COFCO, la plus grande entreprise publique agroalimentaire chinoise, a remporté un bail de 25 ans sur le port brésilien de Santos dans l’état de Sao Paulo. De 3 Mt, la capacité portuaire pourrait atteindre 14 Mt grâce à ce nouveau terminal, augmentant les exportations du Brésil. Cet emplacement stratégique chez le plus grand producteur mondial de soja renforce un peu plus la présence chinoise dans cette zone du globe et son importance dans les échanges internationaux.
Record atteint pour le tourteau de soja
Après les records atteints en mars pour le tourteau de soja, les premières semaines d’avril confirment cette tendance avec un tourteau à 750 $/t sur le marché national. On observe la même chose pour le prix national du maïs à 463 $/t. Même si l’attaché de l’USDA en Chine revoit à la baisse l’estimation d’importation pour la campagne en cours, fin avril, la Chine a encore acheté 1,35Mt de maïs étasunien dont 735 kt sur l’ancienne récolte.
Dépendance au maïs ukrainien
La Chine est encore présente sur le marché de l’import. En février 2022, 1,9 Mt de maïs ont été importées, soit 8% de plus qu’en février 2021. 50% de ces imports proviennent d’Ukraine. Avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les exportations ont été stoppées et la Chine devra trouver une nouvelle origine pour pallier ses stocks nationaux faibles liés à la mauvaise récolte de 2021. Les Etats Unis pourraient être les grands gagnants, aujourd’hui déjà 2e origine exportatrice vers la Chine.
Les cours des matières premières en hausse
En mars, les prix du maïs et du tourteau de soja sont en hausse sur le marché national (resp. 464$/t et 763$/t, +2% et +20%/février 2022). L’aliment composé est lui en hausse de 2% par rapport à mars 2021. Les nouveaux cas de covid et le confinement de certaines provinces apportent de l’insécurité sur les marchés. La dynamique haussière pourrait une nouvelle fois être durable.
Le gouvernement lance une campagne de mise en réserve
Le 8 février, la Commission Nationale du Développement et de la Réforme a annoncé lancer une campagne de stockage de porc. Le but de cette décision est de consolider la baisse des cours et de réguler l’offre sur le marché. Durant les deux premières semaines de mars, les autorités mettront en réserve 40 000 tonnes de produits du porc.
La Chine, de moins en moins dépendante
Après une forte reprise de la production porcine en 2021, le gouvernement chinois tente désormais d’assurer l’approvisionnement et la stabilité des prix nationaux. Face à cette réduction de la dépendance chinoise, les perspectives sont peu optimistes pour les grands exportateurs mondiaux.
Forte reprise de la production en 2021
En 2021, la production chinoise aurait atteint 48,8 Mt selon l’USDA, un résultat probablement sous-estimé. Le gouvernement chinois parle quant à lui d’une production de près de 53 Mt. Malgré ces imprécisions, le constat reste le même : la production nationale est en pleine remontée (+34,4% en un an selon l’USDA) et se rapproche de son niveau d’avant crise.

Les importations massives de reproducteurs depuis deux ans ont permis à la Chine une reprise solide de la production nationale, contrairement aux années précédentes où la reconstitution du cheptel reproducteur se réalisait à partir de femelles normalement destinées à l’abattage. Ces reproducteurs sont principalement des lignées pures destinées à des centres de sélection ou de multiplication. En 2021, près de 27 000 reproducteurs ont été importés, principalement en provenance de l’UE (57% des approvisionnements) et des Etats-Unis (42%), concourant au renouvellement du cheptel reproducteur. D’après les dernières données statistiques publiées par le Ministère de l’Agriculture chinois, le nombre de truies en Chine s’élève à présent à 43 M de têtes (38,5 selon l’USDA, soit + 24,2% en un an).

Affaiblissement des importations
Consécutivement à la reprise de la production nationale, les importations de la Chine se sont affaiblies de manière continue à partir du 2e trimestre 2021. La baisse annuelle totale des achats de porc en provenance de l’étranger s’élève à 24%, avec environ 4,3 MT importées (pour une valeur de 8,9 Mds d’euros). L’ensemble des fournisseurs de la Chine ont été affectés par le repli des achats chinois, à l’exception du Brésil. Le Brésil a bénéficié d’une meilleure position concurrentielle par rapport aux autres exportateurs mondiaux, compte tenu de la faiblesse du real par rapport à l’euro et au dollar.

La Chine souhaite réduire sa dépendance aux approvisionnements étrangers, et pour ce faire, le pays lance de grandes campagnes de développement de la production nationale, et met aussi en place des stratégie pour réduire les achats extérieurs. Début 2022, le gouvernement a décidé de relever ses taxes à l’import. Les droits de douane à l’import sont passés de 8 à 12% en début d’année. Ce taux touche l’ensemble des fournisseurs de la Chine. Les exportateurs américains restent lourdement pénalisés, avec des droits de douanes s’élevant à 25% en moyenne, reliquat de la guerre diplomatico-commerciale entretenue avec la Chine sous la présidence Trump.
Dégringolade des prix du porc
Le prix du porc a dégrindolé de manière quasi-continue en 2021. En moyenne annuelle, le prix avoisine 20,7 RMB/kg, contre 34 RMB/ kg l’année précédente (-39,1% en un an). Ce vaste mouvement de baisse des cours est attribuable à la hausse de l’offre sur le marché intérieur. Ces prix proches des niveaux avant-crise ont favorisé la consommation intérieure de porc, comparativement aux autres espèces animales. Les producteurs du porc, qui ont dû faire face à la flambée des coûts de production, ont en revanche été lourdement pénalisés par la chute des prix à la production. Le gouvernement a alors mis en place – au travers de la Commission nationale du développement et de la réforme – diverses mesures pour stabiliser les prix, tout en assurant un approvisionnement correct du marché. Une de ces mesures est d’utiliser le ratio prix du porc / prix des céréales afin d’ajuster l’état des réserves nationales. L’objectif est de maintenir un rythme constant d’abattage des porcs et de développer les capacités de production dans le pays.

Début février, compte tenu d’une nouvelle baisse des cours en lien avec des niveaux importants d’offre sur le marché et une consommation plutôt en berne après les festivités du Nouvel An, le gouvernement chinois a annoncé vouloir lancer une campagne de stockage de porc, dans le but de consolider la baisse des cours et de réguler l’offre sur le marché. La Chine achètera donc 40 000 tonnes de porc pour ses réserves d’Etat au cours des deux premières semaines de mars.
Consolidation de la production en 2022
Ce contexte de prix apporte des perspectives incertaines pour les éleveurs chinois, et certains seraient réticents à produire davantage. Les experts de l’USDA envisagent alors une consolidation des niveaux de production en 2022, à 49,5 Mt (+1,3% par rapport à 2021). En parallèle de ce maintien de la production, la Chine devrait importer moins qu’en 2021 (-4,5% en un an selon l’USDA). Les niveaux resteront vraisemblablement similaires aux derniers mois de 2021. La chute des importations par rapport à l’an dernier devrait s’illustrer sur le premier trimestre principalement.
Renforcement de l’axe sino-russe
Le nouveau terminal céréalier ferroviaire de Zabaïkalsk en Russie sibérienne devrait être inauguré en 2022. Cet outil permettra des échanges favorisés entre le premier exportateur mondial de blé et son allié politique, la Chine. Le volume de transbordement atteindrait d’après le gouvernement 8 millions de tonnes par an (céréales, légumineuses, oléagineux).
L’élargissement de la culture d’OGM
Le gouvernement chinois a fait part début février de son souhait de promouvoir les cultures OGM destinées à l’alimentation humaine, jusqu’alors interdites. Déjà utilisée en alimentation animale, la culture d’OGM pourrait modifier le bilan céréalier chinois tant en termes de production que d’import/export et réduire la dépendance vis à vis des Etats Unis.
La Fièvre Porcine Africaine place les autorités chinoises face à des dilemmes politiques
Apparue il y a 2 ans et demi dans le pays, la FPA (Fièvre porcine africaine) a montré aux décideurs chinoises l’impossibilité, en temps de crise, de poursuivre plusieurs objectifs politiques à la fois et donc mis en lumière la fragilité du système alimentaire chinois. Elle a en effet placé les autorités face au dilemme de choisir entre limiter l’inflation, conserver un niveau élevé d’autosuffisance en viande porcine et appliquer une nouvelle politique environnementale.
Tout d’abord, la chute de près de 40% du cheptel porcin en un peu plus d’un an et de plus de 21 % de la production nationale, d’après les données officielles, a entraîné une multiplication par plus de deux des prix de la viande sur les marchés à travers le pays. Or la viande porcine, emblématique de la cuisine chinoise, représentait près des deux tiers de la consommation de viande en Chine en 2018, avec près de 40 kg équivalent carcasse annuels. Elle occupe donc une place importante dans la vie des Chinois, dans le panier de la ménagère et conséquemment dans le calcul de l’indice des prix à la consommation. Elle pèserait 13% dans l’indice des prix à la consommation alimentaire et 3% dans l’indice total des prix à la consommation.
Comme la Chine ne craint plus l’apparition de famines sur son sol, les priorités de l’Etat central, dans le cadre de sa politique de sécurité alimentaire, se sont déplacés vers la lutte contre l’inflation, dans un objectif de stabilité sociale dans un pays où les contestations sont rarement autorisées.
Des importations qui accentuent la dépendance alimentaire chinoise
Pour tenter de juguler l’inflation et de satisfaire la demande des consommateurs, la Chine a procédé à des importations massives de viandes et de produits porcins, qui ont atteint des records historiques. : 5,7 millions de tonnes en 2020, soit une multiplication par 2,7 entre 2018 et 2020. La FPA a également été indirectement à l’origine d’une hausse de la consommation et d’importations d’autres viandes (volaille, bovine), creusant encore plus le déficit commercial agro-alimentaire chinois.
Mais les importations massives de viande ont mis à mal la relative autosuffisance en viande porcine. Si la sécurité alimentaire se traduit souvent en chinois par « sécurité des grains », la viande porcine fait partie des produits alimentaires au centre de la politique agricole du pays. Alors que le virus circule encore dans les exploitations chinoises, dépendre de l’étranger pour l’approvisionnement de la première viande consommée dans le pays est ainsi considéré comme une faiblesse, d’autant plus que cette situation peut s’avérer dangereuse sur un plan géoéconomique.
La seule solution à moyen terme est donc de restaurer l’autosuffisance de la Chine en porc. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement central chinois accentue la pression sur les autorités locales afin que celles-ci mettent en œuvre des plans de reconstitution du cheptel porcin. Ces actions se mettent en place au niveau local à travers des programmes de subventions et la facilitation de construction de nouvelles exploitations, notamment sur des terres normalement dévolues à des cultures de céréales.
Une politique environnementale revue
Afin de recouvrer au plus vite l’autosuffisance nationale, les autorités chinoises ont donc été contraintes de revenir, partiellement, sur leurs objectifs environnementaux décidés quelques années auparavant. En 2013, un rapport officiel pointait les déjections animales comme une nouvelle source de pollution devenue prépondérante. Elles seraient responsables de près de 60 % des rejets agricoles de phosphore et de près de 40 % de ceux d’azote. Les exploitations de grande taille sont montrées du doigt pour leur forte contribution à ce phénomène. Une des mesures phares prise alors dans la lutte contre les pollutions d’origine animales a consisté à délimiter des zones sans élevage qui englobent des périmètres habités et/ou des zones de captage d’eau potable et/ou des zones environnementalement fragiles et/ou des zones touristiques. En décembre 2017, 630 000 km² de zones interdites étaient répertoriées à l’échelle nationale, soit une superficie supérieure à celle de la France continentale, et plus de 200 000 élevages ont été fermés ou déplacés. Cette mesure a été complétée par une taxe sur les pollutions environnementales qui vise les pollutions de l’air, de l’eau et du sol.
Ainsi, après avoir limité l’élevage dans de nombreuses zones considérées comme vulnérables et déplacé une partie de la production porcine, les consignes de Pékin ont été de faciliter la création d’exploitations partout où cela était nécessaire, quitte à oublier ces nouvelles règles environnementales. En mars 2020, le ministère chinois de l’Environnement a ainsi simplifié les exigences d’enregistrement environnemental pour l’industrie de l’élevage porcin et assoupli l’interdiction d’élevage porcin dans 14 000 zones auparavant interdites d’élevage. Le Ministère de l’Environnement a notamment mentionné que « La protection de l’environnement ne devrait pas être utilisée comme excuse pour freiner l’élevage porcin. »
Les récents évènements ont donc forcé les dirigeants chinois à faire des choix, ne pouvant mener de fronts leurs différentes politiques visant à atteindre une autosuffisance en porcs, un prix du porc modéré et une large protection géographique contre les pollutions animales. Les choix d’une inflation limitée à court terme et d’une autosuffisance retrouvée à moyen terme ont ainsi été érigés en priorité.
Diversification des sources d’approvisionnement agricole
Par Jean-Marc Chaumet
Sur le plan international, les orientations annoncées renforcent la politique en cours. Il s’agit d’abord d’accélérer la stratégie de diversification des origines des importations de produits agricoles, pour limiter les sources de vulnérabilité et éviter de donner prise à des stratégies agressives. Mais l’objectif est également d’œuvrer à la constitution de grands traders internationaux de grains et d’encourager les entreprises agricoles chinoises à s’intégrer dans les chaînes d’approvisionnements internationales de produits agricoles.
Trois des principaux fournisseurs de la Chine en produits agricoles, qui représentaient près de 30% des importations en valeur en 2017 avant la guerre commerciale, sont des pays avec lesquels les relations diplomatiques se sont tendues ces dernières années (États-Unis, Australie, Canada).

Afin d’obtenir de plus larges marges de manœuvre dans son approvisionnement alimentaire, la Chine semble vouloir se détacher d’une trop grande dépendance envers ces pays. Les leaders chinois ont également combiné cette diversification à des rétorsions politiques, comme le cas de l’Australie l’illustre. Différentes mesures de rétorsions sur la viande bovine, l’orge et le vin australiens ont en effet limité les importations de ces produits sur le marché chinois, compensées par d’autres fournisseurs.
Ainsi, les importations chinoises d’orge ont progressé de 36%/2019, mais la part australienne a été réduite de moitié, passant de 39% à 23%, avec un volume au plus bas depuis 2013. La diversification des importations a été réalisée grâce à l’Ukraine (x2,5/2019) et la France (+46%/2019).

Si la Chine cherche à moins importer de différents pays avec lesquels elle s’oppose sur une certaine vision du monde, il semble difficile aujourd’hui de s’orienter vers ceux avec lesquels elle partage des idées communes. Constituer une alliance agricole de pays amis, face au front des « démocraties occidentales » ne parait pas possible à court terme.
La Russie, par exemple, ne compte que pour quelques pourcents dans les importations chinoises de grains (moins de 1% des importations de soja et de blé et à peine 1% de celles de maïs en volume). Les exportations russes vers la Chine concernent surtout des poissons et de l’huile de tournesol. Si les responsables chinois sont conscients que la faible part russe aujourd’hui dans les importations rend peu probable une montée en puissance de la Russie en tant que fournisseur clé à court terme, ils ajoutent que la Chine «se bat pour sa sécurité alimentaire à long terme».
Ainsi, la Chine a pour objectif d’approfondir sa coopération avec divers pays pour garantir son approvisionnement en soja et en céréales à long terme, et la Russie en fait partie. En 2019, la Chine a approuvé les importations de blé de la région russe de Kurgan et les importations de soja de toutes les régions de la Russie en proposant une «alliance de l’industrie du soja» avec son voisin. La Russie a commencé la construction d’un terminal céréalier à la frontière russo-chinoise pour une mise en service prévue en 2023, avec l’espoir d’acquérir un avantage concurrentiel face aux principaux exportateurs de céréales que sont le Canada, l’Australie et les États-Unis.