Les leviers de la décarbonation des élevages en France

Quels sont les leviers de réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) pour les élevages et quels sont leurs potentiels ? Comment les mettre en œuvre, pour atteindre les objectifs à 2050 et créer un élevage plus résilient et durable ?

ABCIS a organisé une conférence de restitution des éléments clés de l’étude conduite sur cette problématique pour le Crédit Agricole.


Consultez la synthèse de l’étude

La Chine face aux crises sanitaires

Les conséquences de l’IAHP en Chine

La première épidémie de grippe aviaire en 1997 a fortement affecté l’aviculture chinoise. Le virus H5N1 IAHP a été repéré à la suite de la mort de 6 personnes à Hong Kong entre mai et décembre. Entre le 29 et le 31 décembre, 1,5 millions de poulets ont été abattus pour endiguer l’épidémie (Chan 2002). Cette crise provoquera un premier fléchissement de la croissance de la production avicole chinoise (+3% par an, contre +10% auparavant) du fait d’une baisse des investissements et d’une défiance d’une partie des consommateurs chinois.

Le virus H5N1 IAHP a ré-émergé en Chine en 2003 avant de se répandre rapidement dans toute l’Asie du Sud-Est[1] entre 2004 et 2005, puis en Europe et jusqu’en Afrique du Sud. Les volailles d’élevage étant abattues lorsqu’un foyer est identifié, les capacités de productions des pays considérés (dont la Chine) ont été très impactées.

A la suite de cet épisode, d’autres virus IAHP sont régulièrement identifiés en Chine. En 2013, c’était le cas de H7N9, qui est activement surveillé. La Chine n’est toujours pas indemne des IAHP : au premier semestre 2020 ce sont 6 foyers qui ont été identifiés par le ministère chinois de l’Agriculture et déclarés à l’OIE.

Les autorités vétérinaires sont bien conscientes de cette situation. La Chine est dotée d’un programme de vaccination nationale des élevages pour les virus H5 et H7[2]. Cette stratégie pose des risques, notamment de circulation à bas bruit du virus, mais le rapport coût bénéfice a été jugé favorable dans un contexte avicole chinois marqué par une succession d’épidémies d’influenza aviaire entre 2013 et 2017.

Mais l’influenza aviaire peut également avoir des conséquences pour la Chine, lorsqu’elle émerge hors de Chine.

Ainsi, en février 2004, un virus H5N2 IAHP a été repéré aux États-Unis. La Chine a alors appliqué, une interdiction d’importation de produits avicoles en provenance des États-Unis. Les États-Unis étaient le premier fournisseur de la Chine, et les possibilités de report relativement limitées à l’époque. Ainsi, les importations chinoises de viande de volailles sont passée de 763 kt en 2003 à 220 kt en 2004.

Suite à cela, la Chine a cherché à diversifier son approvisionnement en viande de volailles de zones indemnes de l’IA, en augmentant ses importations d’Amérique du Sud, en particulier du Brésil. Elle n’avait cependant pas assez anticipé sa dépendance à la génétique, quasi-monopole des États-Unis, ce qui lui posera des problèmes en 2015.

Cette année-là, un foyer de grippe aviaire est identifié aux États-Unis, tel que la Chine en interdit l’importation des produits avicoles, dont les reproducteurs. Cela a entrainé une rupture d’approvisionnement brutale de poussins Gallus reproducteurs, essentiels aux élevages industriels (Figure 1). Or, ceux-ci étaient devenus partie intégrante de l’alimentation d’une partie des Chinois.

Une fenêtre d’opportunité pour l’export de la génétique française s’est ouverte, jusqu’à ce que l’hexagone subisse également une interdiction d’exportations vers la Chine pour cause d’un virus IAHP en fin d’année 2015.

En Chine, la solution de court terme a été de pratiquer des mues sur les poules reproductrices, c’est-à-dire relancer le cycle de ponte par un jeûne. Cela permet de maintenir la production, mais les poussins produits ont alors des performances techniques et sanitaires dégradées. Dans les élevages chinois, les baisses des performances techniques liées à ces défaillances ont été visibles jusqu’en 2018.

Figure 1 : Exportations de poussins gallus reproducteurs vers la Chine. Source : ITAVI d’après TDM

Dès 2016, l’approvisionnement chinois en génétique aviaire s’est diversifié autour de plusieurs pays (Espagne, Nouvelle-Zélande, Pologne) indemnes de l’influenza aviaire. Les autorités chinoises soutiennent également le développement d’une production domestique en génétique aviaire.

Ce n’est que fin 2019, que le gouvernement chinois annonce successivement une réouverture du marché pour la France[3] et les États-Unis, tant pour la viande que pour la génétique. En 2021, les Etats-Unis sont redevenus le premier exportateur de génétique de poulet vers la Chine, aux dépens surtout de la Nouvelle-Zélande.

En parallèle, des scandales sanitaires ont aussi ébranlé la confiance pour les produits chinois (Le Figaro, 2014). Ainsi, sur cette période, la production de viande de volaille en Chine n’a pas suivi la même progression que celle de la demande totale en viandes, en forte hausse.

La consommation de viande de volailles en Chine est aussi influencée par la situation des autres filières animales, en particulier la filière porcine et les conséquences de la fièvre porcine africaine (FPA).


Les coronavirus et la Chine

L’épidémie de Covid-19 s’est répandue depuis la Chine à partir de décembre 2019 (principalement dans la province du Hubei) et s’est rapidement transformée en une pandémie aux multiples conséquences, notamment pour la production de volailles de chair.

Début 2020, les restrictions sanitaires appliquées par la Chine pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ont rapidement affecté la chaîne de production à tous les niveaux : transports d’alimentation animale et d’animaux finis perturbés, abattoirs en baisse d’activité, ralentissement voire arrêt des opérations de déchargement aux ports…

Les élevages de volailles de la province du Hubei (500 millions de volailles abattues/an) ont dû faire face dans le meilleur des cas à une chute vertigineuse de leurs marges et plus souvent à la destruction immédiate des animaux, en l’absence de stocks d’aliments ou de possibilité d’enlèvement des lots. Selon l’USDA, la production de viande de poulet aurait baisse de 21 % au premier trimestre 2020.

En 2020, plusieurs marchés export vers la Chine ont été fermés ou ralentis en raison de perturbations sur la chaîne logistique (absence de personnel pour décharger les conteneurs, rotations de camion plus lentes…). Néanmoins une hausse des importations chinoises de viande de volaille est constatée au premier trimestre 2020 (+ 26 %).

En Chine, avec le relâchement des restrictions sanitaires à partir de la mars 2020, le prix du poussin est reparti à la hausse et les industriels ont bénéficié de soutiens financiers de l’État pour relancer la production. Ce contexte de prix met en avant des perspectives à moyen terme toujours favorables pour la production avicole, en substitution de la viande de porc, sous réserve d’une certaine stabilité du système sanitaire dans les prochaines années (influenza aviaire et coronavirus).

La priorité donnée au sanitaire depuis la crise de la Covid-19 pourrait également avoir un impact de long terme sur la consommation de viande de volailles. Le 3 juillet 2020 a été annoncée la suppression (progressive) de l’abattage et la vente d’animaux vivants sur les marchés alimentaires en Chine. (La France Agricole, 2020). C’est une mesure importante, déjà exprimée par le passé, mais qui avait fait face à une forte résistance. Car si le poids des marchés traditionnels dans les achats d’aliments frais est en recul depuis une vingtaine d’années, ils représentaient encore près de la moitié des achats d’aliments frais en 2018 (McKinsey, 2019). Ces achats vifs correspondent à un marché alimentaire encore fondé sur l’économie informelle et réduisent la nécessité de respect de la chaîne du froid.

Au-delà du SARS-CoV2, il ne faut pas négliger les risques liés aux autres coronavirus présents en Chine. Déjà entre 2002 et 2004, un coronavirus originaire de Chine (identifié comme SARS-Cov, ou SARS en France) avait échappé aux dispositifs de surveillance épidémiologique et entrainé plusieurs centaines de morts dans une trentaine de pays. Les marchés d’animaux sauvages et l’empiètement des villes sur des zones peuplées d’espèces porteuses de coronavirus (chauves-souris en particulier) sont notamment des facteurs de risques d’émergences d’épidémies.

Impact des crises sanitaires sur la production et consommation en volaille en Chine

Bilan de production et consommation de la viande de poulet en Chine – (USDA, 2022)

(millions de tonnes)20182019202020212022*
Production11,713,814,614,014,3
Import0,350,581,000,90,8
Export0,450,430,390,430,46
Consommation11,614,015,214,514,6
* Prévisions USDA

La crise de la FPA (Fièvre Porcine Africaine) a débuté en 2018. Une des conséquences a été la hausse significative des importations chinoises en viandes de volailles. La demande a été particulièrement dynamique sur les découpes avec os, pattes et abats. Ces achats ont majoritairement profité aux fournisseurs historiques (Brésil), aux entreprises asiatiques partenaires de groupes chinois (WH Group, thaïlandais CP Group) et au retour des Etats-Unis.

Entre 2018 et 2020, le premier fournisseur de la Chine était le Brésil (env. 50 %), suivi des États-Unis (env. 25 %) et de l’Union européenne (env. 10 %). La croissance de la demande s’est surtout faite sur les découpes congelées avec os (ailes), en provenance du Brésil et de Thaïlande.

Figure 2 : Importations chinoises de viandes et préparations de volaille – source : ITAVI d’après TDM

L’année 2020 a été l’occasion d’un pic de consommation et d’importation de poulet en Chine. Si les restrictions liées à la pandémie ont pu jouer un rôle dans la modification des habitudes de consommation (fermeture de la restauration hors domicile), c’est surtout l’augmentation du prix du porc (réduction de l’offre consécutivement à la FPA) qui a entrainé un report des achats de viande vers la volaille.

À l’inverse, en 2021, c’est l’augmentation de la production domestique de porc qui a affecté la filière volaille. D’une part, car le prix de la viande a baissé dans tout le pays, et que les consommateurs chinois sont revenus à la viande de porc. D’autre part, car le prix de l’alimentation animale a fortement augmenté par rapport à 2020, affectant la rentabilité des élevages avicoles de petites et moyennes dimensions (notamment ceux qui s’étaient convertis suite à l’abattage de leur cheptel porcin). Comme pour le porc, une partie de ces élevages devraient disparaitre au profit d’exploitations plus grandes et plus spécialisées.

À plus long terme, la consommation de ces volailles traditionnelles issues d’élevages de petites ou moyennes dimensions sera impactée par la suppression (progressive) de l’abattage et la vente de volailles vivantes sur les marchés alimentaires ; et par l’essor des souches hybrides, plus adaptées à des filières d’abattages organisées (homogénéité et effectifs les lots, performances techniques).

D’autres facteurs, liés à la consommation domestique devraient attirer les consommateurs chinois vers la volaille. Dans les villes, la hausse brutale des achats alimentaires en ligne et l’augmentation des achats en restauration hors domicile (estimé entre 15 % et 20 % de la consommation de volailles en Chine) pourrait favoriser à terme les découpes désossées, et donc la filière poulet blanc au détriment des filières de poulet traditionnel. La volaille est également considérée plus saine que les autres viandes, critère qui devient de plus en plus important pour une partie des consommateurs chinois.

En 2022, les importations ont été limitées par le retour de la viande de porc et l’augmentation de la production domestique en poulet blanc et poulet hybride. Selon les données douanes, la Chine a importé 13 % en moins de viande de poulet en 2022, la baisse touche principalement des découpes congelées (-32 %).

La volaille d’importation, sur laquelle s’étaient reportés une partie des consommateurs chinois, devrait attendre quelques années avant de retrouver son niveau historique de 2020.

Peu développées, les exportations chinoises de volailles existent et croissent peu à peu sur les découpes désossées et les préparations à destination de Taïwan (env. 30 % des exportations chinoises en volumes), du Viêt-Nam (env. 30 %) et du Japon (env. 23 %). En décembre 2019, la Chine a également obtenu le droit d’exporter des plats préparés à base de volaille vers les Etats-Unis.

La place de la Chine sur le marché de la volaille ne doit pas être surestimée. La baisse de demande chinoise ne devrait empêcher ni le Brésil d’atteindre son record d’exportations en 2022, ni la croissance de l’import-export international de poulet (de plus 3% en 2022, selon l’USDA). L’instabilité pour les marchés provient surtout des nombreux foyer d’IAHP à travers le monde (ECDC, 2021), qui contraignent la production des exportateurs. Cette diminution de l’offre risque de s’accompagner d’une hausse des coûts, au profit de la production domestique chinoise.

Conclusion

Depuis 2000, la demande en viande de volailles de la Chine évolue au rythme de crises sanitaires (aviaire, porcines, humaines, en Chine ou ailleurs), de l’élévation du niveau de vie, des changements d’habitudes de consommation, et des priorités des autorités chinoises. Les crises sanitaires (en Chine ou ailleurs) et leur gestion ne vont pas mettre un terme à la consommation de volailles en Chine, mais complexifient les investissements dans le secteur et la visibilité des exportateurs souhaitant accéder à ce vaste marché en croissance.

Désormais, la consommation de volailles en Chine est d’environ 12 kg par habitant. Le type de volaille concerné varie beaucoup selon la catégorie socio-culturelle. Par exemple, les urbains se tournent de plus en plus vers le poulet blanc issus d’exploitations industrielles de grande dimension.

Il existe une offre domestique importante, puisque depuis les années 80, la production chinoise s’est fortement industrialisée. Ce processus devrait se renforcer dans les prochaines années, sous l’impulsion des autorités pour qui l’enjeu sanitaire rejoint celui de l’autosuffisance alimentaire.

L’année 2020, a été marquée par l’épidémie de COVID-19 qui s’est répandue depuis la Chine à partir de décembre 2019 (principalement dans la province du Hubei). Pour les filières volailles, l’année 2020 a surtout donné lieu à un pic de consommation lié aux perturbations de la FPA sur les filières porcines (moins d’offre, prix plus élevé, report sur la volaille).

Les autorités renonçant à certaines restrictions ont favorisé l’importation de viandes, même si celles-ci n’ont pas réussi à répondre entièrement au très large déficit de protéines animales de 2019 à 2020. Les importations ont quasiment doublé en un an, au profit des exportateurs bien implantés (acteurs brésiliens et asiatiques) et des États-Unis, de retour après 5 ans de restrictions.

L’année 2021 a vu la viande de porc récupérer sa part dans la consommation des ménages, ou presque. Car la volaille bénéficie d’une image de viande plus saine pour les consommateurs chinois, qui par ailleurs, consomment de plus en plus de poulet blanc dans la restauration hors domicile, la livraison et les produits élaborés. À long terme, la production de volailles chinoise devrait évoluer vers une consolidation des filières, notamment autour de la maitrise des outils d’abattage et l’accroissement des capacités de stockage qui prendront le pas sur la vente d’animaux vifs. Pour les exportateurs, le marché chinois représentera toujours un moyen de valoriser la partie de la carcasse qui n’est pas consommée par les occidentaux. C’est aussi un marché dynamique pour la génétique, qui fait l’objet d’une attention particulière des autorités, et où il n’est pas exclu que des acteurs chinois deviennent exportateurs.


[1] Certains observateurs considèrent désormais H5N1 comme endémique à la sous-région Asie du Sud-Est.

[2] Contrairement à l’Union européenne qui mise pour l’instant tout sur la biosécurité, notamment pour des questions commerciales (standard d’exportations, notamment pour la génétique).

[3] En 2020, la France subit un nouvel épisode de grippe aviaire à l’automne. Le pays sera déclaré indemne en septembre 2021. Mais un premier foyer en novembre 2021 lui fait perdre ce statut. A noter que le virus de ces vagues (H5N8) a d’abord été détecté en Irlande dans les années 80, même s’il est également présent en Chine.

La pression sociétale commence à peser sur les modes d’élevage

Les modes de production des produits agricoles sont un des aspects les plus critiqués par les consommateurs chinois. Les réprobations concernaient surtout les conséquences sanitaires poussant divers secteurs de l’industrie alimentaire chinoise à se distancier des nombreux scandales liés à la sécurité et à la qualité et à prendre des mesures fortes.

Récemment, les initiatives se sont étendues à la production d’oeufs, qui continue d’avoir mauvaise réputation suite à divers alertes en matière de sécurité sanitaire notamment liées l’utilisation d’antibiotiques ; alors que la Chine est le 1er producteur mondial avec 40% des volumes. Ces problèmes ont entraîné une augmentation significative de l’intérêt des consommateurs pour les œufs produits en bâtiment sans cage dans le pays. Une étude de 2021 a révélé qu’environ 75 % des consommateurs chinois sont plus enclins à acheter auprès de marques qui utilisent des œufs sans cage, et 67 % pensent que les entreprises alimentaires doivent s’engager et respecter l’engagement de s’approvisionner uniquement en œufs sans cage.

Seuls 10 % de tous les œufs produits en Chine seraient des œufs produits sans cage, et 90 % d’entre eux proviendraient de petits producteurs élevés en plein air,

Selon les données de la société de conseil Lever China, plus de 80 entreprises du pays ont pris des engagements en matière d’œufs sans cage à respecter d’ici 2025, 2027 ou 2030, y compris de grands détaillants locaux comme CitySuper, ALDI et Metro et de grandes marques alimentaires comme Unilever, Mondelez et Nestlé.

Le plus gros problème réside dans la défiance de la grande majorité des détaillants, des entreprises de restauration et des multinationales en Chine vis-à-vis de l’authenticité de leurs fournisseurs d’œufs sans cage. Pour rassurer les acheteurs et les consommateurs, des normes et des certifications obligatoires pour pouvoir déclarer ses produits sans cage ont été élaborées fin 2021 pour les œufs produits sans cage, incitant davantage de producteurs d’œufs vers ce mode de production.

Ces initiatives sont soutenues par le gouvernement qui a publié un a publié un guide spécialisé sur la production d’œufs sans cage.

L’inflation et le manque d’offre boostent les importations chinoises en ailes et pattes de poulet

Sur 9 mois 2022, les importations de la Chine en viande de poulet ont reculé de -3,3 % du fait d’une baisse des imports en provenance des États-Unis (-16 %) et du Brésil (-5,4 %). L’évolution par type de produit importé reste très contrastée car l’offre en local ne suit pas la demande en hausse. Ainsi, les importations de pattes et ailes de poulet ont progressé respectivement de 6 % et 5 % sur 9 mois 2022 ; les deux produits couvrent 78% des importations totales de poulet en 2022 contre seulement 72 % en 2021. Cette tendance est la conséquence de l’inflation qui touche particulièrement la viande de porc accélérant un report sur des découpes de poulet moins chères.

Par origine, le Brésil, malgré la baisse de ses exports de poulet vers la Chine (-5 %), a augmenté celles des ailes et pattes (+ 5 %). D’autres pays ont pu renforcer leurs échanges avec la Chine, dans un contexte géopolitique et sanitaire tendu, à l’image de la Russie (+ 15%), la Biélorussie (+ 126%) et la Turquie (+ 210%).

En génétique, les importations chinoises en parentaux ont connu une baisse de -47 % sur 9 mois 2022. Après la baisse enregistrée depuis le début d’année en provenance de la Nouvelle-Zélande (- 82 %), c’est en provenance des États-Unis que les importations commencent à chuter sur le 3ème trimestre 2022 (- 80 %) sur le fond de la grippe aviaire.  Cela aurait des conséquences majeures sur la production chinoise de poulet en 2023 avec un rebond potentiel des importations.

Stagnation de la production avicole chinoise en 2023 malgré une consommation en croissance

D’après le Journal Les Marchés, la production chinoise de viande de volaille devrait stagner à 14,3 millions de tonnes l’année prochaine malgré une hausse de la consommation intérieure de poulet de chair de 1%. Cette hausse de la consommation devrait principalement concerner le poulet à chair blanche, moins onéreux que le poulet à chair jaune.

Les importations (hors pattes) devraient atteindre 750 millions de tonnes pour 2023, même si la Chine continuera de freiner ses importations en raison des inquiétudes liées à l’influenza aviaire hautement pathogène aux Etats-Unis. Ces derniers sont le second exportateur de produits à base de volaille en Chine.

Les exportations seraient également en hausse (+5%) à destination de Hong-Kong et du Japon principalement.

La consommation de volaille en Chine

Comme les Chinois sont fiers de le rappeler, la domestication du Gallus gallus a eu lieu en Asie du Sud-Est il y a environ 8 000 ans. L’aviculture est donc très ancienne sur le territoire chinois, mais était restée une activité d’appoint mineure pour les villages ruraux. En République Populaire de Chine (RPC ou Chine), il existe d’abord quelques fermes avicoles d’État de taille commerciale à proximité des villes. Mais ce n’est qu’à partir du début des années 80 qu’une partie de la production de volaille va s’industrialiser à la faveur des réformes successives vers une économie de marché. Des entreprises privées, constituées d’une nouvelle génération de managers formés à la zootechnie et aux sciences vétérinaires, vont développer une aviculture industrielle mobilisant des souches hybrides (importées des Etats-Unis principalement), des vaccins et des nouvelles technologies et connaissances en alimentation animale et zootechnie.

Si la production de volailles de chair se fait parallèlement à l’augmentation de la population chinoise (+ 430 millions de personnes depuis 1980), les importations restent essentielles pour répondre à la demande croissante du marché intérieur. Cette dépendance aux importations est, comme pour les autres productions agricoles, perçue par les dirigeants chinois comme une menace par le pouvoir qui poursuit l’objectif millénaire des dirigeants chinois : l’autosuffisance alimentaire. En ce sens, plusieurs décisions politiques (aides publiques à l’industrie, politiques de soutien des prix et taxes à l’importation) ont soutenu le développement des capacités de production.

Depuis 30 ans, l’augmentation des revenus a modifié les habitudes de consommation des Chinois et favorisé la demande en protéines animales. La consommation de viande de poulet a fortement progressé (environ 14kg / hab en 2020, x6 depuis les années 90), bien que marquée depuis plusieurs années par des crises sanitaires successives en Chine et ailleurs dans le monde.

Face aux évolutions récentes de la production, du commerce et de la consommation de volailles, il est légitime de se demander dans quelle mesure la Chine est devenue un facteur de déstabilisation des marchés mondiaux des produits avicoles.

Les données disponibles pour étudier les productions agricoles et agroalimentaires en Chine sont partielles et souvent indirectes. Il existe plusieurs sources statistiques nationales. Les données sur les prix intérieurs sont relativement précises, tandis que les données de production et de consommation doivent être recoupées avec d’autres sources afin de reconstituer des ordres de grandeurs, les tendances et les profils des consommateurs.

Ce travail se repose donc également sur les publications de l’USDA (United States Department of Agriculture), de Chatham House, de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations), de l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale), de TDM (Trade Data Monitor), de Eurostat ainsi que d’articles de presse spécialisées, de rapports publiés par des industries avicoles et des analyses du bureau d’études ABCIS.

Consommation de volaille en Chine et besoins d’importations.

La volaille est la deuxième viande consommée en Chine à hauteur de 21 Mt en 2018 (environ 20 % de la consommation mondiale) contre 56 Mt pour le porc (environ 50 % de la consommation mondiale).

Entre 2012 et 2018 (période stable), le taux d’autosuffisance en volailles de chair est estimé entre 96 % et 98 %, soit une balance commerciale déficitaire avec en moyenne 535 kt de produits importés chaque année (1 milliards $ en valeur), pour 225 kt exportés (500 millions $ en valeur). La Chine importe majoritairement des pattes, ailes et abats destinés à l’alimentation humaine. En effet, les préférences de consommation des Chinois sont opposées à celles des occidentaux, centrés sur la consommation de filets. La Chine exporte des préparations et produits élaborés, en particulier vers ses voisins asiatiques à haut revenu (Japon, Hong-Kong, Corée du Sud). Mais il est difficile d’estimer la part et les morceaux de viande de volailles dans ces préparations.

Cela se traduit dans le prix des produits de découpe : en Chine, le prix des filets au kilo est environ 30 % inférieur à celui des cuisses, et 70 % inférieur à celui des ailes. Pour les exportateurs, la Chine, en étant complémentaire des autres destinations, permet de valoriser l’ensemble des morceaux de la carcasse.

Les espèces avicoles produites en Chines

En Chine, la production de volailles de chair se distingue en quatre principales filières :

  • Poulets de souches colorées (issus de productions traditionnelles mais qui s’industrialisent, achetés vifs ou entiers), 22% ;
  • Poulets blanc (production industrialisée dédiée à la découpe, achetés au détail), 33% ;
  • Poulets issus de souches hybrides (compromis entre qualité gustatives et performances techniques), 4% ;
  • Palmipèdes (surtout le canard pékin), 27%.

Les poulets de souches colorées (jaune en particulier), sont le produit d’élevages traditionnels. Ces souches locales (plus de 150 types différents) sont vendues en vif sur les marchés, en supermarchés et consommées entières, notamment par les catégories aisées et dans un cadre festif.

Le poulet blanc, particulièrement adapté pour la découpe est vendu principalement dans les enseignes de distribution, type grandes et moyennes surfaces (GMS) et en restauration hors domicile (RHD). La zone de production privilégiée se situe au Nord-Est de la Chine dans la province du Shandong et dans les régions limitrophes.

Les souches de poulets hybrides, se développent depuis quelques années, car elles présentent des performances techniques améliorées et des qualités gustatives plus proches du poulet jaune. Ces souches (notamment la souche 817 Crossbreed chicken, 817C) font l’objet d’une recherche scientifique intensive. Leur développement pourrait rapidement modifier la structuration du marché.

Les productions de palmipèdes constituent également une part importante de la consommation de volaille en Chine, avec le canard pékin, plus souvent commercialisé entier dans le Nord de la Chine et préparé sous forme de langues, pattes et cous dans le Sud.

Structure des exploitations chinoises productrices de volaille

En 2018, les autorités chinoises recensaient 19 millions d’exploitations avicoles. L’immense majorité (98 %) est constituée de petites exploitations produisant moins de 2 000 volailles / an, correspondant à une agriculture vivrière. Celle-ci est estimé à environ 10% de la production de volaille de chair du pays.

Les fermes de plus de 50 000 volailles produites par an représentaient en 2018 environ 50% de la production nationale (contre 30% en 2010). Cette croissance correspond à des élevages de 100 000 à 500 000 têtes, mais également à de très grands élevages de plus d’un million de têtes par an. A titre de comparaison, une exploitation avicole française produisant du poulet standard dans 2 bâtiments de 1 200 m2 produit environ 350 000 poulets / an.

Le secteur de l’abattage-transformation de volailles reste faiblement concentré avec les dix premières entreprises représentant 32 % de la production de volaille (en 2018). Cependant, la concentration sectorielle pour les entreprises produisant du poulet blanc est plus élevée avec les sept premières entreprises correspondant à près de la moitié du chiffre d’affaires.

Les filières organisées se structurent autour de contrats de production réalisés entre les entreprises et les éleveurs : les entreprises fournissent les intrants (poussins, aliments, produits vétérinaires) à un prix donné, et les éleveurs engraissent les animaux pour les vendre au prix fixé dans le contrat.

Les entreprises produisant du poulet jaune revendent généralement les poulets en vif sur les marchés traditionnels à travers des centres de collecte d’animaux. Par exemple, le producteur Wen’s n’abat que 10% des poulets qu’il produit.

Des filières totalement intégrées de la reproduction à l’abattage existent aussi, notamment dans le cadre de la production de poulet blanc. Cette intégration permet de garantir la qualité sanitaire des produits pour des chaînes de restauration commerciale (McDonald’s, KFC…).

Du point de vue des performances techniques, bien qu’il soit difficile de réaliser des estimations précises, il semble qu’il y ait encore un retard de la production chinoise sur la production de poulets blancs. La génétique[1] est l’un des principaux facteurs limitants. En effet, la Chine importe plus de 90 % des parentaux et grand-parentaux en poulet blanc (souches Arbor Acres, Ross, Cobb) ce qui représente une fragilité structurelle.

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La consommation de volailles en Chine est d’environ 14 kg par habitant. Le type de volaille concerné varie beaucoup selon la catégorie socio-culturelle : les urbains se tournent de plus en plus vers le poulet blanc issus d’exploitations industrielles de grande dimension.

Il existe une offre domestique importante, puisque depuis les années 80, la production chinoise s’est fortement industrialisée. Ce processus devrait se renforcer dans les prochaines années, sous l’impulsion des autorités pour qui l’enjeu sanitaire rejoint celui de l’autosuffisance alimentaire.

À long terme, la production de volailles chinoise devrait évoluer vers une consolidation des filières, notamment autour de la maitrise des outils d’abattage et l’accroissement des capacités de stockage qui prendront le pas sur la vente d’animaux vifs. Pour les exportateurs, le marché chinois représentera toujours un moyen de valoriser la partie de la carcasse qui n’est pas consommée par les occidentaux. C’est aussi un marché dynamique pour la génétique, qui fait l’objet d’une attention particulière des autorités, et où il n’est pas exclu que des acteurs chinois deviennent exportateurs.

Du mouvement sur les importations chinoises en génétique avicole

La Chine importe les poussins reproducteurs (grands parentaux) pour sa génétique. Sur les 5 premiers mois de 2022, les importations sont à leur plus bas niveau depuis la FPA, avec une baisse de -26%  par rapport à la même période en 2021. Après avoir perdu cette place, les Etats-Unis redeviennent le premier fournisseur de la Chine en génétique après une absence de plus de 7 ans (+81% 5M 22/21) tandis que la Nouvelle Zélande perd le marché chinois (-90%).

La viande de volaille, baromètre des crises sanitaires en Chine.

Par Jonathan Hercule

L’épidémie de COVID-19 qui s’est répandue en Chine à partir de décembre 2019 (principalement dans la province du Hubei) a coupé l’élan des producteurs de volaille chinois. Si le virus SARS-CoV-2 n’affecte pas les volailles, la filière a doublement subi les perturbations liées aux restrictions sanitaires imposées en Chine depuis trois mois.

Bien avant la crise actuelle, le contexte avicole chinois était déjà marqué par une succession d’épidémies d’influenza aviaire entre 2013 et 2017. Si elle sévit surtout en élevage, elle n’en a pas moins causé plusieurs centaines de morts selon l’OIE, notamment en 2017 (127 décès). Ces crises successives ont ébranlé la confiance des  consommateurs chinois dans la production nationale. Aussi, la production de viande de volaille en Chine n’a pas suivi la même progression que celle de la demande totale en viandes, en forte hausse sur la dernière décenni.

Depuis 2018, c’est une autre crise sanitaire qui frappe la filière porcine en Chine : la fièvre porcine africaine (FPA), qui a conduit à un repli de la production porcine de 21% à 42 Mt en 2019 et pourrait aboutir en 2020 à une division par deux de la production totale chinoise de porc en deux ans. La reprise de la croissance  de production n’est pas attendue avant 2022 selon l’IFIP. Si la hausse vertigineuse des prix du porc constatée depuis le début de la FPA a incité les exportateurs de viande à accroître leurs envois vers la Chine, c’est avant tout par une réorientation de l’offre locale en viande que la Chine cherche à combler son déficit. En raison de son court cycle de production (30 à 80 jours), le report s’est naturellement orienté vers la production de volailles.

Deuxième viande consommée en Chine, la volaille a en effet connu une expansion rapide en 2019 (+ 12,3% en un an pour un volume de 23 Mt), malgré le déficit que connaît le secteur de l’accouvage en parentaux et grand-parentaux, c’est-à-dire la succession de générations de souches de volailles permettant de fournir des poussins en grand nombre pour la production commerciale de poulets.

Sur l’ensemble de l’année 2019, les prix se sont inscrits en nette hausse par rapport à l’année précédente pour le poussin (+ 56%) et le poulet vif (+ 14%), tandis que les prix de l’aliment, notamment du soja, restaient à des niveaux historiquement bas, la perte de production en porc laissant des disponibilités importantes en alimentation animale. Si les statistiques sont manquantes pour la filière canard, des sources industrielles et la presse professionnelle indiquent une évolution similaire.

Les perspectives à moyen terme sur la volaille étant prometteuses, de nombreuses entreprises y ont vu l’occasion de développer la production industrielle, mise à mal par les crises sanitaires répétées.. Aussi les annonces se sont multipliées en 2019, comme pour le leader New Hope Liuhe (9 % de la production chinoise en 2018) qui déclare vouloir faire passer ses volumes d’abattage annuel de 1,3 milliards à 2 milliards de volailles (+ 11 % / an) à horizon 2022. L’annonce de la levée des restrictions commerciales au profit de la France et des États-Unis sur la génétique aviaire en novembre et décembre 2019 a fait baisser les prix du poussin en fin d’année. Cela a contribué à favoriser des mises en place massives de volailles au début de l’année 2020. Des éleveurs de porcs ont parfois même rempli leurs bâtiments avec des canetons lorsque cela était possible.

En début d’année, les restrictions sanitaires appliquées par la Chine pour faire face à l’épidémie de coronavirus ont rapidement affecté la chaîne de production à tous les niveaux : transports d’alimentation animale et d’animaux finis perturbés, abattoirs en baisse d’activité, ralentissement voire arrêt des opérations de déchargement aux ports… Les élevages de volailles de la province du Hubei (500 millions de volailles abattues/an) ont dû faire face dans le meilleur des cas à une chute vertigineuse de leurs marges et plus souvent à la destruction immédiate de leurs animaux, en l’absence de stocks d’aliments ou de possibilité d’enlèvement des lots mis en place. . Selon l’USDA, la production de viande de poulet serait en baisse de 21 % au premier trimestre 2020.

Depuis la mi-mars, la situation semble s’améliorer en Chine avec de moins en moins de cas dépistés, et la région du Hubei, berceau de l’épidémie, est en levée progressive de confinement. Suite à cette embellie, le prix du poussin repart à la hausse et la marge des producteurs progresse tandis que les industriels bénéficient de soutiens financiers de l’État, mettant en avant des perspectives à moyen terme toujours favorables pour la production avicole, en substitution de la viande de porc, sous réserve d’une certaine stabilité du système sanitaire dans les prochaines années.

Ce contexte productif est à mettre en regard des tendances de consommation en Chine. Si le poids des marchés traditionnels dans les achats d’aliments frais est en recul progressif depuis une vingtaine d’années, ceux-ci restent un réseau de distribution incontournable pour le consommateur chinois, avec près de la moitié des achats d’aliments frais durant l’année 2018 selon une étude McKinsey. Le poids de la restauration, estimé entre 15% et 20% de la consommation de volaille en Chine, est toutefois grandissant. Si ce secteur est particulièrement affecté par les restrictions sanitaires actuelles, la recrudescence des achats en ligne, amplifiée par le confinement, pourrait favoriser à terme les découpes désossées, et donc la filière poulet blanc au détriment des filières de vente en vif (poulet jaune).

 

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