Matières premières : les importations chinoises battent des records

Par Manon Sailley et Jean-Marc Chaumet

La Chine est actuellement au centre de l’actualité des marchés des matières premières pour l’alimentation animale. Les  importations record de soja mais aussi de maïs et de blé sont un facteur de soutien des prix des marchés internationaux.

L’appétit chinois pour le soja ne tarit pas

Avec 74,5 Mt de soja importées entre janvier et septembre 2020, les douanes montrent que la Chine a importé un volume record de soja pour cette période en dépassant de 16% celle de 2019 et de 4% celles du précédent record (2017). Les trois quarts des volumes proviennent du Brésil tandis que le soja américain compte pour 14% (10,6 Mt).

Les importations à venir promettent également d’être importantes. Maintenant que le Brésil a exporté une large partie de ses ressources, les services de l’USDA recensent chaque semaine de très fortes ventes de soja états-unien vers la Chine. Au 15 octobre, alors que les récoltes américaines n’étaient pas encore terminées, 22% (25 Mt) de la récolte prévisionnelle américaine de soja – estimée par l’USDA à 116Mt – avaient déjà été contractualisées pour des livraisons vers la Chine pendant la campagne de commercialisation 2020/21. Pour comparaison, à la même période, les ventes américaines vers la Chine étaient uniquement de 5,5 Mt en 2019, 1,45 Mt en 2018, et 14 Mt en 2017 avant le début du conflit commercial entre les deux superpuissances. La demande chinoise très dynamique tire les prix internationaux du soja. Sur le marché de Chicago, les cotations de la fève de soja ont grimpé de 20% en deux mois pour atteindre fin octobre près de 10,9 USD/boisseau (398 USD/t), soit leur plus haut niveau depuis mars 2018.

Pour expliquer ces achats de soja étatsunien, mais également de maïs et de blé, il faut prendre en compte l’accord signé entre les deux pays en janvier 2020 dans lequel la Chine s’engage à augmenter considérablement ses achats de produits agricoles étatsuniens. Alors que les bénéfices de la trituration du soja en Chine ont diminué, les entreprises publiques chinoises poursuivent leurs achats de soja américain, tandis que les entreprises privées se retirent du marché. Ces importations permettent également à la Chine de sécuriser son approvisionnement en matières premières dans un contexte d’incertitudes internationales (pandémie de Covid-19, élections aux Etats-Unis…). De nouvelles capacités pour le stockage de 2 Mt de tourteaux de soja seraient en construction par les entreprises gouvernementales.

La reconstitution du cheptel de porc en Chine est également évoqué par les observateurs de marché pour expliquer l’appétit chinois pour le soja. Les statistiques chinoises sur la production d’aliments industriels pour animaux d’élevage corroborent en partie cette hypothèse. En effet, selon les données du Ministère chinois de l’agriculture et des affaires rurales, la production d’aliments pour porcs connaît une reprise significative en Chine depuis le mois de mai. Le volume d’aliments porcins fabriqué en septembre ( 8,6 Mt) a progressé de 15% d’un mois à l’autre et bondi de +54% par rapport à septembre 2019 (6 Mt). Auparavant, entre juin 2019 et mai 2020, la fabrication d’aliments industriels pour porc se situait entre 5 à 6 Mt mensuelles. Néanmoins, les volumes d’aliments porcins produits sont encore inférieurs des niveaux enregistrés avant l’expansion de la FPA dans le pays (9,1 Mt en septembre 2018).

Toutes espèces confondues, la production d’aliments industriels pour animaux d’élevage a atteint ainsi 24,4 Mt en septembre, le plus haut niveau depuis octobre 2017. La production d’aliments pour volailles (ponte et chair) a significativement augmenté entre janvier 2018 (7,5 Mt) et septembre 2020 (11,5 Mt). Étonnamment, la production d’aliments pour l’aquaculture ne montre pas d’augmentation ces dernières années. Avec une production de 1 ,1Mt en septembre 2020, les volumes d’aliments pour bovins enregistrent une croissance ces dernières années (+25% /septembre 2018), mais ne représentent toujours qu’une très faible proportion des volumes totaux d’aliments produits en Chine.

Les fabrications devraient encore progresser en octobre, de nombreuses usines d’aliments pour animaux achètant toujours activement des matières premières.

Le prix du maïs poursuit sa hausse en Chine

Le renchérissement du maïs se poursuit sur le marché chinois. Depuis le début de l’année 2020, il a bondi de +20% pour atteindre 2 510 RMB/t fin octobre (360$/t), le plus haut niveau depuis août 2015.

Malgré la nouvelle récolte disponible, qui devrait d’après le gouvernement atteindre de 265 Mt (+4 Mt/2019), les cours poursuivent leur hausse en octobre. Les conditions climatiques récentes, et en particulier les tempêtes dans les régions du Nord-Est, sèment le doute chez les opérateurs. En outre, les stocks de maïs sont au plus bas après des ventes aux enchères dynamiques qui ont, entre fin mai et début septembre, écoulé près de 57 Mt de maïs, avec un taux de vente de 95% des volumes proposés. Les coûts de production, notamment la main d’œuvre et le foncier sont orientés à la hausse. Parallèlement, la demande intérieure reste soutenue, notamment pour l’alimentation animale mais également pour la fabrication d’alcool et d’amidon de maïs. .

Les cultivateurs de maïs ne sont donc pas pressés de vendre leur nouvelle récolte et accentuent le déséquilibre offre nationale-demande sur le marché.

Dans ce contexte, les importations chinoises de maïs de ces derniers mois sont très dynamiques. Sur les 9 premiers mois de l’année 2020, 6,7 Mt de maïs ont été acheminées vers la Chine (+72% /2019). COFCO a obtenu et utilisé un contingent tarifaire spécial de 5 millions de tonnes, principalement utilisé pour commander du maïs américain, dont la période de livraison s’étalera  jusqu’en avril 2021.

La Chine pourrait donc prochainement revoir à la hausse son contingent d’importation de maïs à droits de douane préférentiels (1% contre 65% hors contingent), fixé à 7,2 Mt depuis l’entrée de la Chine à l’OMC.

Sur la campagne 2020/21, les autorités chinoises estiment à 24 millions de tonnes l’écart entre l’offre nationale et la demande. Si la récolte mondiale de maïs de 2020/21 (1 159 Mt selon l’USDA) est attendue en hausse de 4% par rapport à la campagne précédente, la production ukrainienne – principal fournisseur de la Chine mais également de l’Union européenne – sera faible en raison de la sécheresse estivale qui aurait impacté les rendements. Parallèlement, la production de maïs aux Etats-Unis est attendue meilleure qu’en 2019 (374 Mt contre 346 Mt), mais moindres que les prévisions initiales. En effet, une violente tempête dans l’Iowa au mois d’août, suivie d’un épisode de déficit hydrique, a limité le potentiel de rendement. L’ensemble de ces facteurs ont conduit à une augmentation des prix internationaux du maïs ces dernières semaines. Mais les achats chinois pourraient se porter sur le maïs étatsunien d’autant que l’écart de prix avec le produit chinois ne cesse de se creuser.

Des importations historiques de blé en complément d’une production bien orientée

En parallèle, les importations chinoises de blé atteignent des niveaux inédits. Entre janvier et septembre 2020, la Chine a importé 5,8 Mt de blé (x2,8/2019), un record historique, faisant entrer le pays dans le classement des plus grands importateurs mondiaux, derrière l’Egypte, et la Turquie. Les volumes sont répartis à égalité entre blé tendre et blé dur et la France, l’Australie et le Canada ont fourni la Chine ces derniers mois. Désormais l’origine US devrait bénéficier de la demande chinoise dans les mois à venir. En effet, au 15 octobre, les services de l’USDA ont répertorié un cumul des ventes de blé américain vers la Chine de près de 1,5 Mt depuis le début de la campagne de commercialisation du blé US (juin), contre seulement 193 Kt pour la même période de 2019. Cette forte demande vient compléter une récolte chinoise de blé en légère hausse estimée à 136 Mt en 2020, contre 133,6 Mt en 2019.

La demande chinoise semble augmenter fortement, notamment pour l’alimentation animale. Le prix du maïs a, dans certaines régions chinoises, dépassé celui du blé, poussant des éleveurs à substituer le blé au maïs. Les acheteurs chinois cherchent également à bénéficier des prix internationaux, près de 40% moins élevés que les prix intérieurs chinois en moyenne sur les 9 premiers mois. Le Centre d’information sur les céréales et les huiles a déclaré que l’utilisation du blé dans le secteur de l’alimentation animale devrait augmenter de 4,5 Mt, pour atteindre 20 Mt dans la campagne qui débute.

Le même organisme a déclaré que la Chine importera 7 Mt de blé en 2020/21, ce qui devrait contribuer à une certaine fermeté des prix mondiaux du blé dans un contexte de stabilité de l’offre mondiale sur la campagne qui débute (+0,8% / 2019/20), malgré un net recul de la production européenne (-12%).

Seules les importations d’orge et de sorgho, qui affichent également des hausses sur les 3 premiers trimestres par rapport aux bas niveaux de 2019,  demeurent inférieures aux volumes enregistrés les années précédentes.

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