Importations chinoises record de produits porcins au printemps 2020

Par Elisa Husson et Jean-Marc Chaumet

 

Malgré la crise sanitaire mondiale, les importations chinoises de viandes et coproduits de porc restent considérables, avec un nouveau record historique atteint en avril (546 000 tonnes produits). Sur les 5 premiers mois de 2020, les importations chinoises totalisent près de 2,4 millions de tonnes et 5,3 milliards d’euros. D’une année sur l’autre, elles ont ainsi doublé en volume et presque triplé en valeur (+173%).

 

Les tensions diplomatiques entre les Etats-Unis et la Chine qui ont récemment ressurgi ne se concrétisent pas encore dans les flux de porc. Les exportations étatsuniennes vers la Chine atteignent elles aussi un record en mai, avec plus de 105 000 tonnes de viande et de coproduits. Le géant américain conserve ainsi sa place de leader au rang des fournisseurs du marché chinois grâce à une bonne compétitivité-prix et la volonté apparente des autorités chinoises de respecter l’accord conclu en janvier prévoyant une forte hausse des achats de produits agricoles étatsuniens . La situation des exportateurs européens reste positive, avec 56% des volumes totaux importés par la Chine (+71%/2019),  mais pourrait s’avérer plus incertaine dans les prochains mois. Les envois européens à destination de la Chine se sont  en effet contracté en mai, sous l’effet de nombreuses perturbations liées à la Covid-19 (perturbations logistiques, manques de personnel en abattoir,…).

Mise en place de restrictions sanitaires sur les importations

Le dynamisme des importations chinoises pourrait être freiné par les mesures sanitaires prises récemment par les services douaniers chinois. Afin de limiter les risques d’une autre vague de contamination de Covid-19 dans le pays, le gouvernement a instauré un ensemble de mesures d’inspection sanitaire des denrées alimentaires importées. Ces contraintes pourraient engendrer des retards dans les ports. De plus, certains outils d’abattage-découpe et entrepôts frigorifiques, dans lesquels les cas de contamination du personnel sont importants, ont vu leurs exportations interdites vers la Chine. Quelques entreprises européennes sont concernées : six en Allemagne, dont l’outil Tönnies à Rheda, cinq aux Pays-Bas et, un en Irlande, un abattoir britannique (Tulip à West Midlands), un outil en Italie et enfin un outil espagnol (Avinyo à Barcelone). De même, des suspensions de licences d’exportation vers la Chine ont affecté des usines de bœuf au Brésil, au Canada, ou encore en Argentine.

Un effet sur les prix ?

Ces mesures restrictives et la pression de la Chine sur les prix pèsent sur les cours mondiaux du porc. Car, avoir baissé jusqu’à fin mai et atteint son plus bas niveau depuis octobre 2019, le prix moyen du porc vivant en Chine a enregistré plusieurs hausses successives. Fin-juillet, il se positionnait à 36,94 RMB/kg (4,60 €/kg, soit un niveau deux fois plus élevé qu’en 2019). La demande nationale semble en effet repartir dans un contexte où l’offre de porcs est toujours largement insuffisante malgré la reprise de la production.

Une production toujours en recul

Car la production chinoise serait encore officiellement en repli tout en se rapprochant des niveaux de 2019. Après avoir reculé de près de 30%/2019 au 1er trimestre, la production n’aurait fléchi que de 6% au second, grâce à une baisse saisonnière limitée. Avec près de 20 millions de téc, la production sur le premier semestre aurait globalement reculé de 19%/2019, soit une baisse de 4,7 millions de téc. Ainsi, 251 millions de porcs auraient été abattus, un recul de près de 20% par rapport au 1er semestre 2019.

Le cheptel de porcs aurait rebondi au cours des trois derniers trimestres à 340 millions de têtes fin juin. Il n’était que de 310 millions au début de l’année, le chiffre le plus bas depuis 1984.

En effet, le nombre de truies serait en constante augmentation depuis 9 mois (+29%/septembre 2019) à plus de 36 millions de têtes fin juin 2020 (Il existe cependant des incertitudes sur le nombre de truies. Les chiffres publiés dans la presse, lorsque le cheptel atteignait son plancher en octobre 2019, variaient entre 20 et 25 millions de têtes). L’objectif des autorités est revenir à la fin de l’année 2020, au nombre de truies qui prévalait début 2018, avant la crise engendrée par la FPA.

Ces truies trouvent leur place dans de nouvelles exploitations, comme dans les anciennes. D’après le Ministère de l’Agriculture chinois, 6 177 fermes porcines « de grande taille » nouvellement construites ont commencé à produire au cours du premier semestre 2020 et 10 788 fermes porcines « de grande taille » qui avaient dû être vidées en 2019 ont été remises en production.

Signe de la reprise de production, le prix du porcelet a atteint un nouveau record historique mi-juillet à près de 105 RMB/kg (13 €/kg), deux fois et demi plus cher qu’en 2019 à la même date.

Cependant, les chiffres annoncés par les Autorités chinoises, notamment de cheptel, sont à prendre avec précaution. Le Ministère de l’Agriculture chinois a cessé de publier en octobre 2019 les évolutions de cheptel provenant de sondages effectués auprès de 400 fermes. La seule source disponibles provient dorénavant du rapport mensuel du Bureau National des Statistiques. En outre, la responsabilité du repeuplement porcin pèse sur les épaules des autorités locales auxquelles ont été assignés des objectifs chiffrés. La crainte de ne pas répondre aux objectifs du Gouvernement central pourrait mener à des manipulations de statistiques au niveau local…

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