Le nouveau terminal céréalier ferroviaire de Zabaïkalsk en Russie sibérienne devrait être inauguré en 2022. Cet outil permettra des échanges favorisés entre le premier exportateur mondial de blé et son allié politique, la Chine. Le volume de transbordement atteindrait d’après le gouvernement 8 millions de tonnes par an (céréales, légumineuses, oléagineux).
L’élargissement de la culture d’OGM
Le gouvernement chinois a fait part début février de son souhait de promouvoir les cultures OGM destinées à l’alimentation humaine, jusqu’alors interdites. Déjà utilisée en alimentation animale, la culture d’OGM pourrait modifier le bilan céréalier chinois tant en termes de production que d’import/export et réduire la dépendance vis à vis des Etats Unis.
La Chine encore présente sur le marché de l’import du soja
Les importations chinoises de soja sont en augmentation impactant la demande mondiale. En décembre 2021, 6 Mt d’origine USA ont été contractualisées et 2 Mt d’origine Brésil . En décembre 2020, le volume était inférieur (5,8 Mt d’origine USA et 1 Mt d’origine Brésil). La Chine cherche à réduire cette dépendance aux importations. Pour cela, l’objectif est d’augmenter de près de 40% sa production nationale d’ici 2025, passant ainsi de 6,4 Mt produites à 23 Mt.
Le cours du maïs continue sa hausse
L’année 2021 s’est terminée avec des prix à la hausse sur le marché chinois du maïs, atteignant 455 $/t. La conjoncture actuelle de nouvel an chinois et d’approche des JO d’hiver devrait ralentir les achats et l’activité des usines d’alimentation animale, stabilisant le prix du maïs. A noter que l’USDA prévoit une production record de maïs en 2022 avec une augmentation de 5%/20/21, favorisant au contraire un recul des cours sur le moyen terme.
Matières premières : encore beaucoup d’incertitudes du côté chinois
Par Mathilde Le Boulch
Sur un fond de prix internationaux élevés, les importations chinoises ont atteint des records en maïs comme en soja durant la campagne 2020/2021. Même si la production porcine est estimée à la baisse en 2022 par l’USDA, la croissance dans les autres filières animales soutient la demande en alimentation animale.
Le maïs à des niveaux record
Malgré une récolte mondiale record de maïs de 1 122 Mt en 2020 selon l’USDA, l’augmentation de la consommation mondiale lors de la campagne précédente a entrainé le recul des stocks de près de -18 Mt (Chine exclue), expliquant en partie les prix internationaux élevés. En Chine, avec la reconstitution des cheptels (porcins et aviaires), la production d’aliment est en augmentation sur l’année 2021 : sur la période janvier-août, la production d’aliments a augmenté au global de 19%/2020 et de 63% rien que pour l’aliment porcin.
Sur la campagne 2020-21, la demande a donc été soutenue en Chine pour répondre au besoin de l’alimentation animale avec la reprise de l’élevage. Les importations se sont établies à 29,5 Mt (dont 66% en provenance des USA) contre 7,58 Mt lors de la campagne précédente.
Aussi, depuis mars, le prix du maïs chinois s’est stabilisé à son plus haut niveau historique, avoisinant les 3 000 yuan/t soit 460 $/t (+27% /2020). En novembre, malgré une incorporation plus significative de blé et de riz national dans l’alimentation animale, les prix du maïs chinois continuent leur augmentation. Le prix de l’aliment du bétail reste élevé.
Mais apaisement des tensions en vue
Sur la campagne actuelle 2021-22, malgré des retards de récoltes, les pronostics sont bons. L’USDA prévoit une récolte mondiale de 1 208,7 Mt soit 8% de plus que la campagne précédente. L’arrivée de ces volumes supplémentaires n’a pourtant pas détendu les prix tant la demande reste forte.
Du côté de la Chine, les voyants sont au vert pour la nouvelle récolte. Le CNGOIC (China National Grain & Oils Information Center) annonce une prévision de récolte de 273 Mt, soit 13 Mt de plus que lors de la campagne précédente. Le même CNGOIC a annoncé une prévision d’importations chinoises de maïs en baisse de sur cette nouvelle campagne (20 Mt, -35%).

Les records d’importation se poursuivent en soja
Du côté du soja, la demande chinoise est également très élevée. Sur la campagne septembre 2020-août 2021, la Chine aura importé 100 Mt de soja (+1%/2019-20). Avec 37% des graines provenant des USA, soit +20%/2019-20, les importations chinoises ont retrouvé leur niveau d’avant le conflit commercial de 2017 grâce à l’accord sino-US prévoyant une hausse des achats chinois de produits agricoles étasuniens et à l’élection de Biden. Toutefois, l’ouragan Ida, qui a touché la côte ouest des Etats-Unis, avait ralenti les exportations en septembre. En novembre elles sont reparties à la hausse à 8,57 Mt (+67,7 %/octobre 2021). Le prix du tourteau de soja sur le marché chinois est resté stable sur le troisième trimestre à 3 750 yuan/tonnes soit 580 $/t (+20%/2020).
Des indicateurs inquiétants
A ces fondamentaux, il faut ajouter les inquiétudes actuelles sur les indices macro-économiques. La reprise économique chinoise s’annonçait exponentielle, elle est aujourd’hui ralentie. La flambée des coûts de l’énergie a poussé le gouvernement chinois à réduire les cadences dans les usines. La production industrielle est donc ralentie. Dans le même temps, la possible faillite du géant de l’immobilier Evergrande laisse craindre une crise économique.
Par ailleurs, du côté sanitaire, le covid-19 continue là aussi de pénaliser l’économie. La politique zéro-covid chinoise entraine la fermeture régulière de ports de marchandises rendant ainsi plus difficile les échanges dans un contexte de logistique mondiale encombrée et de prix du fret particulièrement élevés.
Dans ce contexte particulièrement incertain en terme sanitaire, climatique et financier, les prévisions à court terme sont difficiles. Ces indicateurs macro favorisent l’insécurité et la volatilité des cours des matières premières.
Matières premières : les importations chinoises battent des records
Par Manon Sailley et Jean-Marc Chaumet
La Chine est actuellement au centre de l’actualité des marchés des matières premières pour l’alimentation animale. Les importations record de soja mais aussi de maïs et de blé sont un facteur de soutien des prix des marchés internationaux.
L’appétit chinois pour le soja ne tarit pas
Avec 74,5 Mt de soja importées entre janvier et septembre 2020, les douanes montrent que la Chine a importé un volume record de soja pour cette période en dépassant de 16% celle de 2019 et de 4% celles du précédent record (2017). Les trois quarts des volumes proviennent du Brésil tandis que le soja américain compte pour 14% (10,6 Mt).
Les importations à venir promettent également d’être importantes. Maintenant que le Brésil a exporté une large partie de ses ressources, les services de l’USDA recensent chaque semaine de très fortes ventes de soja états-unien vers la Chine. Au 15 octobre, alors que les récoltes américaines n’étaient pas encore terminées, 22% (25 Mt) de la récolte prévisionnelle américaine de soja – estimée par l’USDA à 116Mt – avaient déjà été contractualisées pour des livraisons vers la Chine pendant la campagne de commercialisation 2020/21. Pour comparaison, à la même période, les ventes américaines vers la Chine étaient uniquement de 5,5 Mt en 2019, 1,45 Mt en 2018, et 14 Mt en 2017 avant le début du conflit commercial entre les deux superpuissances. La demande chinoise très dynamique tire les prix internationaux du soja. Sur le marché de Chicago, les cotations de la fève de soja ont grimpé de 20% en deux mois pour atteindre fin octobre près de 10,9 USD/boisseau (398 USD/t), soit leur plus haut niveau depuis mars 2018.
Pour expliquer ces achats de soja étatsunien, mais également de maïs et de blé, il faut prendre en compte l’accord signé entre les deux pays en janvier 2020 dans lequel la Chine s’engage à augmenter considérablement ses achats de produits agricoles étatsuniens. Alors que les bénéfices de la trituration du soja en Chine ont diminué, les entreprises publiques chinoises poursuivent leurs achats de soja américain, tandis que les entreprises privées se retirent du marché. Ces importations permettent également à la Chine de sécuriser son approvisionnement en matières premières dans un contexte d’incertitudes internationales (pandémie de Covid-19, élections aux Etats-Unis…). De nouvelles capacités pour le stockage de 2 Mt de tourteaux de soja seraient en construction par les entreprises gouvernementales.
La reconstitution du cheptel de porc en Chine est également évoqué par les observateurs de marché pour expliquer l’appétit chinois pour le soja. Les statistiques chinoises sur la production d’aliments industriels pour animaux d’élevage corroborent en partie cette hypothèse. En effet, selon les données du Ministère chinois de l’agriculture et des affaires rurales, la production d’aliments pour porcs connaît une reprise significative en Chine depuis le mois de mai. Le volume d’aliments porcins fabriqué en septembre ( 8,6 Mt) a progressé de 15% d’un mois à l’autre et bondi de +54% par rapport à septembre 2019 (6 Mt). Auparavant, entre juin 2019 et mai 2020, la fabrication d’aliments industriels pour porc se situait entre 5 à 6 Mt mensuelles. Néanmoins, les volumes d’aliments porcins produits sont encore inférieurs des niveaux enregistrés avant l’expansion de la FPA dans le pays (9,1 Mt en septembre 2018).
Toutes espèces confondues, la production d’aliments industriels pour animaux d’élevage a atteint ainsi 24,4 Mt en septembre, le plus haut niveau depuis octobre 2017. La production d’aliments pour volailles (ponte et chair) a significativement augmenté entre janvier 2018 (7,5 Mt) et septembre 2020 (11,5 Mt). Étonnamment, la production d’aliments pour l’aquaculture ne montre pas d’augmentation ces dernières années. Avec une production de 1 ,1Mt en septembre 2020, les volumes d’aliments pour bovins enregistrent une croissance ces dernières années (+25% /septembre 2018), mais ne représentent toujours qu’une très faible proportion des volumes totaux d’aliments produits en Chine.
Les fabrications devraient encore progresser en octobre, de nombreuses usines d’aliments pour animaux achètant toujours activement des matières premières.
Le prix du maïs poursuit sa hausse en Chine
Le renchérissement du maïs se poursuit sur le marché chinois. Depuis le début de l’année 2020, il a bondi de +20% pour atteindre 2 510 RMB/t fin octobre (360$/t), le plus haut niveau depuis août 2015.
Malgré la nouvelle récolte disponible, qui devrait d’après le gouvernement atteindre de 265 Mt (+4 Mt/2019), les cours poursuivent leur hausse en octobre. Les conditions climatiques récentes, et en particulier les tempêtes dans les régions du Nord-Est, sèment le doute chez les opérateurs. En outre, les stocks de maïs sont au plus bas après des ventes aux enchères dynamiques qui ont, entre fin mai et début septembre, écoulé près de 57 Mt de maïs, avec un taux de vente de 95% des volumes proposés. Les coûts de production, notamment la main d’œuvre et le foncier sont orientés à la hausse. Parallèlement, la demande intérieure reste soutenue, notamment pour l’alimentation animale mais également pour la fabrication d’alcool et d’amidon de maïs. .
Les cultivateurs de maïs ne sont donc pas pressés de vendre leur nouvelle récolte et accentuent le déséquilibre offre nationale-demande sur le marché.
Dans ce contexte, les importations chinoises de maïs de ces derniers mois sont très dynamiques. Sur les 9 premiers mois de l’année 2020, 6,7 Mt de maïs ont été acheminées vers la Chine (+72% /2019). COFCO a obtenu et utilisé un contingent tarifaire spécial de 5 millions de tonnes, principalement utilisé pour commander du maïs américain, dont la période de livraison s’étalera jusqu’en avril 2021.
La Chine pourrait donc prochainement revoir à la hausse son contingent d’importation de maïs à droits de douane préférentiels (1% contre 65% hors contingent), fixé à 7,2 Mt depuis l’entrée de la Chine à l’OMC.
Sur la campagne 2020/21, les autorités chinoises estiment à 24 millions de tonnes l’écart entre l’offre nationale et la demande. Si la récolte mondiale de maïs de 2020/21 (1 159 Mt selon l’USDA) est attendue en hausse de 4% par rapport à la campagne précédente, la production ukrainienne – principal fournisseur de la Chine mais également de l’Union européenne – sera faible en raison de la sécheresse estivale qui aurait impacté les rendements. Parallèlement, la production de maïs aux Etats-Unis est attendue meilleure qu’en 2019 (374 Mt contre 346 Mt), mais moindres que les prévisions initiales. En effet, une violente tempête dans l’Iowa au mois d’août, suivie d’un épisode de déficit hydrique, a limité le potentiel de rendement. L’ensemble de ces facteurs ont conduit à une augmentation des prix internationaux du maïs ces dernières semaines. Mais les achats chinois pourraient se porter sur le maïs étatsunien d’autant que l’écart de prix avec le produit chinois ne cesse de se creuser.
Des importations historiques de blé en complément d’une production bien orientée
En parallèle, les importations chinoises de blé atteignent des niveaux inédits. Entre janvier et septembre 2020, la Chine a importé 5,8 Mt de blé (x2,8/2019), un record historique, faisant entrer le pays dans le classement des plus grands importateurs mondiaux, derrière l’Egypte, et la Turquie. Les volumes sont répartis à égalité entre blé tendre et blé dur et la France, l’Australie et le Canada ont fourni la Chine ces derniers mois. Désormais l’origine US devrait bénéficier de la demande chinoise dans les mois à venir. En effet, au 15 octobre, les services de l’USDA ont répertorié un cumul des ventes de blé américain vers la Chine de près de 1,5 Mt depuis le début de la campagne de commercialisation du blé US (juin), contre seulement 193 Kt pour la même période de 2019. Cette forte demande vient compléter une récolte chinoise de blé en légère hausse estimée à 136 Mt en 2020, contre 133,6 Mt en 2019.
La demande chinoise semble augmenter fortement, notamment pour l’alimentation animale. Le prix du maïs a, dans certaines régions chinoises, dépassé celui du blé, poussant des éleveurs à substituer le blé au maïs. Les acheteurs chinois cherchent également à bénéficier des prix internationaux, près de 40% moins élevés que les prix intérieurs chinois en moyenne sur les 9 premiers mois. Le Centre d’information sur les céréales et les huiles a déclaré que l’utilisation du blé dans le secteur de l’alimentation animale devrait augmenter de 4,5 Mt, pour atteindre 20 Mt dans la campagne qui débute.
Le même organisme a déclaré que la Chine importera 7 Mt de blé en 2020/21, ce qui devrait contribuer à une certaine fermeté des prix mondiaux du blé dans un contexte de stabilité de l’offre mondiale sur la campagne qui débute (+0,8% / 2019/20), malgré un net recul de la production européenne (-12%).
Seules les importations d’orge et de sorgho, qui affichent également des hausses sur les 3 premiers trimestres par rapport aux bas niveaux de 2019, demeurent inférieures aux volumes enregistrés les années précédentes.
Alimentation animale : hausse des cours et dépendance croissante aux importations
Par Manon Sailly et Jean-Marc Chaumet
Les prix des matières premières de l’alimentation animale ont évolué à contrecourant des prix internationaux ces derniers mois, en lien avec une situation de marché particulière en Chine. De plus, la Chine ne devrait bientôt plus disposer de stocks de maïs et les importations de soja sont en progression.
Fonte des stocks de maïs
Pour le maïs, le prix sur le marché de Chicago a affiché un niveau très dégradé durant le printemps avec la forte baisse de la demande nord-américaine causée par le ralentissement de la production de biocarburants à base d’éthanol. Par ailleurs, avant que l’USDA ne revoie ses projections, celle-ci prévoyait une très forte hausse des surfaces de maïs aux Etats-Unis. Cette estimation a été revue à la baisse, conduisant à une revalorisation des prix du maïs américain fin juin. Sur le marché de Chicago, le prix du maïs était de 128 $/t en juin 2020, en baisse de 24% par rapport à l’année précédente (170 $/t en juin 2019).
En Chine, en dépit de l’évolution du marché international, les prix du maïs sont en constante augmentation. En juin, à 2240 RMB/t (soit 316 $/t) le prix moyen chinois était supérieur de plus de 7% à celui de juin 2019 (2090 RMB/t ou 302 $/t) et atteignait ainsi son plus haut niveau depuis octobre 2014.
La forte demande pour le secteur de l’alimentation animale est à l’origine de cette hausse des prix. Pour limiter ce phénomène, le gouvernement a temporairement réouvert la vente de stock d’Etat depuis la fin du mois de mai. Entre le 28 mai et le 9 juillet, les ventes ont totalisé près de 28 Mt. Alors que les grains proviennent des récoltes 2014 et 2015, les taux de ventes aux enchères atteignent presque toutes 100%, ce qui démontre un réel manque de maïs sur le marché chinois. Cette année 2020 devrait signifier la fin du programme de soutien temporaire du prix de réserve qui avait accumulé d’énormes stocks de maïs, vendus aux enchères depuis la fin du programme en avril 2016. Les 56 Mt estimées restantes dans les réserves avant le début des ventes aux enchères cette année devraient être épuisées dans les mois à venir. La Chine ne devrait donc pouvoir compter dans le futur que sur les importations pour combler le manque de maïs.
Parallèlement, les importations chinoises de maïs ont augmenté, pour atteindre 3,7 Mt sur la période allant d’octobre (début de la campagne agricole) à mai (+26% / 2018/19). L’origine de ces importations est très majoritairement ukrainienne (3,2 Mt). Mais les achat de maïs étatsuniens devraient fortement progresser lors de la campagne 2020/21. L’USDA a en effet annoncé que les ventes à la Chine pour la prochaine campagne totalisaient déjà 3,9 millions de tonnes, dont 1,762 million achetées en une journée en juillet.
Toutefois, rappelons que les importations chinoises de maïs ne représentent qu’une faible partie de l’approvisionnement du marché chinois en comparaison à la production locale (261 Mt en 2019/20) et que le contingent tarifaire à droit de douane de 1% se monte à 7,2 millions de tonnes.
Pour la campagne à venir, les services de l’USDA basés à Pékin prévoient une baisse de la production chinoise de maïs supérieure à 10 Mt à 250 Mt en raison d’une baisse des surfaces semées et de dégâts de ravageurs (chenille légionnaire). A l’inverse, les autorités chinoises annoncent une récolte en progression de 6 Mt à 266,5 millions. Mais même si cette hausse de production se réalise, les documents officiels affichent un déficit de près de 20 Mt pour la campagne 2020/21, avec une consommation estimée à 285 Mt.
Hausse des importations chinoises de soja
Les importations chinoises de soja poursuivent leur reprise. Sur les cinq premiers mois de l’année, elles ont progressé de 7% par rapport à 2019, sans pour autant renouer avec les niveaux connus en 2017 et 2018 à pareille époque. La demande pour l’alimentation animale semble se redresser avec le repeuplement progressif des élevages porcins et avec le développement de la production des protéines animales alternatives à la viande de porc (volaille, produits de la mer). Pour autant, le risque sanitaire pour le secteur porcin (FPA) est toujours très présent.
En ce qui concerne l’origine du soja importé, les volumes en provenance des Etats-Unis ont augmenté (+73 % /2019). Du fait de la récolte record de soja au Brésil cette année (124 Mt) et des inquiétudes des importateurs face à de potentiels problèmes logistiques en raison du Covid-19, les importations en provenance de ce pays ont été très fortes. De ce fait, depuis la récolte (mars) jusqu’à fin juin, le Brésil a déjà exporté 43% de sa production, contre 30% en 2019. Cela contribue à une hausse du prix du soja brésilien, poussant la Chine à se tourner progressivement vers l’origine nord-américaine, en dépit de la recrudescence des tensions entre les deux puissances. Ainsi, en juin, l’USDA a fait état d’importantes ventes de soja vers la Chine, principalement au titre de prochaine la campagne agricole 2020/21 qui débutera en octobre. Les premières indications concernant les importations du mois de juin semblent montrer une très forte hausse des importations chinoises de soja, dépassant les 10 Mt.
L’arrivée des bateaux de soja brésilien en avril et mai a permis à l’activité chinoise de la trituration de reprendre. Un léger effritement des prix du tourteaux de soja a ainsi été observé en juin sur le marché chinois. En ce qui concerne la récolte 2020, l’antenne de Pékin de l’USDA prévoit d’autre part une hausse de la production chinoise de soja de +0,7 Mt à 18 Mt en raison de prix attractifs durant la période de semis et de subventions stables de la part du gouvernement chinois pour cette culture.
Suite à un désaccord avec l’Australie, la Chine a mis en place courant mai une taxe anti-dumping sur les importations d’orge australienne d’un montant de 80,5%. L’Australie était habituellement le premier fournisseur de la Chine en orge (50 % des importations totales), majoritairement pour des activités brassicoles. Le pays devrait donc augmenter ses achats auprès de fournisseurs secondaires, comme la France, l’Argentine et le Canada.
Des prix et des importations en hausse
Par Manon Sailly
Le développement du Coronavirus, d’abord en Chine puis à l’ensemble du globe, a engendré une forte volatilité des cours matières premières pour l’alimentation animale. Les craintes d’un ralentissement de la croissance économique mondiales ont fortement impacté les bourses internationales. Cela a, dans un premier temps, joué à la baisse sur les cotations des matières premières, grains compris, face à des perspectives d’une baisse de la demande. Depuis, les fondamentaux de chaque marché ont repris le dessus. Les cours mondiaux du blé ont rebondi face à une demande internationale dynamique et des incertitudes climatiques (UE, mer Noire, USA) auxquelles viennent d’ajouter une forte réduction des surfaces en Europe (France et Royaume-Uni). Les prix mondiaux du maïs subissent quant à eux la dégringolade des cours du pétrole qui perturbe fortement la filière éthanol. Ce secteur représente près d’un tiers des consommations de maïs aux Etats-Unis. Pour la fève de soja, la récolte record au Brésil (124,5 Mt) pèse sur les prix.
En Chine, alors que l’épidémie battait son plein au 1er trimestre 2020, le pays a importé 17,8 Mt de fève de soja selon les données des Douanes. Malgré des problèmes logistiques en Chine en février et au Brésil en mars (de fortes pluies ainsi que des mesures mises en place pour contrôler la propagation du Coronavirus ont perturbé les chargements portuaires), ainsi que l’embargo argentin ce même mois, ces volumes sont supérieurs de 6 % à ceux importés en 2019 – en pleine crise commerciale avec les Etats-Unis – mais inférieurs à ceux de 2018 pour la même période (-10 %). L’incidence de l’accord commercial sur les produits agricoles, signé en janvier avec les Etats-Unis, est clairement visible sur l’origine du soja importé. En effet, 44 % du soja importé par la Chine au 1er trimestre 2020 provient des USA, contre seulement 15% en 2019. La part de marché du soja américain dans les importations chinoises ne retrouve cependant pas le niveau d’avant le conflit (63 % sur les trois premiers mois de 2018). Mais ces volumes semblent à peine suffire à la demande nationale : début avril, COFCO a ainsi puisé 500 000 tonnes de soja issues des réserves nationales pour compenser les moindres volumes importés.
Au premier trimestre, les importations chinoises de soja restent toutefois supérieures à celles de 2019 (+6,2% selon les premières annonces gouvernementales).
En Chine, la réduction des activités portuaires et industrielles, liée au confinement des travailleurs et à la fermeture de très nombreux commerces, a d’abord perturbé l’approvisionnement du marché chinois de l’alimentation animale jusqu’au début du mois de mars, avant une reprise progressive de l’activité. La demande est ensuite revenue alors que les moindres importations en mars ont entraîné une forte baisse des stocks en tourteau de soja dans le pays par rapport à l’an dernier. Les prix de tourteau de soja sur le marché de Dalian ont ainsi augmenté jusqu’à la fin de mois de mars (+8% par rapport à début mars), en hausse de 18% par rapport à fin mars 2019, avant de se replier début avril.
En ce qui concerne le maïs, contrairement aux cotations internationales qui pâtissent qu’un manque de demande, les prix comme les importations sont désormais en hausse en Chine, signe d’une tension sur le marché intérieur. En effet, le Covid-19 a causé des perturbations conséquentes des flux logistiques entre les différentes provinces et certaines régions chinoises ont connu des difficultés d’approvisionnement. Ainsi, les stocks des entreprises industrielles et d’alimentation animale sont en recul d’une année sur l’autre. Ainsi, les entreprises cherchent actuellement a reconstitué leurs stocks ce qui induit une demande en céréales supérieure à celle de 2019 au départ des principales zones de production nationale. En outre, la date de début des ventes aux enchères des stocks publics de maïs n’a pas encore été annoncée. En conséquence, les prix progressent rapidement depuis le début de l’année, affichant en moyenne nationale des niveaux 7% plus élevés qu’en 2019 à la même période, et pouvant atteindre +10% /2019 dans les régions productrices du nord-est du pays.
Avec plus de 1,25 million de tonnes importées au 1er trimestre (+27% /2019), les importations de maïs affichent leur niveau le plus élevé depuis 2012, notamment tirées par une mauvaise qualité de la récolte 2019/20. Toutefois, en comparaison avec les volumes produits localement (261 Mt en 2019/20), l’approvisionnement du marché chinois reste peu dépendant des importations.
Cette tension entre offre et demande pourrait se poursuivre lors de la campagne agricole 2020/21, l’antenne de l’USDA basée à Pékin prévoyant une baisse de la production chinoise de maïs de 4% (250 Mt). Les surfaces semées sont similaires à l’année précédente, mais les rendements sont attendus en baisse en raison de la présence accrue de ravageurs (chenille légionnaire). Selon ces estimations, la demande pourrait être supérieure à la campagne 2019/20, notamment face au dynamisme du secteur avicole. Le maïs est de loin la céréale la plus utilisée en Chine pour la nutrition animale : elle représente 88% des besoins en céréales pour ce secteur. Pour la campagne agricole à venir, les services de l’USDA à Pékin prévoient une hausse des importations (+1 Mt) ainsi une augmentation des prix du maïs. L’industrie rapporte que les subventions pour le maïs devraient doubler par rapport à l’année précédente, alors que celles pour le soja devraient rester inchangées.
Le soja reste au cœur des enjeux de l’approvisionnement en grains
Par Manon Sailley
Entre relations commerciales avec les Etats-Unis et FPA, la Chine reste un pays déterminant pour l’évolution des marchés des commodités agricoles, en particulier pour les graines oléagineuses et les tourteaux. En dépit du déclin de la production porcine chinoise, les importations chinoises de soja n’ont pas diminué en 2019. Le développement depuis décembre du Covid-19 et son impact sur l’économie chinoise devraient encore davantage perturber l’équation.
Etats-Unis et Chine signent un armistice dans leur guerre commerciale
Après plus d’un an et demi d’escalade tarifaire entre la Chine et les États-Unis, un accord commercial semble enfin avoir été trouvé sur les produits agricoles (« Phase 1 »). Annoncé dès décembre, le texte a été signé le 15 janvier 2020, mais jugé décevant par les exportateurs américains en comparaison aux premières annonces. En effet, les chiffres de décembre mentionnaient des achats chinois en produits agricoles américains de l’ordre de 40 à 50 milliards de dollars en 2020, alors que le texte final stipule une valeur de 36,5 milliards d’euros. Ce serait toutefois une augmentation de 12,5 milliards d’euros de dépenses chinoises par rapport au niveau de 2017, avant le début du conflit. Un autre aspect du texte a altéré l’optimisme des exportateurs américains. Il est mentionné que les volumes importés « dépendront des conditions de marché », en d’autres termes qu’il n’y aura pas d’accès privilégié des marchandises américaines au marché chinois par rapport aux exportateurs concurrents.
Le soja reste au cœur des enjeux puisqu’il représentait près de 60% des 24 milliards de dollars de produits agricoles américains importés par la Chine en 2017. D’autres matières premières végétales américaines devraient pouvoir tirer profit de la résolution du conflit, en particulier les drèches de maïs (« DDGS »), le sorgo et le blé, mais les volumes et montants en jeu ne sont pas comparables à ceux du soja.
Soja : les volumes importés n’ont pas baissé en 2019
Contre toute attente, les importations de soja par la Chine en 2019 n’ont pas baissé par rapport à 2018, en dépit de la décapitalisation porcine en raison de l’aggravation de l’épidémie de FPA en 2019. Ainsi, les importations de cette graine oléagineuse totalisent 88,5 Mt en 2019 contre 88 Mt en 2018.
Le Brésil est resté le premier fournisseur de la Chine en fève de soja (58 Mt), mais a perdu des parts de marché (66 Mt en 2018) au profit de l’Argentine (8,8 Mt) qui a retrouvé sa capacité d’exportation de fèves, après une récolte 2018 fortement impactée par la sécheresse. Les volumes de soja étatsunien achetés par la Chine ont été similaires à ceux de 2018 (17 Mt), mais sont demeurés bien inférieurs à ceux d’avant le conflit commercial (33 Mt en 2017). Soulignons que l’origine russe, parfois citée comme source de diversification des approvisionnements chinois, n’a représenté que 0,8 % des volumes importés par la Chine en 2019 (0,7 Mt).
A l’inverse, les importations de tourteau de soja ont encore reculé de 58 % en 2019, et deviennent totalement marginaux à 9 500 t. La quasi-totalité des besoins en aliments du bétail sont toujours comblés par des tourteaux de soja produits localement à partir de graines importées.
Un fort rebond des importations au 2ème semestre 2019
2019 s’est déroulée en deux temps. Sur les 7 premiers mois de l’année, les volumes importés ont été en repli par rapport aux années précédentes. Ensuite, des volumes conséquents ont été importés durant la seconde moitié de l’année 2019 (août à décembre), revenant tout près des niveaux de fin 2017 (avant le conflit commercial avec les USA et le développement de la FPA).
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour tenter d’expliquer ce retour de la Chine aux achats de soja malgré la dégringolade du cheptel porcin.
La première hypothèse relève du contexte diplomatique. En effet, le marché chinois est approvisionné en soja par des fournisseurs différents selon les périodes de l’année. Cette saisonnalité est en phase avec les périodes de récolte des pays exportateurs, après septembre aux Etats-Unis et à partir de mars en Amérique Latine. Ainsi, la Chine s’approvisionne majoritairement auprès des Etats-Unis à partir d’octobre. Fin 2018, le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine avait poussé les opérateurs chinois à bouder l’origine étatsunienne, conduisant à de faibles volumes importés en novembre et en décembre. Cela n’a pas été le cas fin 2019, période durant laquelle les achats de soja étatsunien ont nettement repris. Il s’agissait peut-être pour la Chine d’un moyen de montrer sa bonne volonté dans les négociations avec les Etats-Unis sur le commerce agricole.
Deuxième élément d’explication, la Chine est également une grande consommatrice d’huile de soja pour l’alimentation humaine, coproduite lors de la trituration de la fève de soja. Environ 16 Mt d’huile de soja sont consommées chaque année en Chine (moyenne des 3 dernières années), soit près de 30 % de la consommation mondiale de cette huile. La reprise des importations de fèves de soja pourrait aussi s’expliquer par une baisse des stocks chinois d’huile de soja qui aurait nécessité un réapprovisionnement en fin d’année, surtout dans un contexte de prix élevés des autres huiles végétales en fin d’année 2019 (huile de palme en particulier). Les importations d’huile de soja ont aussi bondi (+50% /2018), mais le volume importé en 2019 (0,8 Mt) ne représentait qu’une infime partie des besoins du pays.
Ainsi, dans l’hypothèse où l’activité chinoise de trituration se serait reprise en fin d’année 2019, se pose la question du débouché des tourteaux de soja produits. Faute de demande de la part de la filière porcine (FPA), il semble probable que des stocks conséquents de soja et de tourteaux de soja se soient accumulés. Par ailleurs, il est aussi envisageable qu’une part des excédents de tourteau ait été captée par le développement des autres filières animales (volailles principalement, aquaculture mais peut-être aussi bovins lait).
D’autre part, les autorités chinoises ont également pu vouloir reconstituer leurs stocks, mis à mal par 18 mois de guerre commerciale avec les Etats-Unis.
Enfin, la chute du cheptel porcin chinois a été stoppée au dernier trimestre 2019. Faut-il ainsi voir le regain d’achat chinois de soja comme un indicateur avancé de la reprise de la production de porc en Chine ? Néanmoins l’officialisation de l’épidémie de Covib-19 par les Autorités chinoises mi-janvier et les mesures de confinement prises handicapent largement l’approvisionnement des élevages dans plusieurs régions, de même que la sortie des porcs finis.
Pour le moment, il est difficile de hiérarchiser les raisons possibles à ce regain d’importation en fin d’année. Le développement actuel du coronavirus dans le pays ajoute bien évidemment à la complexité à la lecture du marché chinois. En effet, l’économie chinoise est encore fortement ralentie par l’épidémie (usines, bureaux et commerces fermés, logistique bloquée, déplacement et consommation des ménages limitées…) ce qui devrait engendrer une dégradation du PIB du premier trimestre 2020 selon les analystes économiques. Les besoins en matières premières pourraient donc être impactés à la baisse, à l’image du repli significatif de la consommation chinoise de pétrole depuis le début de l’épidémie qui a causé une baisse notable des cours mondiaux. La durée de la crise est cependant encore difficile à appréhender, tout comme la capacité de la Chine à rebondir à la suite de cet épisode sans précédent.
Entre la mi-novembre et fin janvier, le prix du tourteau de soja sur la bourse d’échange de Dalian a perdu 8%, avant de stabiliser au niveau de son cours de mai 2019.
Forte hausse des importations chinoises de tourteaux de tournesol
La stratégie de diversification des sources d’apports protéiques pour l’approvisionnement de secteur chinois de l’alimentation animale a été mise à mal par un autre différent diplomatique. A la suite de l’arrestation d’une haute dirigeante de l’entreprise chinoise Huawei par les autorités canadiennes en vue d’une extradition vers les Etats-Unis, la Chine mis un frein aux importations de canola canadien (type de colza d’hiver canadien). Celles-ci sont passées de 4,75 Mt en 2018 à seulement 2,7 Mt en 2019 (- 43%).
En parallèle, la baisse des importations de canola a été compensée par une forte augmentation des importations de tourteau de tournesol, passant de 0,4 Mt en 2018 à 1,45 Mt en 2019. La quasi-totalité de cette matière première provient d’Ukraine, où la récolte de graine de tournesol a été record en 2019.