Par Jan-Peter Van Ferneij et Elisa Husson
Depuis plusieurs mois les prix du porc en Chine alternent des périodes de hausse et de baisse mais les cours surpassent toujours les niveaux d’avant crise.
Malgré la reconstruction des cheptels affichée par le gouvernement les niveaux de production restent bien en deçà des niveaux d’avant crise. Sur l’année 2020 et selon les données officielles, la production aurait reculé de 3,3%/2019, soit une baisse de 24% en deux ans.
L’important déficit en viande s’est fait ressentir à la veille des festivités du Nouvel An chinois. Le prix a connu un quatrième pic entre décembre 2020 et février 2021, à 36 RMB/kg carcasse. Les prix sur le marché à terme s’étaient également redressés ainsi que le montant des actions du Muyuan Foods, grand intégrateur chinois.
Les autorités chinoises ont annoncé débloquer fin janvier près de 30 000 tonnes de viandes des réserves d’Etat, soit plus de 150 000 tonnes depuis mi-décembre. Par le biais de ces stocks nationaux, libérés au compte-goutte sur le marché et qui pèsent relativement peu par rapport à la demande nationale, le gouvernement essaie de donner un signal pour baisser les cours du porc, qui reste le meilleur indicateur pour juger de l’équilibre offre-demande dans le pays.
Quelle est la situation actuelle de la production porcine chinoise ?
Sans que l’on puisse mesurer les effets réels du déstockage d’Etat, depuis fin janvier, les prix ne cessent de reculer. Celui de la viande a perdu 25% en 11 semaines (à 40 RMB/kg début avril), tandis que celui du porc a chuté de plus de 30% (à 25 RMB/kg), retrouvant ainsi leur niveau de septembre 2019 tout en restant deux fois supérieurs aux prix pratiqués avant le début de la crise. Depuis quelques semaines, le monde porcin international est informé, par le biais de témoignages d’opérateurs sur place, d’un nouveau déclin du cheptel porcin en Chine. Avec la crise du coronavirus, les informations circulent mal, compte tenu du nombre plus réduits d’observateurs étrangers en Chine comparé aux années précédentes.
Alors que les informations officielles du gouvernement continuent d’annoncer une augmentation dynamique de la population porcine, les informations diffusées par de nombreux médias internationaux mènent à une conclusion opposée. Ces articles s’appuient sur des informations émanant des partenaires ou clients chinois d’entreprises internationales (nutrition animale, génétique, médecine vétérinaire).
En raison de l’hiver rigoureux en Chine, la situation sanitaire se serait donc à nouveau aggravée. La presse, y compris chinoise, rapporte plusieurs problèmes sanitaires, dont les plus importants sont :
1) Une reprise majeure de la peste porcine africaine qui a de nouveau provoqué une mortalité élevée dans toutes les catégories d’animaux. Il pourrait s’agir en outre d’un variant de FPA induit par l’utilisation en Chine de vaccins non normés et illégaux.
2) Une nouvelle vague de DEP (Diarrhée Epidémique Porcine) qui a principalement conduit à des avortements de truies et à une forte mortalité des porcelets. La presse chinoise rapporte dans ce cas de millions de porcelets…. Les services gouvernementaux ne font pas cas de cette épidémie, la maladie n’étant pas soumise à déclaration obligatoire auprès de l’OIE, mais plusieurs sources mentionnent le problème et les entreprises chinoises seraient inquiètes à ce sujet. Selon la souche, la propagation de la maladie peut être rapide, et lourde de conséquences, comme cela a été le cas aux Etats-Unis en 2013.
3) Recrudescence du virus du SDRP (virus du Syndrome Dysgénésique et Respiratoire Porcin)
Selon les provinces, une combinaison de ces différents problèmes sanitaires peut avoir lieu, ce qui rend difficile une évaluation nationale de la situation.
Une comparaison directe peut être faite avec la situation au printemps 2019, au cours duquel sévissaient une forte mortalité due aux infections de la FPA et une offre importante de porcs à travers la décapitalisation des cheptels, menant à des prix bas (ou en baisse). En conséquence, les effectifs de porcs reculent, mais l’offre de porcs reste (temporairement) élevée.
Une faible hausse de production en 2021?
Comme en 2019, les foyers contaminés (FPA, DEP ou SDRP) ne sont pas signalés de manière exhaustive au gouvernement. En cas de suspicion de présence d’une maladie, les petits producteurs de porcs en particulier proposeront dès que possible leurs animaux aux marchés de viande en plein air, afin de limiter les pertes financières. Absence d’indemnisation en cas de déclaration et d’équarrissage oblige… Cela conduit à une offre croissante, et par conséquent à une baisse du prix du porc. Cette évolution conduit dans de nombreux cas, et en particulier dans le contexte de prix d’aliment élevés, à une réduction de la rentabilité de l’élevage. Des revenus plus faibles, des coûts plus élevés et un risque sanitaire accru motivent de nombreux éleveurs de porcs à proposer prématurément leurs porcs aux abattoirs. Ce constat est conforté par la baisse récente du prix des porcelets, qui semble traduire une demande plus « prudente ». Cela concerne à la fois les petits élevage familiaux et les grands élevages aux mains de groupes.
Selon les différents témoignages, il y aurait eu une baisse de 20% à 25% de cheptel ces derniers mois par rapport aux niveaux atteints en fin d’année 2020 ; certaines provinces connaissant des baisses de -5% à -10% et d’autres de -30% à -50%. En mars, selon FAO-Chine ainsi que quelques sources chinoises, le nombre de reproducteurs serait inférieur de 30% à son niveau de mars 2018.
Malgré toutes les incertitudes, l’interruption de la reconstitution du cheptel porcin semble se confirmer en Chine. Selon notre estimation, la progression de la production sera limitée de 1 à 3 millions de tonnes en 2021. Ainsi, l’offre chinoise de viande de porc en 2021 serait encore inférieure de plus de 10 à 12 millions de tonnes à celle de 2018. Cela plaide pour le maintien d’une forte demande à l’importation de la Chine en 2021 et probablement pour les années à venir.