Alimentation animale : hausse des cours et dépendance croissante aux importations

Par Manon Sailly et Jean-Marc Chaumet

Les prix des matières premières de l’alimentation animale ont évolué à contrecourant des prix internationaux ces derniers mois, en lien avec une situation de marché particulière en Chine. De plus, la Chine ne devrait bientôt plus disposer de stocks de maïs et les importations de soja sont en progression.

Fonte des stocks de maïs

Pour le maïs, le prix sur le marché de Chicago a affiché un niveau très dégradé durant le printemps avec la forte baisse de la demande nord-américaine causée par le ralentissement de la production de biocarburants à base d’éthanol. Par ailleurs, avant que l’USDA ne revoie ses projections, celle-ci prévoyait une très forte hausse des surfaces de maïs aux Etats-Unis. Cette estimation a été revue à la baisse, conduisant à une revalorisation des prix du maïs américain fin juin. Sur le marché de Chicago, le prix du maïs était de 128 $/t en juin 2020, en baisse de 24% par rapport à l’année précédente (170 $/t en juin 2019).

En Chine, en dépit de l’évolution du marché international, les prix du maïs sont en constante augmentation. En juin, à 2240 RMB/t (soit 316 $/t) le prix moyen chinois était supérieur de plus de 7% à celui de juin 2019 (2090 RMB/t ou 302 $/t) et atteignait ainsi son plus haut niveau depuis octobre 2014.

La forte demande pour le secteur de l’alimentation animale est à l’origine de cette hausse des prix. Pour limiter ce phénomène, le gouvernement a temporairement réouvert la vente de stock d’Etat depuis la fin du mois de mai. Entre le 28 mai et le 9 juillet, les ventes ont totalisé près de 28 Mt. Alors que les grains proviennent des récoltes 2014 et 2015, les taux de ventes aux enchères atteignent presque toutes 100%, ce qui démontre un réel manque de maïs sur le marché chinois. Cette année 2020 devrait signifier la fin du programme de soutien temporaire du prix de réserve qui avait accumulé d’énormes stocks de maïs, vendus aux enchères depuis la fin du programme en avril 2016. Les 56 Mt estimées restantes dans les réserves avant le début des ventes aux enchères cette année devraient être épuisées dans les mois à venir. La Chine ne devrait donc pouvoir compter dans le futur que sur les importations pour combler le manque de maïs.

Parallèlement, les importations chinoises de maïs ont augmenté, pour atteindre 3,7 Mt sur la période allant d’octobre (début de la campagne agricole) à mai (+26% / 2018/19). L’origine de ces importations est très majoritairement ukrainienne (3,2 Mt). Mais les achat de maïs étatsuniens devraient fortement progresser lors de la campagne 2020/21. L’USDA a en effet annoncé que les ventes à la Chine pour la prochaine campagne totalisaient déjà 3,9 millions de tonnes, dont 1,762 million achetées en une journée en juillet.

Toutefois, rappelons que les importations chinoises de maïs ne représentent qu’une faible partie de l’approvisionnement du marché chinois en comparaison à la production locale (261 Mt en 2019/20) et que le contingent tarifaire à droit de douane de 1% se monte à 7,2 millions de tonnes.

Pour la campagne à venir, les services de l’USDA basés à Pékin prévoient une baisse de la production chinoise de maïs supérieure à 10 Mt à 250 Mt en raison d’une baisse des surfaces semées et de dégâts de ravageurs (chenille légionnaire). A l’inverse, les autorités chinoises annoncent une récolte en progression de 6 Mt à 266,5 millions. Mais même si cette hausse de production se réalise, les documents officiels affichent un déficit de près de 20 Mt pour la campagne 2020/21, avec une consommation estimée à 285 Mt.

Hausse des importations chinoises de soja

Les importations chinoises de soja poursuivent leur reprise. Sur les cinq premiers mois de l’année, elles ont progressé de 7% par rapport à 2019, sans pour autant renouer avec les niveaux connus en 2017 et 2018 à pareille époque. La demande pour l’alimentation animale semble se redresser avec le repeuplement progressif des élevages porcins et avec le développement de la production des protéines animales alternatives à la viande de porc (volaille, produits de la mer). Pour autant, le risque sanitaire pour le secteur porcin (FPA) est toujours très présent.

En ce qui concerne l’origine du soja importé, les volumes en provenance des Etats-Unis ont augmenté (+73 % /2019). Du fait de la récolte record de soja au Brésil cette année (124 Mt) et des inquiétudes des importateurs face à de potentiels problèmes logistiques en raison du Covid-19, les importations en provenance de ce pays ont été très fortes. De ce fait, depuis la récolte (mars) jusqu’à fin juin, le Brésil a déjà exporté 43% de sa production, contre 30% en 2019. Cela contribue à une hausse du prix du soja brésilien, poussant la Chine à se tourner progressivement vers l’origine nord-américaine, en dépit de la recrudescence des tensions entre les deux puissances. Ainsi, en juin, l’USDA a fait état d’importantes ventes de soja vers la Chine, principalement au titre de prochaine la campagne agricole 2020/21 qui débutera en octobre. Les premières indications concernant les importations du mois de juin semblent montrer une très forte hausse des importations chinoises de soja, dépassant les 10 Mt.

L’arrivée des bateaux de soja brésilien en avril et mai a permis à l’activité chinoise de la trituration de reprendre. Un léger effritement des prix du tourteaux de soja a ainsi été observé en juin sur le marché chinois. En ce qui concerne la récolte 2020, l’antenne de Pékin de l’USDA prévoit d’autre part une hausse de la production chinoise de soja de +0,7 Mt à 18 Mt en raison de prix attractifs durant la période de semis et de subventions stables de la part du gouvernement chinois pour cette culture.

Suite à un désaccord avec l’Australie, la Chine a mis en place courant mai une taxe anti-dumping sur les importations d’orge australienne d’un montant de 80,5%. L’Australie était habituellement le premier fournisseur de la Chine en orge (50 % des importations totales), majoritairement pour des activités brassicoles. Le pays devrait donc augmenter ses achats auprès de fournisseurs secondaires, comme la France, l’Argentine et le Canada.

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