Quels produits étatsuniens peut importer la Chine ?

Par Jean-Marc Chaumet

L’accord ne mentionne nulle part la répartition des sommes citées par produits. Les achats chinois dépendront donc de ses besoins et de la capacité des Etats-Unis à fournir les produits demandés.

En 2017, le soja représentait plus de 60% de la valeur des importations chinoises de produits agricoles et alimentaires en provenance des Etats-Unis. Sept groupes de produits (soja, céréales, poissons crustacés, viandes, coton, cuirs, fruits) constituaient près de 90% des achats de la Chine aux Etats-Unis.

Le soja semble donc le premier produit sur lequel peuvent compter les Etats-Unis. Mais deux facteurs risquent de freiner les achats chinois. Tout d’abord la Fièvre Porcine Africaine, qui a fortement réduit le cheptel porcin chinois en 2019 et donc limiter importations de soja proche de leur niveau de 2018 (88 millions de tonnes). L’épidémie est toujours active en Chine et les besoins en soja ne devraient pas retrouver en 2020 leur niveau de 2017. Les Etats-Unis devront donc prendre des parts de de marché au Brésil, dont la part dans les achats chinois de soja est estimée autour de 60%, en valeur comme en volume en 2019, et alors le soja étatsunien doit s’acquitter de droits de douane majorés pour un total de 33%, contre 3% pour ses concurrents. En outre, pour le 1er semestre 2020, la période de commercialisation du soja étatsunien se termine en avril et les acheteurs chinois avaient, pour beaucoup d’entre eux, déjà passé commande à  d’autres fournisseurs avant l’accord, sans compter les difficultés liées à l’épidémie de Coronavirus. Pour respecter l’accord, la Chine pourrait être tentée d’augmenter ses achats à partir de l’automne, au dépend des exportations sud-américaines de 2021.

Les céréales étaient le deuxième poste d’importations, en grande majorité de l’orge, en provenance d’Australie et du Canada, du riz (Vietnam et Thaïlande), du sorgho (majoritairement des Etats-Unis) et du maïs (Ukraine) et du blé (Canada et Etats-Unis). Mais les volumes de blé, riz et maïs sont encadrés par des contingents tarifaires, avec des droits de douane de 1%, au-delà desquels les droits deviennent très élevés (65% pour chaque céréale). Les autorités chinoises ont déjà annoncé qu’elles ne relèveraient pas les plafonds des contingents, fixés à 9,636 millions de tonnes pour le blé, 7,2 millions pour le maïs et 5,32 millions pour le riz. Ces contingents n’ont, depuis l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001, jamais été remplis et les exportations étatsuniennes ont exceptionnellement atteint 2,8 millions de tonnes pour le blé en 2014  et 5 millions de tonnes pour le maïs en 2012.

Les céréales constituent en effet le cœur de la politique de sécurité alimentaire chinoise et le gouvernement chinois a mentionné après la signature de l’accord qu’il prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir l’autosuffisance « absolue » pour le blé et le riz et l’autosuffisance « relative » pour le maïs.

La Chine peut cependant se tourner vers les drêches de distilleries comme vers le sorgho pour augmenter ses achats en provenance des Etats-Unis.

La demande en poissons et crustacés pourrait progresser en Chine, en tant que poste de report de consommation suite à la FPA. Mais les Etats-Unis pourront-ils fournir ? Après une très forte progression au début des années 2000, les envois étatsuniens stagnent depuis 2012, en valeur comme en volume.

Les viandes et abats pourraient représenter une part importante des exportations étatsuniennes vers la Chine. En 2017, les Etats-Unis étaient le 2ème fournisseur de viande, en valeur, de la Chine, derrière le Brésil, avec près de 1,2 milliards de dollars. Une augmentation des exportations s’appuierait sur le déficit chinois en viande porcine qui devrait demeurer à des niveaux élevés, le volume accru de viande bovine étatsunienne éligible aux exportations vers la Chine suite à l’accord signé mi-janvier et sur la réautorisation des exportations de volaille en provenance des Etats-Unis depuis novembre 2019.

Mais d’une part, les droits de douane chinois supplémentaires imposés en 2018 et 2019 sur les viandes porcine et bovine restent d’actualité. Les droits de douane sur la viande porcine ont ainsi grimpé de 12% à 72%, avant que les autorités chinoises ne décident d’une baisse générale des droits de 4%). En outre, le texte de l’accord précise que les achats chinois devront être effectués au « prix du marché », ce qui signifie que les produits étatsuniens devront être compétitifs face à leurs concurrents, notamment européens pour la viande porcine et sud-américains et océaniens pour la viande bovine. Les droits de douane n’ont cependant pas empêché le porc étatsunien d’entrer en Chine en 2019 et de concurrencer les produits européens.

Les produits laitiers étatsuniens ne représentent qu’environ 3% en valeur des exportations étatsuniennes vers la Chine, centrées sur le lactosérum et les poudres de lait infantile. Majoritairement destinées à l’alimentation animale, le lactosérum étatsunien a souffert de la hausse des droits de douane et de la Fièvre Porcine Africaine. Si les droits de douane additionnels ont été supprimés sur le lactosérum depuis septembre 2019, la demande chinoise ne devrait être encore limitée en 2020, compte tenu de la chute du cheptel porcin. Une hausse des exportations de produits laitiers étatsuniens pourrait entrer en concurrence avec les produits européens et français.

 

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La Chine veut-elle vraiment importer autant de produits agricoles des Etats-Unis ?

Par Jean-Marc Chaumet

On peut s’interroger sur les conséquences de cet accord sur la politique de sécurité alimentaire chinoise, basée sur l’autosuffisance en céréales, des importations dites « modérées » et une maîtrise de son approvisionnement alimentaire à travers des investissements. La Chine a-t-elle cédé devant les Etats-Unis au point de remettre en cause son concept de la sécurité alimentaire ? Cela constituerait un revirement profond de la politique gouvernementale, soit une énorme surprise, à vrai dire peu envisageable à l’heure actuelle.

D’une part l’accord sur les montants d’importations ne porte que sur les années 2020 et 2021, laissant la Chine libre de réduire ses achats de produits étatsuniens dès 2022, à condition que la réversibilité des flux ne soit trop difficile. Pour Trump en fait, seule l’échéance de novembre (les élections présidentielles aux Etats-Unis) compte vraiment. Après cela, l’histoire sera sans doute fort différente.

D’autre part, les Autorités chinoises ont, directement ou indirectement, insisté sur plusieurs phrases de l’accord précisant que les achats de l’empire du Milieu devaient s’effectuer sur les bases « du marché et en fonction de la demande. Ainsi, la Chine ne devrait acheter des produits étatsuniens que si ceux-ci sont compétitifs. Une mise en garde a été émise sur la tentation qu’auraient certains exportateurs étatsuniens de vendre des produits de mauvaise qualité et/ou à des prix supérieurs à ceux du marché. L’accord précise explicitement que si la Chine considère que sa capacité à remplir ses obligations est contrariée par une action ou une inaction des Etats-Unis, elle doit alors entreprendre des consultations avec son partenaire.

Cependant, à moins que la Chine n’annule les hausses de droits de douane qui frappent aujourd’hui les produits étatsuniens ou qu’elle ne trouve un moyen, par l’intermédiaire de ses entreprises publiques de les contourner, les produits en provenance des Etats-Unis seront difficilement compétitifs.

Enfin, on peut également se demander si une telle réorientation des exportations étatsuniennes n’est pas dangereuse pour les exportateurs étatsuniens eux-mêmes, les rendant toujours plus dépendants de la Chine. Mais ils ne seraient alors pas les seuls dans ce cas…

 

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Envolée des prix et des importations de viande bovine

Par Jean-Marc Chaumet

Les conséquences de la forte hausse des prix du porc en Chine en 2019 se font également sentir sur la consommation et le commerce de viande bovine. Les prix et les importations directes s’envolent.

 

La hausse des prix du porc et le manque de viande porcine dans de nombreux magasins poussent de nombreux consommateurs à se reporter sur d’autres protéines animales. SI la volaille demeure le premier choix, de par son prix et sa présence dans les rayons, la viande bovine pourtant déjà chère, apparaît comme un des substituts au manque de viande porcine dans le pays.

Ainsi, malgré une forte hausse officielle de production en 2019 (+3,6%2018) pour atteindre un record historique à 6,67 millions de téc, l’offre n’a pu satisfaire la hausse soudaine de la demande et les prix se sont envolés. Après une hausse exponentielle à l’automne et à l’entrée de l’hiver, haute saison de consommation de viande bovine, le prix moyen national au détail a dépassé les 82 RMB/kg (10 €/kg), un record historique. Les prix semblent cependant s’être stabilisés depuis la mi-novembre, en relation avec l’arrêt de la hausse des prix du porc et peut-être également à une saturation du marché. La progression se chiffre à +20% depuis mai, date du début de la hausse et fait à nouveau de la viande bovine la viande la plus chère en Chine.

Forte hausse des importations en Chine continentale

Pour tenter de répondre à cette demande et contenir la progression des prix, les importations chinoises de viande bovine en Chine continentale (hors Hong-Kong) ont franchi un nouveau palier. Sur les 11 premiers mois de l’année, elles se chiffrent à 1,85 million de téc, une hausse de 57% /2018 et un doublement par rapport à 2017. Sur l’année, les importations devraient atteindre 2 millions de téc.

L’essentiel est composé de viande sous forme de congelé désossé (85% du total), même si les quantités de congelé avec os progressent au même rythme (+52%/2018).

Des importations très concentrées

Les importations chinoises restent très dépendantes d’un nombre limité de fournisseurs : 95% des volumes proviennent des 5 pays.

L’Amérique du Sud a pleinement profité de cet appel d’air. Les importations en provenance d’Argentine ont été multipliées par 2 en un an et le pays est au coude à coude, sur les 11 premiers mois de l’année,  avec le Brésil pour la place de premier fournisseur de la Chine continentale. Les volumes uruguayens ont également progressé (+32% /2018),tandis que les expéditions brésiliennes n’ont enregistré qu’un hausse limitée (+16% /2018). La Chine a suspendu pendant 15 jours en juin l’entrée de viande bovine brésilienne sur le sol chinois, suite à la découverte d’un cas d’ESB. Mais les importations ont ensuite repris. Aussi cet incident peut expliquer la moindre hausse des envois brésiliens.Néanmoins, les exportations vers la Chine ont des conséquences importantes sur le prix de la viande au Brésil, qui fortement augmenté fin 2019.

Si la Chine (yc Hong-Kong) demeure le premier client du Brésil, les envois cumulés ont toutefois reculé sur les 3 premiers trimestres, au profit de pays comme les Emirats Arabes Unis ou l’Egypte.

Les envois néozélandais ont doublé tandis que ceux de l’Australie, le 3ème fournisseur de la Chine, ont progressé de 75% /2018.  La hausse des envois de viande australienne provient de la décapitalisation en cours du cheptel depuis 2018, provoquée par les sécheresses à répétition que subit le pays. La viande australienne a même dû faire face très tôt cette année, dès le mois d’août, à l’activation de la clause de sauvegarde prévue dans l’accord de libre-échange entre les 2 pays : au-delà de 170 000 tonnes produits, les droits de douane sont relevés de 6% à 12% jusqu’à la fin de l’année.

Un nombre de petits fournisseurs en augmentation

Les volumes restants, 74 000 téc, soit 5% des importations, se répartissent entre une quinzaine de pays fournisseurs. Leur nombre est en hausse car la Chine cherche à diversifier ses approvisionnements afin de satisfaire sa demande et atténuer sa dépendance aux grands fournisseurs.

Malgré l’embargo chinois sur la viande canadienne décrété entre fin juin et début novembre après la découverte de la ractopamine dans de la viande porcine canadienne, les volumes de ce pays ont bondi de +44% /2018 pour atteindre les 13 000 téc sur les 10 premiers mois. Nonobstant la hausse des droits de douane chinois, les importations de viande étatsunienne approchent les 11 000 téc (+36% /2018).

Au point mort depuis l’agrément des premiers abattoirs français en juillet 2018, les exportations françaises de viande bovine ont connu une accélération depuis la concrétisation des démarchés des entreprises françaises au cours de l’été 2019 et la visite du Président français début novembre. Plus de 200 téc de produits français sont arrivées en Chine sur les 11 premiers mois. Les envois totaux sur l’année devraient totaliser près de 800 téc.

L’Irlande s’impose comme premier exportateur européen, avec 8 000 téc sur 11 mois, devant les Pays-Bas (860 téc).

Des importations totales en hausse modérée

L’offre totale de viande bovine importée doit cependant prendre en compte le recul des flux arrivant à Hong-Kong et ceux en provenance d’Inde et transitant par le Vietnam. Les premières données disponibles montrent en effet une baisse des importations via Hong-Kong (d’au moins-30%) ainsi que des envois indiens à travers le Vietnam (d’au moins -20%), suite au renforcement des contrôles chinois aux frontières, Ainsi, les volumes supplémentaires nets de viande importée s’établiraient aux alentours de 300 000 téc, ce qui est loin de satisfaire la demande nationale.

Il n’en reste pas moins que la Chine conforte sa place de 1er importateur mondial de viande bovine.

Une surestimation de la demande chinoise ?

Cependant cette hausse des importations pourrait ralentir dans les prochains mois. Certains commerçants estiment que le report de la demande chinoise sur la viande bovine aurait été surestimé, menant à des importations trop importantes et donc à des stocks volumineux. La stabilisation des cours pourrait donc également d’expliquer par des volumes de viande importée difficiles à écouler.

 

 

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Stabilisation des cours du porc : simple pause ou début de la fin de la crise ?

Par Elisa Husson

La filière porcine chinoise est toujours très perturbée par l’épidémie de peste porcine africaine. A l’approche des festivités du Nouvel an Chinois (25 janvier) les déséquilibres de marché sont d’autant plus saillants.

 

Au mois d’octobre, la chute des effectifs porcins en Chine a atteint un niveau plancher. La décapitalisation des cheptels entamée fin 2018 et qui s’est poursuivie toute l’année 2019 semble arriver à son terme (pour plus de détails sur l’évolution et les conséquences de cette épidémie, se procurer notre étude). Le nombre de truies se serait stabilisé à près de 19 millions de têtes, un niveau historiquement bas. En 10 mois, la Chine a perdu 38 % de son cheptel de truies et la production a officiellement reculé en 2019 de 21,3% en volume et de 21,6% en têtes, son plus bas niveau depuis 2003.

Flambée des cours en Chine à l’approche du Nouvel An chinois

Face à ce déficit croissant de la production porcine, le cours moyen du porc charcutier s’est envolé en octobre et en novembre. Il a dépassé les 38 RMB/kg en fin de mois, soit 4,8 € par kilo vif ou encore 6,4 € par kilo de carcasse. Les prix ont affiché une progression de 26,5% par rapport à septembre, ou encore de 89% par rapport à l’an dernier. Cette flambée des cours a également touché les marchés des porcelets et de la viande, et ce dans une même ampleur. Cette flambée des cours a également touché les marchés des porcelets et de la viande, et ce dans une même ampleur. Le prix de la viande au détail a frôlé les 60 RMB/kg, soit 7,7 €/kg.

Cependant, à partir de mi-novembre et en décembre, le marché du porc a encaissé une correction. Cette baisse a été par la suite répercutée sur l’ensemble des maillons de la filière.

Un regain des abattages dans le nord du pays pourrait être à l’origine de ce déclin des cours. Les abattages nationaux auraient d’ailleurs progressé en décembre d’un mois sur l’autre.

Toutefois, une diminution saisonnière des cours est généralement observée en fin d’année. Simple pause ou début de la fin de la crise ? Les prix du porc et de la viande au détail en Chine resteront de toute manière élevés dans les prochaines semaines pour cause de Nouvel An et plus largement dans les prochains mois, compte tenu de l’état de l’offre actuelle et à venir sur le marché national.

L’inflation s’accélère sur la fin de l’année

La crise porcine en Chine a un impact global sur l’économie du pays. En novembre et décembre, l’inflation a atteint + 4,5 % rapport à la valeur de 2018. Il s’agit du taux mensuel le plus élevé depuis janvier 2012. L’inflation alimentaire (qui a atteint jusqu’à 15,5 %) contribue de façon majoritaire à cette poussée de l’inflation globale, en lien avec la hausse des prix des protéines animales. Les prix non-alimentaires augmentent également, mais de façon plus limitée (+ 0,9%).

L’inflation dépasse ainsi le niveau objectif de la Banque centrale chinoise, établi à 3%. Dans un contexte de ralentissement économique plus fort que prévu en Chine, une telle inflation pourrait perturber la mise en place de mesures de relance par la Banque centrale.

Des importations en forte hausse

Le gouvernement met en œuvre de multiples stratégies pour limiter les phénomènes de hausse des prix et d’inflation, privilégiant à court terme les importations.

Pour répondre aux besoins des consommateurs chinois, le gouvernement réalise des achats massifs et sécurise ses approvisionnements auprès de ses fournisseurs étrangers. Sur les 11 premiers mois, les volumes de porc envoyés vers la Chine ont dépassé les 3 millions de tonnes (+ 58% d’une année sur l’autre). Les deux tiers de ces volumes proviennent du marché européen. La Chine tente également de diversifier ses approvisionnements. Elle a récemment délivré des agréments d’exportation à sept entreprises d’abattage du Brésil, 7e fournisseur du pays. Les ventes de produits d’origine brésilienne sur le marché chinois en progression de 33% sur 11 mois 2019/18.

Les exportations canadienne ont reculé de 12% suite à embargo chinois sur la viande de ce pays décrété entre fin juin et début novembre après la découverte de la ractopamine dans de la viande porcine canadienne

Dans le même temps, l’acteur étatique chinois COFCO Meat Holdings a conclu un accord avec l’entreprise danoise Danish Crown début novembre. Il s’est engagé à lui acheter 100 millions de dollars de viandes de porc en 2020. Enfin, après un adoucissement des relations diplomatico-commerciales entre le continent nord-américain et la Chine, les approvisionnements en viandes américaines n’ont cessé de s’intensifier et ont doublé sur le cumul des trois premiers trimestres 2019/18.

Un plan pour rétablir la production porcine

Poussé par un optimisme sans faille, le gouvernement instaure d’autres démarches sur le marché national. Des politiques de soutien à la filière porcine ont récemment été établies.

Début décembre, le gouvernement a publié un plan pour rétablir la production porcine en 3 ans. L’objectif est de reconstituer le cheptel porcin en 2020 et de retrouver en 2021 les niveaux de production d’avant la crise. Par ailleurs les autorités ont déclaré que la filière porcine sera la priorité du secteur agricole en 2020 et que la Chine doit pouvoir retrouver son indépendance en viande porcine.

Les autorités locales sont encouragées à faciliter les nouveaux projets de fermes porcines, à accorder des subventions pour l’achat d’équipements modernes et à réduire les surfaces interdites à l’agriculture pour raisons environnementales. Notamment, les élevages de plus de 5 000 animaux n’auront pas à attendre le résultat de l’étude environnementale pour commencer la construction des bâtiments.

Des mesures sanitaires sont également avancées, en responsabilisant les éleveurs pour la prévention de maladies et pour la déclaration d’animaux malades. 120 élevages de démonstration high-tech seront construites pour faciliter la diffusion de techniques modernes.

Les premières mesures ont-elles déjà porté leurs fruits, en stabilisant le cheptel porcin et les prix ? Ou l’évolution observée n’est-elle que conjoncturelle ?

La pleine mise en œuvre et les résultats de ces mesures gouvernementales se constateront progressivement au courant de l’année à venir. Malgré un optimisme certain des autorités, le marché du porc restera, de toute manière, bouleversé par la crise porcine et mettra du temps à retrouver un équilibre. Il n’est en outre pas exclu qu’une vague de nouveaux foyers se déclare dans les prochaines semaines.

Les prix et les importations resteront donc inexorablement élevés dans les prochains mois.

 

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Vers un renforcement des liens agricoles sino-russes?

Par Jean-Marc Chaumet


La guerre commerciale avec les États-Unis va-t-elle rapprocher la Chine et la Russie, notamment à travers une intensification du commerce agricole entre la Chine et La Russie ? La question mérite d’être posée.

Dans sa stratégie de diversification de ses approvisionnements, pour réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis, la Chine cherche à tirer parti de toutes les ressources disponibles. Et dans la mesure du possible, son objectif est de réorienter ses achats vers des pays émergents, particulièrement ses partenaires au sein du groupe BRICS (Brésil, Russie, Inde, Afrique du Sud), et / ou avec lesquels elle possède des intérêts stratégiques convergents. Elle se rapproche notamment de la Russie. Après une rupture dans les années 60 et 70, les deux pays se sont rapprochés et leur relation atteint maintenant le point de « partenariat et interaction stratégiques », avec comme cible commune Washington.

Partenaire stratégique de Pékin, même si méfiante vis-à-vis des nouvelles routes de la soie, elle n’est encore qu’un partenaire commercial de second plan, en particulier dans le domaine agricole. Les achats chinois de produits agricoles et alimentaires en provenance de Russie n’ont atteint que 2,7 milliards d’euros en 2018, soit seulement 2 % des importations de l’Empire du Milieu.

Pourtant, les relations agricoles entre les deux pays sont pourtant anciennes. Dès les années 1990, une migration chinoise a débuté vers la Russie pour mettre en valeur des terres abandonnées lors de la chute du communisme et la réforme agraire qui a suivi. Ce mouvement a d’abord été
le fait d’agriculteurs chinois, motivés par la recherche de travail. Engagés comme ouvriers dans les fermes d’états russes, ils ont ensuite loué des terres pour y cultiver des légumes destinés aux marchés locaux. Puis, dans les années 2000, vinrent les entreprises chinoises, publiques comme privées, à la recherche de profits, dans les secteurs des grains (soja et maïs) et les légumes secs, mais également dans les productions animales (porc, lait).

Pour l’instant, la Russie fournit surtout des produits de la pêche et de la pisciculture (poissons congelés, crustacés…) qui représentent les 2/3 des importations chinoises agricoles en valeur en provenance de son voisin et 18 % des achats chinois de ces produits. Mais les importations en provenance de Russie ont plus que doublé entre 2014 et 2018. Après avoir été positive entre
2010 et 2015, la balance commerciale agroalimentaire de la Chine avec la Russie est ainsi redevenue déficitaire à partir de 2016 pour atteindre un record historique de 1 milliard d’euros. La politique agricole russe d’augmentation de la production nationale, suite à l’embargo
sur les produits européens et étatsuniens, ainsi que la dépréciation du rouble, ont tiré les exportations russes. Et, en novembre 2018, Vladimir Poutine a mentionné que, suite au conflit commercial avec les États-Unis, la Russie pourvoira la Chine en poulet et soja.

La montée des tensions avec les États-Unis a poussé à l’intensification des flux de soja, dont les exportations vers la Chine ont doublé entre 2016 et 2018, mais ne représentent qu’1 % des importations chinoises.

Des accords sanitaires ont été trouvés pour l’exportation de viande de poulet russe à partir de 30 entreprises russes. Le groupe Cherkizovo, le plus grand producteur de viande en Russie, a commencé à expédier des produits à base de volaille en Chine en mai 2019 et envisage maintenant d’y vendre du porc et du soja.

Si la Chine dispose de capitaux, de savoir-faire et de main-d’œuvre, la Russie cherche, pour sa part, à développer son secteur agricole et les zones rurales de l’extrême Est du pays. Cette forte complémentarité devrait permettre de rapprocher encore les deux pays, sans que la Russie ne puisse remplacer les Etats-Unis comme 2e partenaire agricole de la Chine, derrière le Brésil.

Conflit commercial sino-étatsunien : une inversion dans la définition de la puissance agricole ?

Par Jean-Marc Chaumet

Dans la compétition entre les deux premières puissances économiques mondiales, la guerre commerciale débutée en 2018 marque une nouvelle étape. Rompant avec l’approche d’encerclement de la Chine initiée par Obama, Donald Trump a décidé d’attaquer frontalement l’Empire du Milieu. La dénonciation de pratiques «déloyales» et de «vol de propriété intellectuelle» a rapidement conduit au relèvement des droits de douanes sur des milliers de produits, afin de contraindre la Chine à réduire le déficit commercial bilatéral abyssal des États-Unis, de près de 400 milliards de dollars.

 

Si les États-Unis sont très dépendants de la Chine pour les produits industriels (premier fournisseur des États-Unis qui sont, eux, le deuxième client de Pékin), la situation est diamétralement opposée pour les produits agricoles et agro-alimentaires. L’Empire du Milieu est importateur net de ces produits et les États-Unis étaient jusqu’en 2016 leur premier fournisseur. Une des clés du dénouement de ce conflit réside donc dans le volet agricole, le Gouvernement étatsunien comptant bien sur sa puissance agricole pour faire plier Pékin. Comme pour l’embargo de l’Arabie Saoudite envers le Qatar ou les rétorsions russes aux sanctions étatsuniennes et européennes, le conflit commercial entre la Chine et les États-Unis érige à nouveau les échanges de produits agricoles en arme économique et politique. D’abord, ils sont vus par les Etats-Unis comme un moyen de réduire leur déficit commercial. Mais ils sont également un champ de bataille dans le bras de fer entre les deux pays, car si les hausses de droits de douane décidées par les États- Unis ne concernaient pas les produits agricoles chinois, il était évident que les contre-mesures de l’Empire du Milieu les incluraient, frappant un des rares postes d’excédent commercial avec la Chine. Et, en effet, les droits à l’importation en Chine ont été augmentés de 25 % sur de nombreux produits agricoles dont le soja et la viande de porc.

 

Le conflit met ainsi aux prises deux des plus gros producteurs agricoles au monde, dont les histoires et les stratégies alimentaires sont diamétralement opposées. Il s’agit d’un affrontement entre une superpuissance exportatrice, dont la place sur le marché international se réduit sous les coups d’une conflictualité commerciale grandissante, et un pays cherchant à sécuriser son approvisionnement alimentaire pour garantir son ascension économique.

 

Si les États-Unis réagissent en cherchant de nouveaux débouchés pour leurs produits, notamment le soja, en Europe ou au Moyen-Orient, la Chine cherche à accélérer la diversification de ses sources d’approvisionnement tout en appelant au renforcement de son autosuffisance. Le document n°1 (principal document annuel d’orientation politique) de 2019 insiste ainsi sur le soutien aux producteurs de soja et de maïs, pour augmenter la production de l’oléo-protéagineux et stabiliser celle de la céréale. Le développement de la production de colza est également mentionné. D’un autre côté, la Chine cherche à augmenter les importations de certains produits agricoles dont l’offre est insuffisante, en s’appuyant sur les Routes de la Soie, pour limiter sa dépendance envers les États-Unis. Les autorités chinoises communiquent ainsi sur l’opportunité que leur donne cette crise pour modifier l’agriculture et l’approvisionnement agricole du pays. Il est néanmoins encore difficile de faire la part des choses entre le discours de propagande et la réalité de l’approvisionnement agricole chinois.

 

Cependant, la stratégie des États-Unis de provoquer la Chine pourrait mener aux mêmes conséquences que le rapport de force entre l’UE et la Russie ou entre le Qatar et l’Arabie Saoudite : un renforcement de la maîtrise de l’approvisionnement alimentaire du pays ciblé, donc de sa souveraineté alimentaire et in fine de sa puissance économique. La puissance agricole va-t-elle basculer des gros exportateurs historiques vers pays émergents? Le temps de la canonnière pour imposer le commerce semble révolu…

L’expérience Synutra, de la difficulté de trouver le bon partenaire sur le marché chinois

Si le marché chinois des produits laitiers reste une valeur sûre pour les exportateurs, la difficulté réside souvent dans l’approche du marché et, le cas échéant, dans le choix d’un partenaire fiable. Les investissements de Synutra en France ont été massifs et réalisés dans un laps de temps relativement court. Après l’euphorie, les importantes difficultés de cette stratégie ont mené à une grande déconvenue.

Pourtant, sur le papier, l’affaire semblait bien engagée. Francophile, Liang Zhang, Président de Synutra, a également été l’un des premiers en Chine à prôner les investissements à l’étranger après le scandale de la mélamine, alors que les autres industriels laitiers chinois suivaient encore le Gouvernement dans la voie exclusive de rétablissement de la filière nationale dans une volonté d’autosuffisance. Il est intéressant de constater que, par la suite, toutes les grandes entreprises laitières chinoises ont suivi la stratégie de Synutra en investissant hors de Chine.

Synutra a réalisé les premières exportations de poudres de lait infantile depuis la Bretagne fin 2016. La firme a obtenu, dans le cadre de la nouvelle réglementation chinoise, les agréments pour ses recettes dès le mois de septembre 2017, a mis en place un marketing important centré sur l’origine France (voir photo) et s’est positionnée sur le segment haut de gamme. Mais les ventes ne sont visiblement pas à la hauteur des ambitions initiales. Le business plan sûrement trop ambitieux, compte tenu de la concurrence sur le marché chinois des poudres de lait infantile, et les problèmes techniques et organisationnels lors de la phase de réglage de l’usine de Carhaix ont considérablement fragilisé tout l’édifice en construction. L’activité de Synutra dans les produits laitiers est à plus de 90 % dépendante des poudres infantiles de lait de vache. Les ventes de poudres infantiles de lait de chèvre, réalisées à partir de matières premières laitières provenant d’Espagne, et les poudres pour adultes sont en progrès, mais ne permettent pas de rétablir l’équilibre des comptes en cas de méventes sur les produits phares. Face au remboursement des investissements consentis et aux créances des fournisseurs, Synutra se trouve dans une situation financière intenable, que même une réduction des charges de fonctionnement en Chine (réduction de salaire, diminution des primes,…) n’a pu jusque-là redresser.

Synutra, comme quasiment toutes les entreprises chinoises, avait été fortement impactée par le scandale de la mélamine en 2008 et avait connu entre 2009 et 2013, quatre années de résultats négatifs. Mais les chiffres des dernières années disponibles (2014, 2015 et 2016) montraient des résultats positifs, avec plus de 20 millions de dollars de bénéfices au 1er mars 2016, même si en recul par rapport à 2015. La sortie du Nasdaq en mai 2017 pour une domiciliation aux îles Vierges, suivie de l’absence de la publication des comptes en 2017 (excepté le 1er trimestre de Synutra France montrant un résultat fortement négatif), peut après coup être interprétée comme une fuite en avant pour tenter de cacher la mauvaise santé financière croissante de l’entreprise. Pourtant Synutra a investi en Chine en 2018 en rachetant en mai la société Shengda Yak dairy, située dans le Yunnan et fabriquant de poudres de lait de yak, puis en juin Jinyuan Dairy Co., Ltd., une société spécialisée dans les poudres de lait infantiles située dans le Henan (capacité annuelle de 3 500 tonnes de poudres de lait et des actifs estimés à 60 millions de RMB (environ 7,7 millions d’euros)). L’objectif affiché est d’élargir sa gamme de produits limitée par la nouvelle réglementation chinoise.

À notre connaissance, le groupe Synutra Chine n’a pas communiqué sur ces problèmes. Aucun article sur l’internet chinois ne fait état des difficultés de l’entreprise mais la presse chinoise a relayé l’information concernant l’erreur de livraison de Triskalia et la possible présence d’antibiotiques dans le lait produit, en parlant de nouvel incident sanitaire français, après l’affaire Lactalis.

Le défi de trouver le bon partenaire en Chine

Cette mésaventure n’est pourtant pas unique dans l’histoire des relations entre entreprises laitières chinoises et étrangères. Trouver le bon partenaire n’est pas toujours chose aisée en Chine. On peut ainsi rappeler qu’en 2008 Fonterra était associée à l’entreprise chinoise leader sur le marché des poudres de lait infantiles, Sanlu, qui fut au coeur du scandale de la mélamine. Sanlu a disparu, en partie rachetée par ses concurrents et sa présidente condamnée à la prison à vie.

En 2015, Fonterra, qui n’a pas renoncé au marché chinois, crée une coentreprise avec la société Beingmate, spécialisée dans la nutrition infantile, et se porte également acquéreur de près de 19 % du capital de son partenaire chinois, pour près de 50 millions d’euros. En 2017, Beingmate a annoncé un résultat négatif pour la deuxième année consécutive (130 millions d’euros en 2017 après plus de 100 millions en 2016) et, début 2018, le cours de son action a été divisé par 3 par rapport à son niveau de 2015. Ces résultats ont contribué au départ précipité du PDG de Fonterra au 1er semestre 2018.

FrieslandCampina a également pu juger de ses mauvais choix en matière d’investissements et de partenariats en Chine. En 2014, la coopérative néerlandaise investit 90 millions d’euros dans une co-entreprise avec la firme chinoise Huishan et entre également au capital de l’entreprise pour 24 millions d’euros. En 2017, Huishan connaît de graves difficultés financières, incapable de rembourser ses créanciers. Le cours de son action perd 90 % de sa valeur en une journée et la responsable financière de la firme disparait des radars. FrieslandCampina, qui subit des pertes estimées à plus de 60 millions d’euros, a racheté la totalité des actifs de la coentreprise pour 2 millions de dollars.

Danone n’a pas non plus été épargnée par les mauvais investissements. En 2014, l’entreprise française acquiert 25 % de Yashili, spécialisée dans les poudres infantiles et les poudres de lait de soja. Mais depuis 2015, l’entreprise chinoise n’affiche que des résultats négatifs et Danone a vu sa participation se déprécier.

Face à un marché chinois très demandeur en produits laitiers importés, le principal défi pour les entreprises laitières reste de trouver la bonne clé d’entrée. Certains opérateurs semblent avoir réussi : Arla, mais également Danone ont misé sur le n°2 laitier chinois, Mengniu en entrant au capital et en créant une coentreprise de yaourt pour Danone. Nestlé a initié sa présence en Chine dès 1990 grâce à une coentreprise avec une petite société d’État locale, Shuangcheng City Dairy Industrial Corporation, dans le Heilongjiang, avant d’entrer dans d’autres associations avec des partenaires de dimension locale (Hong-Kong, Qingdao) puis de créer des filiales en propriété exclusive. Citons également le partenariat entre Isigny Sainte Mère et H&H qui semble pour l’instant donner pleine satisfaction aux deux partenaires.

Le type de produits laitiers joue également un rôle. Si le marché des poudres de lait infantile est très rémunérateur, il est également de plus en plus concurrentiel, notamment depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation imposant l’enregistrement de toutes les recettes. Le marché du lait liquide parait en revanche saturé comme celui des poudres grasses. Nestlé vient par exemple de réduire à 5 % sa participation au capital d’une usine de fabrication de poudres en Chine, pour se focaliser sur des marchés plus porteurs, comme les yaourts, les crèmes ou les fromages.

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