Depuis la demande d’une enquête indépendante sur l’apparition du Covid-19 en Chine demandé par le premier ministre australien, les relations diplomatiques entre la Chine et l’Australie étaient très tendues. Aujourd’hui ces relations semblent se réchauffer et les céréales qui étaient les victimes collatérales des tensions diplomatiques entre les deux pays redeviendraient une monnaie d’échange.
Sanctions et droits de douane
À la suite de l’enquête indépendante demandée par l’Australie en mai 2020, la Chine, premier importateur d’orge australien (2Mt en 2019 passées à 0t en 2021), avait augmenté ses droits de douane de 80%. D’autres produits d’import ont subi ces augmentations : le blé, la viande bovine, le vin, le charbon. En Australie, des sanctions sur les technologies ont aussi été mises en place comme l’arrêt des investissements chinois pour le déploiement de la 5G.
Ces sanctions pénalisent fortement l’export australien, la Chine étant le premier partenaire commercial de l’Australie depuis 2007 avec presque un tiers des exportations totales australiennes à destination de la Chine. Ces dernières années, l’Australie est devenue un acteur incontournable du marché des grains avec une production et une capacité d’export en hausse. L’Australie produit aujourd’hui 10% de l’orge mondiale et 5% du blé mondial. Avant le conflit, 54% des orges importées par la Chine venait d’Australie et 10% de France.
Réchauffement en cours
Après un changement de gouvernement en Australie, une rencontre a eu lieu entre le nouveau Premier ministre australien et le président chinois. Le réchauffement entamé a déjà permis de nouvelles exportations de charbon vers la Chine et une accélération des exportations de blé qui ont été multipliées par 2 au premier trimestre 2023 par rapport à 2022. L’annonce d’un accord sur l’orge est en attente, la Chine a trois mois pour réexaminer les droits de douane appliqués à l’orge. S’il advenait dans les prochaines semaines, cette annonce diplomatique rebousculerai les équilibres mondiaux nouvellement établis.
Conséquence sur les prix
Avec l’arrêt des échanges, l’Australie avait trouvé de nouveaux marchés au Moyen-Orient alors que la Chine s’approvisionnait en Europe avec de l’orge d’Ukraine et de France. Les exportations françaises d’orge et les prix nationaux en ont largement profité. La perte probable du marché chinois a entrainé le mouvement inverse. Depuis fin mars, l’orge française majoritairement exporté vers la Chine voit son prix et ses volumes envoyés à la baisse. Cette réouverture de marché est conforme à la volonté de diversification des origines d’importations chinoises et de diminution de la dépendance étatsunienne. Pour autant, la recherche est toujours à l’autosuffisance et à l’utilisation de matière national dans le cadre de l’alimentation animale. Les niveaux d’import ne retrouveront peut-être pas la base des années précédant les tensions.
Début 2023, le marché mondial du porc assiste à une reprise des importations de la Chine. Au cumul des deux premiers mois de l’année, les achats de la Chine ont progressé de 9,3% en volume. Tous les fournisseurs ne profitent pas de ce redéploiement de la demande. Les Européens, dont les prix du porc s’affichent bien au dessus des prix internationaux, sont pénalisés. Les exportations des Etats-Unis vers la Chine progressent de 36,5%, celles du Brésil de 38%, tandis que les envois de l’UE-27 sont encore en retrait (-8%).
La première épidémie de grippe aviaire en 1997 a fortement affecté l’aviculture chinoise. Le virus H5N1 IAHP a été repéré à la suite de la mort de 6 personnes à Hong Kong entre mai et décembre. Entre le 29 et le 31 décembre, 1,5 millions de poulets ont été abattus pour endiguer l’épidémie (Chan 2002). Cette crise provoquera un premier fléchissement de la croissance de la production avicole chinoise (+3% par an, contre +10% auparavant) du fait d’une baisse des investissements et d’une défiance d’une partie des consommateurs chinois.
Le virus H5N1 IAHP a ré-émergé en Chine en 2003 avant de se répandre rapidement dans toute l’Asie du Sud-Est[1] entre 2004 et 2005, puis en Europe et jusqu’en Afrique du Sud. Les volailles d’élevage étant abattues lorsqu’un foyer est identifié, les capacités de productions des pays considérés (dont la Chine) ont été très impactées.
A la suite de cet épisode, d’autres virus IAHP sont régulièrement identifiés en Chine. En 2013, c’était le cas de H7N9, qui est activement surveillé. La Chine n’est toujours pas indemne des IAHP : au premier semestre 2020 ce sont 6 foyers qui ont été identifiés par le ministère chinois de l’Agriculture et déclarés à l’OIE.
Les autorités vétérinaires sont bien conscientes de cette situation. La Chine est dotée d’un programme de vaccination nationale des élevages pour les virus H5 et H7[2]. Cette stratégie pose des risques, notamment de circulation à bas bruit du virus, mais le rapport coût bénéfice a été jugé favorable dans un contexte avicole chinois marqué par une succession d’épidémies d’influenza aviaire entre 2013 et 2017.
Mais l’influenza aviaire peut également avoir des conséquences pour la Chine, lorsqu’elle émerge hors de Chine.
Ainsi, en février 2004, un virus H5N2 IAHP a été repéré aux États-Unis. La Chine a alors appliqué, une interdiction d’importation de produits avicoles en provenance des États-Unis. Les États-Unis étaient le premier fournisseur de la Chine, et les possibilités de report relativement limitées à l’époque. Ainsi, les importations chinoises de viande de volailles sont passée de 763 kt en 2003 à 220 kt en 2004.
Suite à cela, la Chine a cherché à diversifier son approvisionnement en viande de volailles de zones indemnes de l’IA, en augmentant ses importations d’Amérique du Sud, en particulier du Brésil. Elle n’avait cependant pas assez anticipé sa dépendance à la génétique, quasi-monopole des États-Unis, ce qui lui posera des problèmes en 2015.
Cette année-là, un foyer de grippe aviaire est identifié aux États-Unis, tel que la Chine en interdit l’importation des produits avicoles, dont les reproducteurs. Cela a entrainé une rupture d’approvisionnement brutale de poussins Gallus reproducteurs, essentiels aux élevages industriels (Figure 1). Or, ceux-ci étaient devenus partie intégrante de l’alimentation d’une partie des Chinois.
Une fenêtre d’opportunité pour l’export de la génétique française s’est ouverte, jusqu’à ce que l’hexagone subisse également une interdiction d’exportations vers la Chine pour cause d’un virus IAHP en fin d’année 2015.
En Chine, la solution de court terme a été de pratiquer des mues sur les poules reproductrices, c’est-à-dire relancer le cycle de ponte par un jeûne. Cela permet de maintenir la production, mais les poussins produits ont alors des performances techniques et sanitaires dégradées. Dans les élevages chinois, les baisses des performances techniques liées à ces défaillances ont été visibles jusqu’en 2018.
Figure 1 : Exportations de poussins gallus reproducteurs vers la Chine. Source : ITAVI d’après TDM
Dès 2016, l’approvisionnement chinois en génétique aviaire s’est diversifié autour de plusieurs pays (Espagne, Nouvelle-Zélande, Pologne) indemnes de l’influenza aviaire. Les autorités chinoises soutiennent également le développement d’une production domestique en génétique aviaire.
Ce n’est que fin 2019, que le gouvernement chinois annonce successivement une réouverture du marché pour la France[3] et les États-Unis, tant pour la viande que pour la génétique. En 2021, les Etats-Unis sont redevenus le premier exportateur de génétique de poulet vers la Chine, aux dépens surtout de la Nouvelle-Zélande.
En parallèle, des scandales sanitaires ont aussi ébranlé la confiance pour les produits chinois (Le Figaro, 2014). Ainsi, sur cette période, la production de viande de volaille en Chine n’a pas suivi la même progression que celle de la demande totale en viandes, en forte hausse.
La consommation de viande de volailles en Chine est aussi influencée par la situation des autres filières animales, en particulier la filière porcine et les conséquences de la fièvre porcine africaine (FPA).
Les coronavirus et la Chine
L’épidémie de Covid-19 s’est répandue depuis la Chine à partir de décembre 2019 (principalement dans la province du Hubei) et s’est rapidement transformée en une pandémie aux multiples conséquences, notamment pour la production de volailles de chair.
Début 2020, les restrictions sanitaires appliquées par la Chine pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ont rapidement affecté la chaîne de production à tous les niveaux : transports d’alimentation animale et d’animaux finis perturbés, abattoirs en baisse d’activité, ralentissement voire arrêt des opérations de déchargement aux ports…
Les élevages de volailles de la province du Hubei (500 millions de volailles abattues/an) ont dû faire face dans le meilleur des cas à une chute vertigineuse de leurs marges et plus souvent à la destruction immédiate des animaux, en l’absence de stocks d’aliments ou de possibilité d’enlèvement des lots. Selon l’USDA, la production de viande de poulet aurait baisse de 21 % au premier trimestre 2020.
En 2020, plusieurs marchés export vers la Chine ont été fermés ou ralentis en raison de perturbations sur la chaîne logistique (absence de personnel pour décharger les conteneurs, rotations de camion plus lentes…). Néanmoins une hausse des importations chinoises de viande de volaille est constatée au premier trimestre 2020 (+ 26 %).
En Chine, avec le relâchement des restrictions sanitaires à partir de la mars 2020, le prix du poussin est reparti à la hausse et les industriels ont bénéficié de soutiens financiers de l’État pour relancer la production. Ce contexte de prix met en avant des perspectives à moyen terme toujours favorables pour la production avicole, en substitution de la viande de porc, sous réserve d’une certaine stabilité du système sanitaire dans les prochaines années (influenza aviaire et coronavirus).
La priorité donnée au sanitaire depuis la crise de la Covid-19 pourrait également avoir un impact de long terme sur la consommation de viande de volailles. Le 3 juillet 2020 a été annoncée la suppression (progressive) de l’abattage et la vente d’animaux vivants sur les marchés alimentaires en Chine. (La France Agricole, 2020). C’est une mesure importante, déjà exprimée par le passé, mais qui avait fait face à une forte résistance. Car si le poids des marchés traditionnels dans les achats d’aliments frais est en recul depuis une vingtaine d’années, ils représentaient encore près de la moitié des achats d’aliments frais en 2018 (McKinsey, 2019). Ces achats vifs correspondent à un marché alimentaire encore fondé sur l’économie informelle et réduisent la nécessité de respect de la chaîne du froid.
Au-delà du SARS-CoV2, il ne faut pas négliger les risques liés aux autres coronavirus présents en Chine. Déjà entre 2002 et 2004, un coronavirus originaire de Chine (identifié comme SARS-Cov, ou SARS en France) avait échappé aux dispositifs de surveillance épidémiologique et entrainé plusieurs centaines de morts dans une trentaine de pays. Les marchés d’animaux sauvages et l’empiètement des villes sur des zones peuplées d’espèces porteuses de coronavirus (chauves-souris en particulier) sont notamment des facteurs de risques d’émergences d’épidémies.
Impact des crises sanitaires sur la production et consommation en volaille en Chine
Bilan de production et consommation de la viande de poulet en Chine – (USDA, 2022)
(millions de tonnes)
2018
2019
2020
2021
2022*
Production
11,7
13,8
14,6
14,0
14,3
Import
0,35
0,58
1,00
0,9
0,8
Export
0,45
0,43
0,39
0,43
0,46
Consommation
11,6
14,0
15,2
14,5
14,6
* Prévisions USDA
La crise de la FPA (Fièvre Porcine Africaine) a débuté en 2018. Une des conséquences a été la hausse significative des importations chinoises en viandes de volailles. La demande a été particulièrement dynamique sur les découpes avec os, pattes et abats. Ces achats ont majoritairement profité aux fournisseurs historiques (Brésil), aux entreprises asiatiques partenaires de groupes chinois (WH Group, thaïlandais CP Group) et au retour des Etats-Unis.
Entre 2018 et 2020, le premier fournisseur de la Chine était le Brésil (env. 50 %), suivi des États-Unis (env. 25 %) et de l’Union européenne (env. 10 %). La croissance de la demande s’est surtout faite sur les découpes congelées avec os (ailes), en provenance du Brésil et de Thaïlande.
Figure 2 : Importations chinoises de viandes et préparations de volaille – source : ITAVI d’après TDM
L’année 2020 a été l’occasion d’un pic de consommation et d’importation de poulet en Chine. Si les restrictions liées à la pandémie ont pu jouer un rôle dans la modification des habitudes de consommation (fermeture de la restauration hors domicile), c’est surtout l’augmentation du prix du porc (réduction de l’offre consécutivement à la FPA) qui a entrainé un report des achats de viande vers la volaille.
À l’inverse, en 2021, c’est l’augmentation de la production domestique de porc qui a affecté la filière volaille. D’une part, car le prix de la viande a baissé dans tout le pays, et que les consommateurs chinois sont revenus à la viande de porc. D’autre part, car le prix de l’alimentation animale a fortement augmenté par rapport à 2020, affectant la rentabilité des élevages avicoles de petites et moyennes dimensions (notamment ceux qui s’étaient convertis suite à l’abattage de leur cheptel porcin). Comme pour le porc, une partie de ces élevages devraient disparaitre au profit d’exploitations plus grandes et plus spécialisées.
À plus long terme, la consommation de ces volailles traditionnelles issues d’élevages de petites ou moyennes dimensions sera impactée par la suppression (progressive) de l’abattage et la vente de volailles vivantes sur les marchés alimentaires ; et par l’essor des souches hybrides, plus adaptées à des filières d’abattages organisées (homogénéité et effectifs les lots, performances techniques).
D’autres facteurs, liés à la consommation domestique devraient attirer les consommateurs chinois vers la volaille. Dans les villes, la hausse brutale des achats alimentaires en ligne et l’augmentation des achats en restauration hors domicile (estimé entre 15 % et 20 % de la consommation de volailles en Chine) pourrait favoriser à terme les découpes désossées, et donc la filière poulet blanc au détriment des filières de poulet traditionnel. La volaille est également considérée plus saine que les autres viandes, critère qui devient de plus en plus important pour une partie des consommateurs chinois.
En 2022, les importations ont été limitées par le retour de la viande de porc et l’augmentation de la production domestique en poulet blanc et poulet hybride. Selon les données douanes, la Chine a importé 13 % en moins de viande de poulet en 2022, la baisse touche principalement des découpes congelées (-32 %).
La volaille d’importation, sur laquelle s’étaient reportés une partie des consommateurs chinois, devrait attendre quelques années avant de retrouver son niveau historique de 2020.
Peu développées, les exportations chinoises de volailles existent et croissent peu à peu sur les découpes désossées et les préparations à destination de Taïwan (env. 30 % des exportations chinoises en volumes), du Viêt-Nam (env. 30 %) et du Japon (env. 23 %). En décembre 2019, la Chine a également obtenu le droit d’exporter des plats préparés à base de volaille vers les Etats-Unis.
La place de la Chine sur le marché de la volaille ne doit pas être surestimée. La baisse de demande chinoise ne devrait empêcher ni le Brésil d’atteindre son record d’exportations en 2022, ni la croissance de l’import-export international de poulet (de plus 3% en 2022, selon l’USDA). L’instabilité pour les marchés provient surtout des nombreux foyer d’IAHP à travers le monde (ECDC, 2021), qui contraignent la production des exportateurs. Cette diminution de l’offre risque de s’accompagner d’une hausse des coûts, au profit de la production domestique chinoise.
Conclusion
Depuis 2000, la demande en viande de volailles de la Chine évolue au rythme de crises sanitaires (aviaire, porcines, humaines, en Chine ou ailleurs), de l’élévation du niveau de vie, des changements d’habitudes de consommation, et des priorités des autorités chinoises. Les crises sanitaires (en Chine ou ailleurs) et leur gestion ne vont pas mettre un terme à la consommation de volailles en Chine, mais complexifient les investissements dans le secteur et la visibilité des exportateurs souhaitant accéder à ce vaste marché en croissance.
Désormais, la consommation de volailles en Chine est d’environ 12 kg par habitant. Le type de volaille concerné varie beaucoup selon la catégorie socio-culturelle. Par exemple, les urbains se tournent de plus en plus vers le poulet blanc issus d’exploitations industrielles de grande dimension.
Il existe une offre domestique importante, puisque depuis les années 80, la production chinoise s’est fortement industrialisée. Ce processus devrait se renforcer dans les prochaines années, sous l’impulsion des autorités pour qui l’enjeu sanitaire rejoint celui de l’autosuffisance alimentaire.
L’année 2020, a été marquée par l’épidémie de COVID-19 qui s’est répandue depuis la Chine à partir de décembre 2019 (principalement dans la province du Hubei). Pour les filières volailles, l’année 2020 a surtout donné lieu à un pic de consommation lié aux perturbations de la FPA sur les filières porcines (moins d’offre, prix plus élevé, report sur la volaille).
Les autorités renonçant à certaines restrictions ont favorisé l’importation de viandes, même si celles-ci n’ont pas réussi à répondre entièrement au très large déficit de protéines animales de 2019 à 2020. Les importations ont quasiment doublé en un an, au profit des exportateurs bien implantés (acteurs brésiliens et asiatiques) et des États-Unis, de retour après 5 ans de restrictions.
L’année 2021 a vu la viande de porc récupérer sa part dans la consommation des ménages, ou presque. Car la volaille bénéficie d’une image de viande plus saine pour les consommateurs chinois, qui par ailleurs, consomment de plus en plus de poulet blanc dans la restauration hors domicile, la livraison et les produits élaborés. À long terme, la production de volailles chinoise devrait évoluer vers une consolidation des filières, notamment autour de la maitrise des outils d’abattage et l’accroissement des capacités de stockage qui prendront le pas sur la vente d’animaux vifs. Pour les exportateurs, le marché chinois représentera toujours un moyen de valoriser la partie de la carcasse qui n’est pas consommée par les occidentaux. C’est aussi un marché dynamique pour la génétique, qui fait l’objet d’une attention particulière des autorités, et où il n’est pas exclu que des acteurs chinois deviennent exportateurs.
[1] Certains observateurs considèrent désormais H5N1 comme endémique à la sous-région Asie du Sud-Est.
[2] Contrairement à l’Union européenne qui mise pour l’instant tout sur la biosécurité, notamment pour des questions commerciales (standard d’exportations, notamment pour la génétique).
[3] En 2020, la France subit un nouvel épisode de grippe aviaire à l’automne. Le pays sera déclaré indemne en septembre 2021. Mais un premier foyer en novembre 2021 lui fait perdre ce statut. A noter que le virus de ces vagues (H5N8) a d’abord été détecté en Irlande dans les années 80, même s’il est également présent en Chine.
Bilan de l’année 2022 : toujours plus d’importations
En 2022, les importations de viande bovine en Chine ont poursuivi leur marche en avant. La Chine continentale a déclaré avoir importé 3,37 millions de téc de viande bovine[1], soit +16% /2021. Le Brésil est plus que jamais le 1er fournisseur de la Chine continentale avec 1,44 million de téc, soit 43% des importations chinoises. Avec l’Argentine (607 ktéc ; +6% /2021), et l’Uruguay (419 ktéc ; +1%), les trois membres du Mercosur fournissent 73% de la viande bovine importée par la Chine continentale. La Nouvelle-Zélande (264 ktéc ; +7%), l’Australie (227 ktéc ; +13%) et les Etats-Unis (222 ktéc ; +21%) sont également des fournisseurs importants du marché. A noter l’existence de flux depuis la Bolivie (41 ktéc ; +70%) le Bélarus (45 ktéc ; +13%) et la Russie (25 ktéc ; +3%).
En plus de la viande bovine, la Chine a déclaré avoir importé de faibles quantités d’abats de bovins :
de la langue congelée : 1 000 tonnes (x5 /2021) originaire des USA en 2022 ;
du foie congelé : 300 tonnes (x5 /2021) majoritairement originaire de Nouvelle-Zélande (85%) ;
et surtout d’autres abats congelés : 40 500 tonnes (+33% /2021), majoritairement d’Uruguay (38%), des USA (32%) et de Nouvelle-Zélande (16%).
Attention cependant, les données transmises par les Douanes chinoises pourraient être sous-estimées. Du côté de Hong-Kong, les importations d’abats congelés sont plus importantes : 193 000 tonnes en 2022 (-34% /2021), majoritairement importé depuis le Brésil (54%), mais aussi depuis l’Argentine (10%).
Les importations de Hong-Kong ont enregistré un recul sensible en 2022, à 177 000 téc (-53% /2021). Le Brésil reste son principal fournisseur (63 000 téc soit -68% /2021) devant les Etats-Unis (31 000 téc soit -43%).
Le Brésil toujours plus dépendant de la Chine
Sur l’ensemble de l’année 2022, les exportations de viandes bovines brésiliennes (viande in natura et préparations) ont atteint un niveau record historique avec 2,72 millions de téc expédiés (+26% /2021), soit plus de 14% au-dessus du précédent record de 2020. Les exportations vers la Chine (dont Hong-Kong) ont également atteint un niveau historique. Après un léger reflux en 2021 (alors que les disponibilités brésiliennes avaient été plus limitées au 2nd semestre et que le marché chinois avait été fermé plus de 2 mois après la découverte de deux cas d’ESB atypique), les exportations vers la Chine (dont Hong-Kong) représentent désormais près de 61% du total des exportations brésiliennes.
Le Brésil est plus que jamais dépendant de l’économie chinoise. L’accélération des échanges accentuée par la hausse du prix des matières premières, et l’augmentation parallèle des importations brésiliennes depuis ont renforcé la désindustrialisation du pays. Les exportations brésiliennes sont majoritairement basées sur des produits peu ou pas transformés. Signe de la « reprimarisation » de l’appareil exportateur brésilien [2], les exportations en valeur de produits manufacturés ne représentaient plus en 2021 qu’un quart des exportations brésiliennes alors qu’elles étaient encore majoritaires en 2004 (53%).
Mais à partir de la fin du mois février 2023, le marché chinois a été de nouveau fermé à la viande bovine brésilienne suite à la découverte d’un nouveau cas d’ESB atypique dans l’état du Pará. En effet, le Brésil s’est imposé un « auto-embargo » sur ces exportations de viande bovine vers la Chine, comme le prévoit le protocole sanitaire bilatéral signé en 2015. C’est la troisième fois que cela arrive. En juin 2019, la fermeture du marché chinois avait duré un peu plus de deux mois. La durée de la 2ème fermeture avait été similaire à l’automne 2021. L’annonce de la suspension des exportations vers la Chine depuis le 23 février dernier a eu comme effet immédiat de faire baisser les cotations au Brésil. Le cours du bouvillon gras a ainsi reculé de -7% entre fin janvier et fin février (au 22 février, veille de l’annonce de la fermeture, cette cotation était encore en hausse de +4% par rapport à fin janvier). Cette fermeture a cependant été de courte durée : la réouverture a été annoncée le 23 mars en amont de la visite du président Lula du 28 mars. Les effets devraient donc être limités.
Les autorités brésiliennes souhaiteraient désormais rediscuter du contenu du protocole sanitaire existant entre les deux pays. Une des alternatives sur la table serait de placer sous embargo les exportations de viande en provenance de l’État ou de la région où le cas de la maladie a été enregistré, et non une interdiction à l’échelle nationale.
[1] viande in natura, préparations et viandes salées séchées ou fumées ou VSSF
D’après Pan Chenjun, analyste à la Rabobank, les régions du nord de la Chine ont subi une recrudescence forte des cas de FPA au cours des mois de janvier et février. Près de 10% du cheptel national de truie serait touché. Cette situation inquiète les éleveurs qui ne tardent pas à envoyer leurs porcs à l’abattage. Les prix restent ainsi relativement faibles pour l’instant mais une contraction de l’offre est attendue dans les prochains mois, et donc une reprise des prix du porc.
La baisse de la demande chinoise en produits laitiers se poursuit sur les deux premiers mois de 2023 par rapport à 2022. Les poudres sont particulièrement touchées : -68% sur les poudres grasses et -2% en poudre maigre, ce qui prolonge les tendances observées fin 2022. La moindre demande chinoise s’explique principalement par des stocks importants dans l’empire du Milieu alors que les fabrications de poudres grasses sont conséquentes depuis plusieurs mois.
Sur les poudres grasses, les importations en provenance de Nouvelle-Zélande se sont fortement réduites à seulement 88 340 t contre 284 120 t l’an passé pour janvier-février (-69%). Les modalités d’échanges entre la Nouvelle-Zélande et la Chine évoluent grâce à l’accord commercial. En 2023, le quota d’export à droit de douane nul pour les poudres est de 197 498 tonnes!. Au delà de ce volume, les droits de douane seront de 10%. L’an prochain, au 1er janvier 2024, aucun droit de douane ne s’appliquera sur les produits laitiers néozélandais. Il n’y a déjà plus aucun droit de douane sur le lait liquide, le fromage et le beurre depuis 2022.
Sur les autres produits laitiers, la demande en beurre et en crème est également en retrait de respectivement -22% et -17% sur les deux premiers mois /2022. Seules les importations de poudre de lait infantile, de fromage et de lactosérum affichent une progression (respectivement +35%, +4% et +61% /2022).
La production de colza et de soja OGM est encouragée par les autorités. La recherche se penche aussi sur la mise en place de formules moins consommatrices de tourteau de soja pour l’alimentation animale, toujours dans le but de limiter la dépendance aux importations. Du côté des céréales, la Chine pourrait planter 267 kha de maïs OGM dans le cadre d’un essai à grande échelle. La commercialisation d’OGM n’était pas jusqu’alors approuvée par les autorités bien que la recherche étudiait ces cultures céréalière OGM depuis plusieurs année.
Les exports d’orge français sont toujours dynamiques à destination de la Chine. 300 000 t d’orge ont été envoyées en Chine en janvier 2023 contre 65 000t en janvier 2022. Cette dynamique se confirme sur les premiers chiffres de février et mars. Ainsi FranceAgriMer a relevé de 200 kt le potentiel d’exports français vers les pays tiers à 3Mt (3,38 Mt lors de la précédente campagne). L’orge est aujourd’hui compétitive dans les rations animales face aux autres céréales.
L’année 2022 restera dans les annales, comme 2014, comme une année où les achats chinois se sont repliés. Il faut dire que cela faisait suite à une année 2021 record en termes d’importations.
D’une part, des confinements ont été imposés à la population sur une grande partie de l’année à cause du Covid-19. La réouverture en fin d’année n’aura pas suffi à compenser la baisse annuelle de la consommation notamment celle de produits laitiers dans les restaurants.
D’autre part, la production et collecte laitière est ressortie en hausse selon les sources nationales. Les fabrications de poudres entières se sont fortement accrues et ont ainsi limité les besoins à l’importation.
Au global, les importations de lait liquide, de crème et d’ingrédients secs ressortent en net repli tandis que le beurre et les poudres de lait infantiles se sont appréciées.
En 2022, les importations chinoises de viandes et coproduits du porc sont retombées à 2,9 millions de tonnes, en baisse de plus de 34% par rapport à 2021. Bien qu’attendu, ce recul de la demande confirme la volonté pour la Chine de s’affranchir de la dépendance qu’elle entretient avec les grands exportateurs mondiaux sur le secteur agricole. Et malgré une année 2022 compliquée, l’avenir du secteur porcin restera fixé sur l’objectif de la souveraineté alimentaire du pays prôné par le gouvernement de Xi Jinping.
Une année 2022 plutôt mitigée
Le bilan de l’année 2022 est plutôt mitigé pour le secteur porcin chinois. La production de porc a bel et bien progressé (+4.6% en 2022/21), atteignant 55,41 millions de tonnes équivalent carcasse. Le nombre de porcs abattus s’élève alors à près de 700 millions de têtes d’après les données officielles (+4,3%). Cependant, l’année a été marquée par d’importantes fluctuations en termes d’offre, de demande, et donc de prix. Cette forte volatilité a été préjudiciable pour bon nombre d’éleveurs et d’entreprises.
Le premier semestre a été caractérisé par une hausse importante des abattages, sous l’effet de mauvaises conditions sanitaires en élevage durant l’hiver 2021/22. Les prix ont ainsi chuté en flèche à cette période (-44% au 1er semestre 2022/21). Cette mauvaise conjoncture porcine s’est aussi retrouvée liée à la flambée mondiale des prix des matières premières végétales, et donc des coûts de production. Les résultats économiques ont plongé dans le négatif pour de nombreux éleveurs chinois, entrainant une contraction des cheptels sur cette première partie d’année. Afin de réguler le marché, le gouvernement a mis en place une procédure de mise en réserve nationale quasi-automatique des volumes de porcs. Ces stocks ont pu ensuite être mobilisés au cours du second semestre lorsque la baisse de l’offre en porc s’est fait ressentir, permettant aux prix à la production de grimper de 53% au 2nd semestre de l’année par rapport à 2021.
Côté consommation, la demande a été mise à mal par l’inflation mais aussi par l’épidémie de Covid-19 et les diverses mesures gouvernementales visant à endiguer la propagation du virus. La traditionnelle saison du Nouvel An chinois propice à la consommation de porc a même été plutôt décevante pour les exportateurs mondiaux et les professionnels du secteur.
Un mouvement de restructuration qui se poursuit et des perspectives de croissance en 2023
Malgré cette année assez compliquée pour le secteur porcin en Chine, la filière continue de se développer. Depuis l’épidémie de FPA, l’élevage porcin a subi un grand mouvement de restructuration et de professionnalisation. En 2023, les analystes chinois estiment que les 20 plus grandes entreprises chinoises représenteront plus de 30% des abattages nationaux, et que la plupart afficheront d’importantes hausses d’activité (+25% en moyenne en 2023/22). Parmi ces groupes, Muyan Foodstuff, Wen’s, New Hope ou encore Zhengbang se placent au top du classement.
Du côté de l’élevage, si le cheptel truie s’est réduit durant une grande partie de l’année, les éleveurs ont tenté de consolidé leur troupeau en fin d’année. En décembre, le recensement officiel dénombre 43,9 millions de truies, soit une hausse de 1,4% par rapport à 2021.
Les analystes de l’USDA envisagent une stabilisation de la production et de la consommation en 2023, mais ces prévisions semblent trop prudentes. La restructuration du secteur porcin se poursuivra sans aucun doute en 2023, tout comme le développement de la production nationale, stimulés par un rebond de la consommation. Les perspectives de croissance économique pour la Chine en 2023 laissent en effet entrevoir une reprise des activités dans de nombreux secteurs, et en particulier dans celui de la restauration. Ceci devrait stimuler la demande en viande de porc. Par ailleurs, les stocks nationaux de matières premières sont actuellement au plus haut, ce qui devrait permettre un meilleur contrôle des prix et des coûts de production.
2023 : la stabilisation des approvisionnements et du marché du porc est un enjeu prioritaire
L’année 2022 aura été marquée de nombreuses mesures gouvernementales appliquées pour contrôler l’inflation dans le pays. Parmi celles-ci, l’utilisation d’une réserve stratégique de viande de porc a été plusieurs fois mobilisée dès le franchissement d’un seuil d’alerte basé sur le prix du porc et des céréales. L’année 2023 a d’ailleurs débuté sur la mise en réserve de produits porcs congelés dès le 17 février, en lien avec une chute inarrêtable des prix et une demande peu dynamique des consommateurs en début d’année. La stabilisation des prix et des approvisionnements demeure un enjeu majeur pour le marché du porc.
Ainsi, dans la poursuite des déclarations faites par le gouvernement chinois lors du 20e Congrès national du Parti communiste en septembre dernier, une feuille de route des autorités a été publiée mi-février. Cette dernière définit des dispositions spécifiques pour assurer la « revitalisation » des territoires ruraux et accélérer le renforcement du secteur agricole chinois. De nouveau, la sécurité alimentaire est présentée comme une priorité absolue. Pour le secteur porcin, l’objectif est de stabiliser le cheptel autour de 41 millions de truies. Les autorités souhaitent renforcer les outils de surveillance du marché dans le but de limiter une volatilité trop importante des prix et des fluctuations en termes de production porcine, mais aussi de maintenir le revenu des éleveurs chinois.
Les performances et la productivité en élevage sont aussi au cœur des dispositions gouvernementales chinoise. Pour ce faire, la biosécurité est un autre enjeu mentionné dans les plans 2023 du gouvernement. Les autorités souhaitent renforcer la prévention et le contrôle des maladies animales, dont la fièvre porcine africaine. L’accent a aussi été mis sur le développement des technologies et de la recherche scientifique aux profits de l’agriculture. Ceci s’illustrera, entre autres, par la construction d’élevages sur étages modernes, standardisés, et contrôlant l’alimentation des animaux et les impacts sur l’environnement.
Ces quelques exemples ne sont qu’un court extrait de l’ambitieux plan 2023 du Ministère de l’Agriculture et des Affaires Rurales, et pour la première fois la production porcine était clairement évoquée, signe du rôle majeur du secteur dans l’économie et la politique de la Chine. Mais ce plan reste dépendant de la situation économique globale du pays, dont la croissance pourrait être perturbée par une éventuelle reprise de l’épidémie de Covid-19 ou encore une aggravation non prévue de l’inflation.
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