La baisse des prix continue en février

Les prix du maïs et du tourteau de soja continuent leur baisse sur le marché national en février, 3,02 CNY/kg pour le maïs et 4,94 CNY/kg pour le tourteau de soja. La devise chinoise a changé de dynamique en février et se réévalue face au dollar américain, dopant les importations notamment en provenance de mer Noire. Outre Atlantique, les relations avec les États-Unis se sont encore refroidies à la suite de l’épisode des ballons. La Chine garde comme objectif de diminuer sa dépendance aux importations étasuniennes.

Le déficit commercial agricole chinois se creuse légèrement en 2022

Après 3 années pendant lesquelles le déficit commercial agricole et agroalimentaire s’est fortement creusé, l’année 2022 a marqué une pause. A 137 milliards de dollars, il ne s’est accru que de 2 milliards de dollars, mais constitue néanmoins un nouveau record. Pour la première fois depuis 2016, les exportations chinoise ont progressé plus vite en valeur (+17%) que les importations (+7%).

La relative faible hausse des importations en valeur s’explique par les moindres achats de céréales en volume (-20%/2021), notamment de maïs (-27%) et d’orge (-55%), comme en valeur (-3%), mais également de viandes (-2% en valeur) et de produits laitiers (-17% en valeur).

En produits laitiers, les replis d’importations en volume ont concerné tous les produits à l’exception du beurre et des laits infantiles.

Ces baisses n’ont cependant pas compensé les importations en hausse en valeur de soja (+15%) malgré une baisse volumes (-6%) et de la catégorie poissons et crustacés (+36% en valeur)

La pression sociétale commence à peser sur les modes d’élevage

Les modes de production des produits agricoles sont un des aspects les plus critiqués par les consommateurs chinois. Les réprobations concernaient surtout les conséquences sanitaires poussant divers secteurs de l’industrie alimentaire chinoise à se distancier des nombreux scandales liés à la sécurité et à la qualité et à prendre des mesures fortes.

Récemment, les initiatives se sont étendues à la production d’oeufs, qui continue d’avoir mauvaise réputation suite à divers alertes en matière de sécurité sanitaire notamment liées l’utilisation d’antibiotiques ; alors que la Chine est le 1er producteur mondial avec 40% des volumes. Ces problèmes ont entraîné une augmentation significative de l’intérêt des consommateurs pour les œufs produits en bâtiment sans cage dans le pays. Une étude de 2021 a révélé qu’environ 75 % des consommateurs chinois sont plus enclins à acheter auprès de marques qui utilisent des œufs sans cage, et 67 % pensent que les entreprises alimentaires doivent s’engager et respecter l’engagement de s’approvisionner uniquement en œufs sans cage.

Seuls 10 % de tous les œufs produits en Chine seraient des œufs produits sans cage, et 90 % d’entre eux proviendraient de petits producteurs élevés en plein air,

Selon les données de la société de conseil Lever China, plus de 80 entreprises du pays ont pris des engagements en matière d’œufs sans cage à respecter d’ici 2025, 2027 ou 2030, y compris de grands détaillants locaux comme CitySuper, ALDI et Metro et de grandes marques alimentaires comme Unilever, Mondelez et Nestlé.

Le plus gros problème réside dans la défiance de la grande majorité des détaillants, des entreprises de restauration et des multinationales en Chine vis-à-vis de l’authenticité de leurs fournisseurs d’œufs sans cage. Pour rassurer les acheteurs et les consommateurs, des normes et des certifications obligatoires pour pouvoir déclarer ses produits sans cage ont été élaborées fin 2021 pour les œufs produits sans cage, incitant davantage de producteurs d’œufs vers ce mode de production.

Ces initiatives sont soutenues par le gouvernement qui a publié un a publié un guide spécialisé sur la production d’œufs sans cage.

Hausse des productions animales en Chine en 2022

D’après les données officielles chinoises, la production de viande était de 92,27 millions de téc, soit une augmentation de 3,8 % par rapport à 2021.

Dans le détail, la production de viande porcine aurait atteint 55,41 millions de téc (+ 4,6 %/2021), avec un nombre de porc abattus de 699,95 millions (+4,3 %), celle de viande bovine 7,18 millions de téc (+3,0 %/2021), celle de viande ovine 5,25 millions de téc (+2,0 %) et celle de viande de volaille 24,43 millions de tonnes (+2,6 %).

La production de lait serait de 39,32 millions de tonnes (+6,8 %) et celle d’œufs de 34,56 millions de tonnes (+1,4 %)

2022, une année difficile pour le secteur laitier chinois

Avec la contribution de Jean-Marc Chaumet

L’année 2022 aura été difficile pour la Chine. Le covid-19 a entrainé d’importants confinements mettant en péril l’économie générale du pays. C’est aussi une année où le nombre de morts a été supérieur aux naissances. La population baisse pour la première fois depuis 60 ans.

Les industries laitières annoncent d’importantes pertes économiques basées sur une collecte en forte hausse dans un contexte de moindre demande en produits laitiers. 

Hausse de la collecte malgré des coûts de production particulièrement élevés

En 2022, la collecte laitière en Chine a été supérieure de +6,8% /2021 selon les statistiques chinoises. Les analystes s’accordent plutôt pour une hausse entre +3 et +7% /2021 autour de 39 Mt.

Cette augmentation de la collecte est permise par une hausse du troupeau notamment grâce à des importations de bovins reproducteurs (+34% /2021 selon BOABC ce qui ferait près de 390 000 têtes).  

En 2021, un tiers des bovins importés par la Chine était en provenance de la Nouvelle-Zélande. Toutefois, ces échanges prendront fin en avril 2023 car la Nouvelle-Zélande a voté en septembre 2022 l’interdiction des exportations d’animaux vivants (bien-être animal). Cette interdiction fait suite, notamment, au naufrage en 2020 du Gulf Livestock 1 qui a tué 41 membres d’équipage et 6 000 bovins.  

En 2022, les coûts de production et surtout les coûts d’alimentation ont fortement augmenté (à dire d’expert environ +25% en un an). En effet, la production agricole céréalière chinoise a fait face à une météo adverse durant l’été. Début janvier 2023, le prix moyen du maïs en Chine était de 3,03 yuans/kg, soit une hausse de 5,2% /2022 et du tourteau de soja était de 4,97 yuans/kg, en hausse de 30% /2022. Par ailleurs, le foin de luzerne aurait augmenté de près de +35% en un an.

Dans le même temps, les prix du lait en Chine se sont dégradés durant l’année (-4% à 4,12 RMB/kg soit 55,8 c€/kg contre près de 60 c€/kg en décembre 2021), pénalisant encore davantage les petits éleveurs. De plus, il semblerait qu’il y ait un écart important entre le prix du lait officiel pour le premier trimestre 2023 à 4,10 RMB/kg dans la province de Hebei et le prix payé car le comité agricole a proposé de baisser les prix à 3,85 RMB/kg.

Vers plus de méga fermes

En février 2022, le ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales a publié son plan quinquennal pour améliorer la compétitivité de l’industrie laitière. L’objectif est d’atteindre les 41 Mt de production de lait d’ici à 2025 (ce qui pourrait être atteint dès 2023).

Pour cela, le gouvernement chinois a demandé aux provinces de subventionner la production de lait car elle est stratégique. Par exemple, la province du Liaoning va investir dans la logistique afin d’améliorer la chaine du froid notamment pour les produits laitiers.

De son côté, le gouvernement local de Jilin prévoit une subvention de 10 000 yuans/kg pour l’importation de taureau reproducteur et de 1 000 yuans/kg pour chaque vache pleine. Ces subventions vont surtout favoriser les grandes fermes, seules exploitations capables d’acheter ces bovins importés.

À dire d’experts, ces grandes fermes (supérieures à 100 vaches) représentent dorénavant 70% des exploitations laitières du pays avec en moyenne 7 430 vaches/exploitation. Dans la province du Ningxia, les fermes de plus de 500 vaches représentent 66% des exploitations laitières.

Dans la province de la Mongolie Intérieure (première productrice de lait), 23 méga fermes (>5 000 vaches) ont été construites en 2021, entrainant une hausse du cheptel de la province de +80 000 vaches. En 2022, 41 nouvelles fermes ont été construites (+100 000 vaches). Pour 2023, 15 fermes sont en cours de construction.

Dans le Shandong, 27 méga fermes ont été construites en 2021, 2 auraient vu le jour depuis en 2022.

A l’inverse, certains petits producteurs doivent cesser leur activité laitière car les transformateurs ne souhaitent plus venir les collecter, notamment ceux qui produisent moins de 10 000 litres/jour.

Difficultés de la transformation

La majeure part des fabrications chinoises est orientée vers les « produits liquides » tels que le lait de consommation UHT ou pasteurisé, les yaourts et produits fermentés.

Cependant, cette année, entre les confinements des grandes villes dus au covid-19 (fermeture des restaurants et supermarché, perte d’emploi) et l’inflation, le budget des ménages alloué aux produits laitiers est réduit. La consommation de lait liquide et de yaourts est donc fortement réduite. Selon BOABC, les ventes en ligne de 4 catégories de produits laitiers (produits laitiers à basse température, produits laitiers à température ambiante, produits à base de lait de chèvre et laits en poudre) ont baissé de 36% sur les 9 premiers mois de 2022. Selon un analyste chinois, c’est la première fois en vingt ans qu’il constate une baisse de la demande en produits laitiers.

Quand cela était possible, le lait supplémentaire a été séché en poudres de lait grasses. Toutefois, les capacités de séchage sont nettement inférieures au lait disponible.

Les coûts d’alimentation élevés et un marché atone exercent une pression forte sur la production laitière depuis plusieurs semaines. Entre l’impact du Covid-19 sur la consommation de produits laitiers et l’expansion accélérée de l’élevage laitier à travers davantage de mégafermes au cours des deux dernières années, l’équilibre entre l’offre et la demande de lait a été rompu.

Dans les circonstances actuelles, de grandes exploitations maintiennent à peine leur activité et les fermes de petites et moyennes tailles se retrouvent dans des situations difficiles car moins capables de résister à la volatilité du marché. Certaines n’avaient pas encore reçu de contrat de collecte avant la fin 2022. Des transformateurs ont commencé à limiter leur collecte de lait, notamment en ne pas renouvelant pas des contrats avec des éleveurs.

Aussi de plus en plus de journaux chinois remontent des échos de lait jeté et de vaches abattues. Les éleveurs cherchent à les engraisser pour la viande mais au vu des couts d’aliment, l’opération n’est guère rentable.

Selon un article de la Hebei Dairy Association, l’excédent de lait cru séché en poudre serait de 4 000 t/jour dans la province de Hebei. Les coûts de séchage seraient nettement supérieurs aux prix de vente possible actuellement.  Pour soutenir les grands groupes laitiers, les principales régions de production comme la Mongolie intérieure aurait prolongé les subventions pour la production du poudres grasses jusqu’en 2023 (USDA).

Plusieurs transformateurs laitiers ont déjà annoncé que leurs résultats 2022 seraient décevants, pas seulement dans les laits infantiles, avec des bénéfices en recul. Après un bon premier semestre, les résultats pour le 3ème trimestre 2022 du premier laitier chinois, Yili, ont déjà affiché un bénéfice en recul de 27%, malgré une hausse du chiffre d’affaires de près de 7%, entraînant une chute du cours en bourse de 10%.

À quoi ressemblera 2023 ?

La levée de la stratégie zéro covid à la fin 2022 va certainement permettre aux consommateurs de retourner dans les restaurants et supermarchés. La consommation de produits laitiers sur les derniers mois de 2022 et pour les festivités du Nouvel An pourrait se reprendre. Mais si la reprise des ventes pendant le Nouvel An chinois ne répond pas aux attentes des industriels, la pression sur la production laitière sera encore plus grande au cours des semaines à venir.

Toutefois, au-delà de cette période, la baisse de pouvoir d’achat des ménages laisse des doutes sur un retour durable de la consommation en produits frais (lait de consommation et yaourts), même si la croissance de la consommation des ménages semble être une des priorités des autorités chinoises : 25 des 31 provinces du pays ont érigé cette consommation comme une des priorités pour 2023.

Sur les produits secs, malgré des baisses d’importations de poudres en 2022 (-21% en poudre maigre et -17 % en poudres grasses), la hausse des fabrications locales entraine la création de stocks particulièrement importants. Dans ce contexte, il semble difficile d’imaginer un fort retour de la Chine aux achats.

En revanche, les produits tels que le beurre, la crème, le fromage et les poudres de lait infantile et pour séniors devraient toujours bénéficier d’une forte demande notamment à l’import.

Ces perspectives restent également dépendantes du contexte sanitaire et économique dans le pays et en l’absence de guerre à Taiwan.

La Chine surtout sur le marché des imports

La demande chinoise est rassurante pour les marchés internationaux. Les importations augmentent en ce début d’année et le gouvernement a annoncé que le cheptel porcin était en hausse de 7% en décembre par rapport à décembre 2021. La production porcine chinoise atteint ainsi son plus haut depuis 8 ans mais les autorités cherchent à freiner cette dynamique qui pèse sur les prix.

Première baisse des prix depuis l’été

Les prix du maïs et du tourteau de soja ont enfin entamé une baisse sur le marché national en janvier. En janvier, le maïs atteint les 3,05 CNY/kg et le tourteau de soja 5,01 CNY/kg. Pour autant, la devise chinoise s’est encore dévaluée et la perspective de croissance du PIB chinois, +2,7% en 2022 est en-dessous de ses voisins asiatiques. 2022 est la pire performance depuis 45 ans (hors 2020). L’absence d’immunité collective et l’arrêt de la politique zéro-Covid restent préoccupant pour l’année 2023. Nous avons une très faible visibilité sur l’évolution de la situation des prix.

L’arrêt des imports des reproducteurs parentaux en Chine depuis septembre 2022 pèsera sur la production en 2023

Les importations chinoises des poussins gallus (futur parentaux) ont connu de fortes baisses depuis le début d’année avec un arrêt total depuis septembre. En effet, la Chine est relativement dépendante des importations en génétique aviaire, avec le développement des élevages de poulet à plumes blanches. Les importations n’ont cessé de progresser pour répondre à la demande locale sur ce type de souches. La Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis sont les deux principaux fournisseurs de la Chine ces 3 dernières années. Mais avec la grippe aviaire aux Etats-Unis, les importations de la Chine en reproducteurs sont à l’arrêt, étant donné que la majorité des sites de production d’Aviagen (principal fournisseur) se situent dans les zones touchées par des restrictions à l’import. Le stock des parentaux et grands parentaux en Chine commence a montré des signes d’essoufflement avec une baisse du cheptel conjuguée à un recul des performances en ponte et en éclosion suite à l’allongement des durées de ponte et la pratique de mue. Si la production de poulet en 2022 se maintient, la baisse des approvisionnements en grand parentaux depuis février commence à se manifester depuis la fin d’année 2022 avec le recul du cheptel des parentaux. Par conséquent, une baisse de la production des poussins de poulet destinés à l’élevage est attendue sur le 1er semestre 2023 et risque d’être plus accélérée sur le second semestre 2023. Cela impliquerait une tendance haussière des importations chinoises de poulet en 2023.

Le gouvernement chinois tente de soutenir la consommation

À l’approche des festivités du Nouvel An chinois, le gouvernement a annoncé la remise sur le marché des réserves de porc stockées. Les autorités du pays ont aussi déclaré vouloir mettre en place diverses mesures afin de soutenir la consommation intérieure.
L’enjeu est de stabiliser les prix, mais aussi de faire repartir l’économie du pays, toujours perturbée par la Covid-19 et les aléas climatiques.

La Chine diversifie ses origines d’importation

Après la validation des contrats phytosanitaires avec le Brésil et le départ des premiers bateaux remplis de maïs, la Chine pourrait aussi être un bon débouché pour les tourteaux canadiens de canola. La conjoncture canadienne est à la production poussée d’oléagineux pour alimenter le marché des biocarburants, produisant ainsi plus de tourteaux à destination de l’alimentation animale. Cette origine pourrait être une nouvelle opportunité pour la Chine et son désir d’amoindrir sa dépendance aux matières premières en provenance des Etats-Unis.

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