciliter la construction de nouvelles exploitations, notamment sur des terres normalement dévolues à des cultures de céréales, voire en accordant des dérogations sur le volet environnemental. Ces mouvements de reprise de la production touchent également d’autres pays en Asie, eux-mêmes impactés par la fièvre porcine africaine. Au Vietnam et aux Philippines, la production porcine devrait augmenter en 2021 respectivement de près de +5% et +6%/2020. Néanmoins, l’épidémie continue de sévir et pourrait modérer ces perspectives de croissance.
En Chine, l’offre insuffisante soutient toujours les cours du porc et le prix de la viande de porc à des niveaux élevés. Le prix de la viande porcine s’est ajusté à la baisse entre fin août et mi-novembre, puis est reparti à la hausse pour atteindre près de 50 RMB/kg mi-décembre (6,4 €/kg), un niveau 2% sous celui de 2019 à pareille époque mais le double de celui de fin 2018 !
Les cours de la viande devraient poursuivre leur progression compte tenu de la hausse de la demande en prévision du Nouvel An chinois. Le cours du porc charcutier suit la même évolution.
Les cours des porcelets avaient reculé entre septembre et novembre, conséquence d’un prix très élevé et d’une moindre demande sur le marché suite à un renouvellement au sein des exploitations à partir de porcelets femelles. Les prix se sont stabilisés fin novembre et pourraient également repartir à la hausse dans les semaines à venir.
La Chine continuera de concentrer la demande mondiale
Malgré la légère reprise de la production, la demande chinoise en viandes et coproduits devrait rester soutenue. Elle fléchit habituellement quelque peu dans les mois de décembre et janvier. Le taux d’auto-approvisionnement du pays est descendu sous les 90% sur l’ensemble de l’année 2020.
Néanmoins, rappelons que la Chine domine le commerce international. Au cours des 9 premiers mois de 2020, elle a absorbé presque la moitié des échanges mondiaux de viande porcine, dont 63% des exportations européennes, 45% pour des envois du Canada, 54% de ceux du Brésil brésiliennes, et enfin 28% de l’export des Etats-Unis. Malgré son besoin énorme, cette position de leader mondial lui permet d’imposer une certaine pression sur les prix à l’import.
Incertitudes fortes quant au degré d’ouverture du marché
Les incertitudes sur l’accès au marché chinois pour les exportateurs mondiaux renforcent la concurrence internationale et atténuent la progression des cours du porc dans le monde. Durant toute l’année, la Chine a engagé une lutte féroce contre l’épidémie de Covid-19. Les importateurs chinois ont intensifié les mesures de contrôle sanitaire sur les produits importés et sur leurs fournisseurs. Par exemple deux gros exportateurs danois ont perdu temporairement l’accès au marché. Cette décision s’ajoute à l’embargo imposé sur les viandes allemandes en raison de la présence de la fièvre porcine africaine outre-Rhin. Les viandes européennes subissent d’importantes réductions de prix face à un afflux d’offre, bénéficiant aux importateurs chinois.
Le début de l’année 2021 se place dans la continuité des mois précédents. Bien qu’en hausse, la production chinoise ne sera pas suffisante pour répondre à la demande intérieure. Les volumes importés resteront massifs, mais cette demande sera certainement moins rémunératrice. La Chine continuera ainsi à piloter les marchés mondiaux de la viande porcine. Compte tenu des incertitudes relatives à l’accès au marché chinois, Hong-Kong pourra de nouveau servir de relai aux exportateurs mondiaux.