Diversification des sources d’approvisionnement agricole

Par Jean-Marc Chaumet

Sur le plan international, les orientations annoncées renforcent la politique en cours. Il s’agit d’abord d’accélérer la stratégie de diversification des origines des importations de produits agricoles, pour limiter les sources de vulnérabilité et éviter de donner prise à des stratégies agressives. Mais l’objectif est également d’œuvrer à la constitution de grands traders internationaux de grains et d’encourager les entreprises agricoles chinoises à s’intégrer dans les chaînes d’approvisionnements internationales de produits agricoles.

Trois des principaux fournisseurs de la Chine en produits agricoles, qui représentaient près de 30% des importations en valeur en 2017 avant la guerre commerciale, sont des pays avec lesquels les relations diplomatiques se sont tendues ces dernières années (États-Unis, Australie, Canada).

Afin d’obtenir de plus larges marges de manœuvre dans son approvisionnement alimentaire, la Chine semble vouloir se détacher d’une trop grande dépendance envers ces pays. Les leaders chinois ont également combiné cette diversification à des rétorsions politiques, comme le cas de l’Australie l’illustre. Différentes mesures de rétorsions sur la viande bovine, l’orge et le vin australiens ont en effet limité les importations de ces produits sur le marché chinois, compensées par d’autres fournisseurs.

Ainsi, les importations chinoises d’orge ont progressé de 36%/2019, mais la part australienne a été réduite de moitié, passant de 39% à 23%, avec un volume au plus bas depuis 2013. La diversification des importations a été réalisée grâce à l’Ukraine (x2,5/2019) et la France (+46%/2019).

Si la Chine cherche à moins importer de différents pays avec lesquels elle s’oppose sur une certaine vision du monde, il semble difficile aujourd’hui de s’orienter vers ceux avec lesquels elle partage des idées communes. Constituer une alliance agricole de pays amis, face au front des « démocraties occidentales » ne parait pas possible à court terme.

La Russie, par exemple, ne compte que pour quelques pourcents dans les importations chinoises de grains (moins de 1% des importations de soja et de blé et à peine 1% de celles de maïs en volume). Les exportations russes vers la Chine concernent surtout des poissons et de l’huile de tournesol. Si les responsables chinois sont conscients que la faible part russe aujourd’hui dans les importations rend peu probable une montée en puissance de la Russie en tant que fournisseur clé à court terme, ils ajoutent que la Chine «se bat pour sa sécurité alimentaire à long terme».

Ainsi, la Chine a pour objectif d’approfondir sa coopération avec divers pays pour garantir son approvisionnement en soja et en céréales à long terme, et la Russie en fait partie. En 2019, la Chine a approuvé les importations de blé de la région russe de Kurgan et les importations de soja de toutes les régions de la Russie en proposant une «alliance de l’industrie du soja» avec son voisin. La Russie a commencé la construction d’un terminal céréalier à la frontière russo-chinoise pour une mise en service prévue en 2023, avec l’espoir d’acquérir un avantage concurrentiel face aux principaux exportateurs de céréales que sont le Canada, l’Australie et les États-Unis.

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