2019 : une bonne année pour l’amont comme pour l’aval de la filière laitière chinoise

Par Jean-Marc Chaumet

 

Après une hausse de +1,2% en 2018, la production chinoise de lait de vache a bondi en 2019 de +4,1% /2018, la plus forte progression depuis 2014. A 32 millions de tonnes, elle atteint son plus haut niveau historique, mais n’a progressé que de +6% depuis 2008, année de la crise de la mélamine.

Hausse du prix du lait

Ce dynamisme s’explique par une forte progression des prix à la production, signe d’une demande croissante de lait local par les transformateurs et les consommateurs. Le prix moyen dans les 10 premières provinces productrices a connu une hausse fulgurante au second semestre 2019 pour terminer l’année à 3,83 RMB/kg (0,49 €/kg), un niveau plus atteint depuis 2014. A 3,65 RMB/kg (soit 0,47 €/kg) en moyenne annuelle en 2019, il affiche un niveau supérieur de 5,5% à celui de 2018. Les prix du lait livré par les grandes entreprises de production laitière, déjà plus élevés que la moyenne, ont même dépassé les 4 RMB/kg (0,51 €/kg).

Les coûts de production ont aussi augmenté, tirés par une hausse du prix du maïs produit en Chine, mais dans des proportions moindres que les prix. En outre, une partie des droits de douane supplémentaires appliqués par la Chine sur la luzerne étatsunienne a été levée en septembre 2019.  Confortés par une rentabilité en hausse, les éleveurs laitiers ont donc décidé d’augmenter la productivité de leur troupeau. Outre la hausse des prix du lait, les mesures prises au sein des entreprises et les accords signés avec les transformateurs ont permis de redresser les comptes des entreprises de production laitière. Des sociétés comme Modern Dairy ont ainsi pu afficher leurs premiers bénéfices depuis 2015.

Cette croissance de la production est également due à l’évolution de la structure des exploitations laitières. Le nombre exploitations de moins de 100 têtes, moins bien équipées pour s’adapter à des réglementations environnementales de plus en plus strictes et peu à peu délaissées par les transformateurs pour des raisons officielles de qualité du lait, ne cesse de reculer. A l’inverse, l’expansion des grandes exploitations (plus de 100 bovins), aux rendements dépassant souvent les 10 tonnes par vache, ne cesse de s’affirmer. Plus des 2/3 des bovins laitiers seraient ainsi élevés dans des exploitations de plus de 100 têtes, contre 50% en 2015.

Poursuite de la croissance du maillon transformation

Le maillon transformation a également de nouveau enregistré des résultats positifs. Selon les données officielles les 565 entreprises laitières affichant au moins 20 millions de RMB de chiffre d’affaires ont engendré sur l’année un chiffre d’affaires de 394 milliards de RMB (+10% /2019), soit 58 milliards d’euros. Ces dernières années, les revenus et les bénéfices des grands  transformateurs ont augmenté plus rapidement que la moyenne du secteur, notamment grâce à la vente de produits à forte valeur ajoutée, ce qui a favorisé une concentration continue du marché. Yili et Mengniu, les deux leaders laitiers chinois, ont ainsi vu leur chiffre d’affaires progresser respectivement de +13% pour atteindre 90 milliards de RMB (11,6 milliards d’€) et de +15% à 79 milliards de RMB (10,2 milliards d’€). Leur bénéficie a également augmenté de 8% pour Yili et de 35% pour Mengniu.

Egalement abondées par des importations en progression, les fabrications nationales de produits laitiers en 2019 ont augmenté de +5,6% /2018, à 27,2 millions de tonnes, dont 25,4  millions de tonnes de lait liquide et de yaourts (+ 5,8%). Celles de produits laitiers secs s’établissent à 1,82 million de tonnes (+2,5%/2019). Au total, la consommation chinoise de lait a ainsi progressé de +5% /2018, à 30 litres/hab./an.

Des importations encore en hausse

Malgré l’envolée de la production laitière nationale en 2019, les importations ont progressé à un rythme soutenu pour satisfaire la demande chinois. La hausse des prix sur les marchés internationaux en 2019 n’a pas freiné la demande de l’Empire du Milieu en poudres. Les volumes importés de poudres grasses ont battu un nouveau record historique à 671 000 t  (+29% /2018) battant le précédent pic de 2014. Avec près de 344 000 t (+23%/2018), ceux de poudre maigre ont également atteint un niveau inégalé auparavant. Le rythme de croissance annuelle des importations de poudre infantile s’est en revanche considérablement réduit depuis 2015, passant de +45% à +6% en 2019, avec 345 000 t. Le nombre de naissances en Chine ne cesse en effet de reculer à 14,65 millions en 2019, un repli de -18% par rapport au pic qui a eu lieu en 2016 après l’annonce de la fin de la politique de l’enfant unique.

Conséquences du conflit commercial avec les Etats-Unis, les importations de poudre de lactosérum en 2019 se sont inscrites dans la tendance baissière du dernier trimestre 2018. Avec 451 000 t (-19% /2018), il s’agit du plus faible volume depuis 2016. Les produits étatsuniens ont logiquement été les plus touchés (-36% /2018) mais le repli a également affecté les produits français (-13%), néerlandais (-32%) et polonais (-11%). Seules les expéditions allemandes et biélorusses ont fortement progressé (+45%).

Alors qu’elles semblaient avoir atteint un plafond depuis 2016, les importations de lait liquide ont rebondi en 2019 (+34%) pour afficher un nouveau record à 730 000 t. Premier fournisseur avec  plus du 1/3 des volumes, l’Allemagne est également le pays qui profite le plus de cette hausse de la demande chinoise (+49% /2019).

Après une quasi stabilisation en 2018, les importations de fromages ont de nouveau progressé (+6% /2018). Avec près de 115 000 t, la Chine est devenu le 6ème importateur mondial de fromages. La Nouvelle-Zélande, premier fournisseur avec près de 60% des volumes, est le principal bénéficiaire  de cette hausse (+22% /2018) tandis que les envois australiens et étatsuniens ont reculé. Les achats de crème ont également bondi (+25% /2018, à 161 000 t), compensant le recul de 2018. A l’inverse, les stocks de beurre résultant d’importantes importations en 2018 ont freiné les achats en 2019 (-24% à 85 500 t).

 

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