La Covid n’a pas interrompu le rebond de la production laitière chinoise

L’année 2019 a été synonyme de rebond pour toute la filière laitière chinoise. Mais l’impact du Covid a occasionné un retournement de tendance au 1er trimestre 2020. Si la hausse production laitière s’est poursuivie, les résultats de nombreuses entreprises ont été affectés. La filière ne semble cependant pas très inquiète de cet épisode considéré comme ponctuel, à en juger par les investissements décidés ces dernières semaines.

 

2019 : une bonne année pour l’amont comme pour l’aval

En 2019, la production laitière chinoise a progressé pour la deuxième année consécutive ce qui n’a pas empêché les importations de poursuivre leur hausse à un rythme élevé.

 

La Covid-19 affecte le secteur laitier début 2020, mais ne freine pas la dynamique

Touchée dès le mois de janvier par la Covid-19, la Chine a mis en place juste avant le Nouvel An Chinois (25 janvier) des mesures de confinement strictes  pour tenter d’enrayer la propagation du virus. Si les résultats des entreprises ont été affectés par la baisse de consommation, la croissance de la production laitière ne semble pas avoir été enrayée

Alimentation animale : hausse des cours et dépendance croissante aux importations

Par Manon Sailly et Jean-Marc Chaumet

Les prix des matières premières de l’alimentation animale ont évolué à contrecourant des prix internationaux ces derniers mois, en lien avec une situation de marché particulière en Chine. De plus, la Chine ne devrait bientôt plus disposer de stocks de maïs et les importations de soja sont en progression.

Fonte des stocks de maïs

Pour le maïs, le prix sur le marché de Chicago a affiché un niveau très dégradé durant le printemps avec la forte baisse de la demande nord-américaine causée par le ralentissement de la production de biocarburants à base d’éthanol. Par ailleurs, avant que l’USDA ne revoie ses projections, celle-ci prévoyait une très forte hausse des surfaces de maïs aux Etats-Unis. Cette estimation a été revue à la baisse, conduisant à une revalorisation des prix du maïs américain fin juin. Sur le marché de Chicago, le prix du maïs était de 128 $/t en juin 2020, en baisse de 24% par rapport à l’année précédente (170 $/t en juin 2019).

En Chine, en dépit de l’évolution du marché international, les prix du maïs sont en constante augmentation. En juin, à 2240 RMB/t (soit 316 $/t) le prix moyen chinois était supérieur de plus de 7% à celui de juin 2019 (2090 RMB/t ou 302 $/t) et atteignait ainsi son plus haut niveau depuis octobre 2014.

La forte demande pour le secteur de l’alimentation animale est à l’origine de cette hausse des prix. Pour limiter ce phénomène, le gouvernement a temporairement réouvert la vente de stock d’Etat depuis la fin du mois de mai. Entre le 28 mai et le 9 juillet, les ventes ont totalisé près de 28 Mt. Alors que les grains proviennent des récoltes 2014 et 2015, les taux de ventes aux enchères atteignent presque toutes 100%, ce qui démontre un réel manque de maïs sur le marché chinois. Cette année 2020 devrait signifier la fin du programme de soutien temporaire du prix de réserve qui avait accumulé d’énormes stocks de maïs, vendus aux enchères depuis la fin du programme en avril 2016. Les 56 Mt estimées restantes dans les réserves avant le début des ventes aux enchères cette année devraient être épuisées dans les mois à venir. La Chine ne devrait donc pouvoir compter dans le futur que sur les importations pour combler le manque de maïs.

Parallèlement, les importations chinoises de maïs ont augmenté, pour atteindre 3,7 Mt sur la période allant d’octobre (début de la campagne agricole) à mai (+26% / 2018/19). L’origine de ces importations est très majoritairement ukrainienne (3,2 Mt). Mais les achat de maïs étatsuniens devraient fortement progresser lors de la campagne 2020/21. L’USDA a en effet annoncé que les ventes à la Chine pour la prochaine campagne totalisaient déjà 3,9 millions de tonnes, dont 1,762 million achetées en une journée en juillet.

Toutefois, rappelons que les importations chinoises de maïs ne représentent qu’une faible partie de l’approvisionnement du marché chinois en comparaison à la production locale (261 Mt en 2019/20) et que le contingent tarifaire à droit de douane de 1% se monte à 7,2 millions de tonnes.

Pour la campagne à venir, les services de l’USDA basés à Pékin prévoient une baisse de la production chinoise de maïs supérieure à 10 Mt à 250 Mt en raison d’une baisse des surfaces semées et de dégâts de ravageurs (chenille légionnaire). A l’inverse, les autorités chinoises annoncent une récolte en progression de 6 Mt à 266,5 millions. Mais même si cette hausse de production se réalise, les documents officiels affichent un déficit de près de 20 Mt pour la campagne 2020/21, avec une consommation estimée à 285 Mt.

Hausse des importations chinoises de soja

Les importations chinoises de soja poursuivent leur reprise. Sur les cinq premiers mois de l’année, elles ont progressé de 7% par rapport à 2019, sans pour autant renouer avec les niveaux connus en 2017 et 2018 à pareille époque. La demande pour l’alimentation animale semble se redresser avec le repeuplement progressif des élevages porcins et avec le développement de la production des protéines animales alternatives à la viande de porc (volaille, produits de la mer). Pour autant, le risque sanitaire pour le secteur porcin (FPA) est toujours très présent.

En ce qui concerne l’origine du soja importé, les volumes en provenance des Etats-Unis ont augmenté (+73 % /2019). Du fait de la récolte record de soja au Brésil cette année (124 Mt) et des inquiétudes des importateurs face à de potentiels problèmes logistiques en raison du Covid-19, les importations en provenance de ce pays ont été très fortes. De ce fait, depuis la récolte (mars) jusqu’à fin juin, le Brésil a déjà exporté 43% de sa production, contre 30% en 2019. Cela contribue à une hausse du prix du soja brésilien, poussant la Chine à se tourner progressivement vers l’origine nord-américaine, en dépit de la recrudescence des tensions entre les deux puissances. Ainsi, en juin, l’USDA a fait état d’importantes ventes de soja vers la Chine, principalement au titre de prochaine la campagne agricole 2020/21 qui débutera en octobre. Les premières indications concernant les importations du mois de juin semblent montrer une très forte hausse des importations chinoises de soja, dépassant les 10 Mt.

L’arrivée des bateaux de soja brésilien en avril et mai a permis à l’activité chinoise de la trituration de reprendre. Un léger effritement des prix du tourteaux de soja a ainsi été observé en juin sur le marché chinois. En ce qui concerne la récolte 2020, l’antenne de Pékin de l’USDA prévoit d’autre part une hausse de la production chinoise de soja de +0,7 Mt à 18 Mt en raison de prix attractifs durant la période de semis et de subventions stables de la part du gouvernement chinois pour cette culture.

Suite à un désaccord avec l’Australie, la Chine a mis en place courant mai une taxe anti-dumping sur les importations d’orge australienne d’un montant de 80,5%. L’Australie était habituellement le premier fournisseur de la Chine en orge (50 % des importations totales), majoritairement pour des activités brassicoles. Le pays devrait donc augmenter ses achats auprès de fournisseurs secondaires, comme la France, l’Argentine et le Canada.

Le Covid impacte le marché chinois du porc

Par Elisa Husson

L’impact du coronavirus sur l’économie mondiale reste la principale préoccupation des acteurs économiques, tous secteurs confondus dont le secteur porcin. Les importations de la Chine sont actuellement limitées par des difficultés logistiques.

L’épidémie mondiale de Covid-19 perturbe temporairement l’approvisionnement en viande de porc du marché chinois qui est structurellement déficitaire. Le ralentissement de la propagation du coronavirus en Chine permet un retour progressif des importations. L’activité économique du pays reste ralentie, bien que les restrictions de l’ensemble des activités économiques et de mouvement se lèvent peu à peu. Mais l’épidémie impacte aussi les entreprises des bassins exportateurs sur le plan du personnel et de la logistique.

Des importations demandées mais perturbées

En janvier et février, près de 830 400 tonnes de viande et coproduits ont été acheminées sur le marché chinois, soit un niveau record, en hausse de 107 % par rapport à l’an dernier. Les exportateurs européens ont de nouveau répondu présent pour satisfaire la demande chinoise. Les expéditions de l’Union européenne totalisent près de 469 000 tonnes sur cette période (+73% en un an). Cependant, la concurrence sur le marché chinois s’aiguise chaque jour davantage. Outre-Atlantique, les exportateurs américains disposent d’importants volumes et redoublent d’efforts pour les acheminer en Chine. En février, les expéditions de porc américain vers la Chine, ont dépassé celles de l’Allemagne et de l’Espagne, et continueront de s’amplifier dans les prochaines semaines. La phase 1 de l’accord USA–Chine, négocié début 2020, autorise de nouveaux abattoirs américains à exporter vers la Chine. Par ailleurs, depuis début mars, les produits porcins en provenance des Etats-Unis sont exonérés du tarif douanier supplémentaire initialement prévu. Par ailleurs, l’épidémie de Covid-19 chamboule les chaînes d’approvisionnement aux Etats-Unis. Face aux nombreuses contaminations de personnel, de grands abattoirs appartenant aux majors (Tyson, JBS…) ont dû cesser leur activité. Les éleveurs rencontrent ainsi des difficultés à abattre leurs porcs. Le cours du porc étatsunien a chuté et mis sous pression les prix sur le marché de l’export. La viande étatsunienne a momentanément concurrencé les origines européennes. Mais depuis fin avril, les choses sont en train de changer. La baisse des abattages a un impact majeur sur l’offre nationale et les prix de la viande augmentent rapidement. De plus, l’exportation rencontre des problèmes liés au transport. Les entreprises américaines sont moins présentes, ce qui signifie que les acheteurs chinois cibleront à nouveau les fournisseurs européens et brésiliens.

Par ailleurs, les importations chinoises restent perturbées par les problèmes logistiques. En effet, les blocages des ports et des moyens de transport ont fortement retardé les livraisons de conteneurs. Ces derniers se sont accumulés dans les plus grands ports chinois, et le retour à une situation normale est progressif. Par ailleurs, les grands armateurs maritimes internationaux ont décidé de réduire le nombre de rotations, pour faire face à la baisse de la demande internationale en fret, tous produits confondus. La capacité de transport international vers la Chine s’en retrouve ainsi limitée, et les coûts liés au transport ne cessent de croître.

Toujours un manque de production intérieure et une volonté de redévelopper la production porcine

Malgré ces importations massives, le manque d’offre en Chine est toujours prégnant. Selon les données publiées par le bureau national des statistiques, au premier trimestre, 131,3 millions de porcs vivants ont été abattus dans le pays, soit 30% de moins qu’en 2019 (-57 millions de têtes); La production porcine a baissé de même ampleur de-29%/2019 à 10,38 millions de tonnes. Les autorités chinoises auraient puisé dans leurs réserves en vendant plus de 300 000 tonnes de porc depuis le début de l’année dans l’objectif de maintenir une pression sur les cours.

En conséquence, les cours du porc, en légère baisse, se maintiennent cependant à de très hauts niveaux. En avril, le prix du porc est de 33,7 CNY/kg carcasse (soit 4,38 €/kgéc), en hausse de 124% par rapport à cette même période en 2019, et en baisse de 7 % en un mois.

Politique de soutien de la production hors et en Chine

Le gouvernement chinois incite au développement de la production porcine. Le Ministère de l’Agriculture chinois a récemment publié un nouveau plan pour la filière porcine. Les grandes entreprises de production chinoises sont encouragées à construire des élevages de porcs à l’étranger, afin de combler le manque de production sur le marché intérieur. La mise en place d’élevages de porcs à l’étranger pour fournir le marché chinois ne serait possible que dans les pays ayant des relations commerciales bilatérales stables avec la Chine, et indemnes de la fièvre porcine africaine. Cette annonce s’inscrit dans la stratégie nationale de maîtriser l’approvisionnement alimentaire à travers des importations d’aliments produits par des entreprises chinoises à l’étranger, à défaut de pouvoir les produire sur son sol.

Dans le même temps, le gouvernement chinois continue de subventionner les grandes entreprises porcines afin qu’elles poursuivent le redéveloppement de la production nationale. Plus de 17 milliards de yuans (2,2 milliards d’euros) ont été réservés à ce programme. Le fonds finance l’optimisation et la modernisation des élevages, des prêts bancaires et des services d’assurance, de la protection de l’environnement. Dans ce dernier domaine, le Ministère chinois de l’environnement a annoncé en mars dernier une simplification des exigences d’enregistrement environnemental pour l’élevage porcin et un assouplissement de l’interdiction d’élevage porcin dans 14 000 zones. Il a été précisé que la protection de l’environnement ne devrait pas être utilisée comme excuse pour freiner le développement de l’élevage porcin. Le gouvernement chinois revient ainsi sur une partie des mesures de protection de l’environnement mises en place en 2017. L’autosuffisance en viande porcine semble donc primer sur la protection de l’environnement. Grâce à ces décisions du gouvernement, le cheptel reproducteur serait en hausse constante depuis octobre 2019, soit une progression de 11% entre septembre 2019 et mars 2020.

Mais la hausse du prix de l’alimentation animale en ce début 2020 réduit les marges des éleveurs et pourrait atténuer la dynamique de production si les prix demeurent élevés.

Même sans l’aide financière du gouvernement chinois, les grandes sociétés de production porcine sont très motivées pour accroître leur production. Sur la base de 10 grandes sociétés cotées en bourse, d’ importants bénéfices ont été réalisés au premier trimestre 2020Muyuan, qui a vendu 2,5 millions de porcs au premier trimestre (17% de moins qu’au premier trimestre 2019), affiche un bénéfice de plus de 4 milliards de yuans, soit une augmentation de 864% par rapport à la même période en 2019. L’entreprise semble moins touchée par l’épidémie de FPA que d’autres producteurs. L’entreprise Wens, l’un des plus grands producteurs, a enregistré un bénéfice de 1,9 milliard de yuans avec la commercialisation de 2,2 millions de porcs, ce qui représente une baisse des abattages de  62% par rapport à la même période de l’année dernière. Cette liste comprend également les entreprises Zhengbang, New Hope et Tianbang.

Le revenu par porc varie considérablement selon les entreprises, allant de 800 à 1800 yuans par porc. Outre les différences d’organisation, ces écarts sont en partie dus aux différences de prix au sein des provinces chinoises.

Selon le China Agricultural Outlook Report (2020-2029) la production porcine du pays devrait se  redresser progressivement. Elle devrait être de 39 millions de tonnes (-28%/2018 et -8%/2019)[JMC1] [EH2]  en 2020, soit environ 500 millions de porcs. En 2021, la production dépasserait les 50 millions de tonnes et reviendrait en 2022 à son niveau de 2016-2018, soit 54 millions de tonnes. En 2029, la production nationale frôlerait les 60 millions de tonnes et les importations de porc chuteraient à environ 1,2 million de tonnes.

Une crise sanitaire et économique de grande ampleur

D’un point de vue plus macro-économique, l’épidémie de Covid-19 impacte le marché du porc mais déstabilise aussi toute l’économie du pays. Au premier trimestre 2020, le PIB de la chine a plongé de 6,8% par rapport à l’an dernier, une première depuis 40 ans et l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping.

Les conséquences économiques en Chine et dans le monde n’ont pas encore été pleinement évaluées, mais la crise intervient dans un contexte mondial où les perspectives de croissance étaient déjà moroses. L’ensemble des secteurs d’activité devra ainsi s’adapter à ces déstabilisations de marché.

 

 

 

Des prix et des importations en hausse

Par Manon Sailly

Le développement du Coronavirus, d’abord en Chine puis à l’ensemble du globe, a engendré une forte volatilité des cours matières premières pour l’alimentation animale. Les craintes d’un ralentissement de la croissance économique mondiales ont fortement impacté les bourses internationales. Cela a, dans un premier temps, joué à la baisse sur les cotations des matières premières, grains compris, face à des perspectives d’une baisse de la demande. Depuis, les fondamentaux de chaque marché ont repris le dessus. Les cours mondiaux du blé ont rebondi face à une demande internationale dynamique et des incertitudes climatiques (UE, mer Noire, USA) auxquelles viennent d’ajouter une forte réduction des surfaces en Europe (France et Royaume-Uni). Les prix mondiaux du maïs subissent quant à eux la dégringolade des cours du pétrole qui perturbe fortement la filière éthanol. Ce secteur représente près d’un tiers des consommations de maïs aux Etats-Unis. Pour la fève de soja, la récolte record au Brésil (124,5 Mt) pèse sur les prix.

En Chine, alors que l’épidémie battait son plein au 1er trimestre 2020, le pays a importé 17,8 Mt de fève de soja selon les données des Douanes. Malgré des problèmes logistiques en Chine en février et au Brésil en mars (de fortes pluies ainsi que des mesures mises en place pour contrôler la propagation du Coronavirus ont perturbé les chargements portuaires), ainsi que l’embargo argentin ce même mois, ces volumes sont supérieurs de 6 % à ceux importés en 2019 – en pleine crise commerciale avec les Etats-Unis – mais inférieurs à ceux de 2018 pour la même période (-10 %). L’incidence de l’accord commercial sur les produits agricoles, signé en janvier avec les Etats-Unis, est clairement visible sur l’origine du soja importé. En effet, 44 % du soja importé par la Chine  au 1er trimestre 2020 provient des USA, contre seulement 15% en 2019. La part de marché du soja américain dans les importations chinoises ne retrouve cependant pas le niveau d’avant le conflit (63 % sur les trois premiers mois de 2018). Mais ces volumes  semblent à peine suffire à la demande nationale : début avril, COFCO a ainsi puisé 500 000 tonnes de soja issues des réserves nationales pour compenser les moindres volumes importés.

Au premier trimestre, les importations chinoises de soja restent toutefois supérieures à celles de 2019 (+6,2% selon les premières annonces gouvernementales).

En Chine, la réduction des activités portuaires et industrielles, liée au confinement des travailleurs et à la fermeture de très nombreux commerces, a d’abord perturbé l’approvisionnement du marché chinois de l’alimentation animale jusqu’au début du mois de mars, avant une reprise progressive de l’activité. La demande est ensuite revenue alors que les moindres importations en mars  ont entraîné une forte baisse des stocks en tourteau de soja dans le pays par rapport à l’an dernier. Les prix de tourteau de soja sur le marché de Dalian ont ainsi augmenté jusqu’à la fin de mois de mars (+8% par rapport à début mars), en hausse de 18% par rapport à fin mars 2019, avant de se replier début avril.

En ce qui concerne le maïs, contrairement aux cotations internationales qui pâtissent qu’un manque de demande, les prix comme les importations sont désormais en hausse en Chine, signe d’une tension sur le marché intérieur. En effet, le Covid-19 a causé des perturbations conséquentes des flux logistiques entre les différentes provinces et certaines régions chinoises ont connu des difficultés d’approvisionnement. Ainsi, les stocks des entreprises industrielles et d’alimentation animale sont en recul d’une année sur l’autre. Ainsi, les entreprises cherchent actuellement a reconstitué leurs stocks ce qui induit une demande en céréales supérieure à celle de 2019 au départ des principales zones de production nationale. En outre, la date de début des ventes aux enchères des stocks publics de maïs n’a pas encore été annoncée. En conséquence, les prix progressent rapidement depuis le début de l’année, affichant en moyenne nationale des niveaux 7% plus élevés qu’en 2019 à la même période, et pouvant atteindre +10% /2019 dans les régions productrices du nord-est du pays.

Avec plus de 1,25 million de tonnes importées  au 1er trimestre (+27% /2019), les importations de maïs affichent leur niveau le plus élevé depuis 2012, notamment tirées par une mauvaise qualité de la récolte 2019/20. Toutefois, en comparaison avec les volumes produits localement (261 Mt en 2019/20), l’approvisionnement du marché chinois reste peu dépendant des importations.

Cette tension entre offre et demande pourrait se poursuivre lors de la campagne agricole 2020/21, l’antenne de l’USDA basée à Pékin prévoyant une baisse de la production chinoise de maïs de 4% (250 Mt). Les surfaces semées sont similaires à l’année précédente, mais les rendements sont attendus en baisse en raison de la présence accrue de ravageurs (chenille légionnaire). Selon ces estimations, la demande pourrait être supérieure à la campagne 2019/20, notamment face au dynamisme du secteur avicole. Le maïs est de loin la céréale la plus utilisée en Chine pour la nutrition animale : elle représente 88% des besoins en céréales pour ce secteur. Pour la campagne agricole à venir, les services de l’USDA à Pékin prévoient une hausse des importations (+1 Mt) ainsi une augmentation des prix du maïs. L’industrie rapporte que les subventions pour le maïs devraient doubler par rapport à l’année précédente, alors que celles pour le soja devraient rester inchangées.

La FPA aggrave le déficit commercial agricole chinois

Par Jean-Marc Chaumet

Alors que la Chine était en guerre commerciale avec les Etats-Unis, la Fièvre Porcine Africaine a créé un appel d’air sur les importations de produits animaux et creusé le déficit commercial agroalimentaire chinois.

L’approvisionnement alimentaire est un des principaux objectifs du Gouvernement chinois en termes de sécurité. Le creusement du déficit commercial agricole ces dernières années a poussé les autorités chinoises à réorienter leur politique vers des investissements à l’étranger et une diversification des fournisseurs dans le but de minimiser les risques de ruptures d’approvisionnement et de réduire les conséquences d’une utilisation éventuelle de l’arme alimentaire par des partenaires commerciaux.

Mais l’apparition de la Fièvre Porcine Africaine dans le pays a eu un très fort impact sur le commerce agricole de la Chine continentale (hors Hong-Kong), aggravant encore le déficit commercial.

En 2019, les importations chinoises de produits agricoles et agroalimentaires ont bondi de 10%/2018 pour atteindre un record historique à près de 150 milliards de dollars US. Dans le même temps, les exportations chinoises ont reculé de 1%, à 78,5 milliards, portant le déficit agroalimentaire chinois à 71 milliards USD.

Baisse des importations de produits végétaux

La valeur des importations de soja, quasi-stables en volume en 2019, a reculé de près de 7% conséquence de la baisse des cours internationaux. La diminution du cheptel porcin a été en partie contrebalancée par la hausse de la production de volaille. Les fèves restent cependant toujours la première forme d’importation de soja, bien avant les tourteaux.

Avec 17,5 millions de tonnes, la Chine a également moins importé de céréales (-13%/2018 en volume comme en valeur). La guerre commerciale a fortement réduit les achats chinois de sorgho (-77%/2018) dont les Etats-Unis restent le premier fournisseur. Avec 830 000 tonnes importées toutes origines confondues, l’effondrement est spectaculaire comparées aux 10,5 millions de tonnes de 2015.Les sécheresses successives ont fortement réduit le disponible exportable d’orge en Australie, faisant chuter les exportations vers la Chine, leur premier client. Partiellement compensés par des envois en hausse de France et d’Ukraine, les achats chinois n’en ont pas moins baissé de 13%/2018. Les ventes aux enchères d’une partie des réserves publiques de riz a fait reculer les importations de 17%/2018.

A l’inverse, la Chine a augmenté ses acquisitions de blé (+11%), notamment à partir du Canada et de la France. Mais ce sont surtout les achats de maïs qui ont progressé, de 36%/2018, pour atteindre un record historique à 4,8 millions de tonnes, tirés par une offre en recul (production en baisse lors de la campagne 2018/2019 et moindres ventes aux enchères des stocks) et une demande en hausse.

A noter que les importations de fruits ont bondi de 36% en valeur pour afficher un record historique à 11,7 milliards d’euros. La hausse est essentiellement due aux durians, pistaches, amandes, mangoustan… La Chine est ainsi depuis plusieurs années importatrice nette de fruits.

Forte hausse des importations de viande

Le recul des achats de produits végétaux a été plus que compensé en valeur par des achats de produits animaux.

La forte hausse des importations agricoles repose en effet principalement sur les achats de viande et abats, en progression de 7,8 milliards de dollars US (+70%/2018). Avec près de 19 milliards en tout, les viandes et abats représentent dorénavant le 2ème poste d’importation de produits agricoles et agroalimentaires chinois.

Contrairement à ce que l’on aurait pu penser compte tenu de la baisse de production de viande de porc en Chine en 2019, les flux de viande porcine ne sont pas les plus gros contributeurs de cette hausse malgré une multiplication par 2,2 en valeur (+2,4 milliards de dollars US) des importations qui ont atteint 4,5 milliards de dollars US (abats exclus).

Avec 8,2 milliards USD sur l’année (+70%/2018 soit + 3,3 milliards USD) la viande bovine s’impose comme le produit animal qui a enregistré la plus forte progression en valeur en 2019. La consommation s’est notamment reportée sur la viande bovine que l’offre locale n’a pu satisfaire compte tenu du cycle long de production.

 

Si la valeur des pièces bovines est plus élevée que celle des pièces porcines, l’écart entre les volumes importés des deux espèces se resserre fortement.

Les importations de volaille ont également bondi (+77%/2018) à 2 milliards de dollars US.

A noter également que les achats de produits de la pêche et de l’aquaculture sont devenus le 3ème poste d’importations agricoles avec un bond de 33%/2018 en valeur. A 15 milliards de dollars US, les importations dépassent maintenant les exportations faisant de la Chine un importateur net de ce type de produits. Si une partie de ces importations est transformée en Chine pour être réexportée sous forme de préparations ou de conserves, une proportion croissante des volumes est destinée à la consommation intérieure, qui a progressé en 2019 en lien avec la baisse de l’offre en viande porcine.

Une diversification des fournisseurs tirée par les produits animaux et la part des Etats-Unis au plus bas

La hausse des importations de produits animaux a accru la diversification des fournisseurs de la Chine en produits agricoles et agroalimentaires. La part des 5 premiers fournisseurs est en effet passée de 55% en 2018 à 47% en 2019. Les importations en provenance des deux premiers d’entre eux, le Brésil et les Etats-Unis, se sont réduites de -10% et -13% respectivement. Les exportations de soja brésilien ont reculé en 2019 au profit de l’Argentine tandis que la guerre commerciale a eu des conséquences sur les exportations étatsuniennes. Malgré une part des importations chinoises tombée à 10% en 2019, contre encore 19%en 2017, les Etats-Unis devancent encore l’Australie, 3ème fournisseur.

Un certain nombre de pays ont profité de la demande chinoise en protéines animales pour accroître sensiblement leurs exportations vers l’Empire du Milieu. Les importations chinoises de produits équatoriens, principalement des crevettes, ont ainsi été multipliées par 3 en un an, pour atteindre 2,2 milliards de dollars US et celles d’Inde ont progressé de 92% (crustacés mais aussi piments, cumin) à 1,3 milliards de dollars US. Plusieurs pays européens ont profité de la baisse de la production porcine chinoise : les achats de produits agricoles espagnols ont augmenté de 50% (porc notamment) à 2,2 milliards USD, ceux du Danemark de 48% à 1,4 milliard USD. Les importations de produits français n’ont progressé que de 3%, la hausse des ventes de produits porcins, de blé et d’orge ayant été contrebalancé par le recul des vins.

Mais cette diversification pourrait faire long feu suite à l’accord sino-étatsunien signé le 15 janvier 2020. En effet, avec seulement 14 milliards de dollars US de produits agricoles étatsuniens importés par la Chine en 2019, le respect de l’accord en 2020 signifierait une multiplication par 2,6 des achats chinois de produits agricoles étatsuniens pour atteindre les 36,5 milliards de dollars US. Et la Chine semble vouloir tenir ses engagements. Outre un certain nombre de décisions facilitant les conditions d’importations des produits étatsuniens (volaille, pomme de terre, produits de la mer…) la Chine a passé en mars sa première importante commande de produits agricoles américains d’après l’USDA. Selon le système recensant au quotidien les ventes à l’étranger les plus importantes, des courtiers chinois ont acheté 756 000 tonnes de maïs, 340 000 tonnes de blé dur et 110 000 tonnes de fèves de soja. Des achats de sorgho et de porc auraient également été enregistrés. Reste à savoir si, avec l’épidémie de Covid qui progresse actuellement aux Etats-Unis, le pays sera en mesure d’exporter en Chine les produits demandés.

La viande de volaille, baromètre des crises sanitaires en Chine.

Par Jonathan Hercule

L’épidémie de COVID-19 qui s’est répandue en Chine à partir de décembre 2019 (principalement dans la province du Hubei) a coupé l’élan des producteurs de volaille chinois. Si le virus SARS-CoV-2 n’affecte pas les volailles, la filière a doublement subi les perturbations liées aux restrictions sanitaires imposées en Chine depuis trois mois.

Bien avant la crise actuelle, le contexte avicole chinois était déjà marqué par une succession d’épidémies d’influenza aviaire entre 2013 et 2017. Si elle sévit surtout en élevage, elle n’en a pas moins causé plusieurs centaines de morts selon l’OIE, notamment en 2017 (127 décès). Ces crises successives ont ébranlé la confiance des  consommateurs chinois dans la production nationale. Aussi, la production de viande de volaille en Chine n’a pas suivi la même progression que celle de la demande totale en viandes, en forte hausse sur la dernière décenni.

Depuis 2018, c’est une autre crise sanitaire qui frappe la filière porcine en Chine : la fièvre porcine africaine (FPA), qui a conduit à un repli de la production porcine de 21% à 42 Mt en 2019 et pourrait aboutir en 2020 à une division par deux de la production totale chinoise de porc en deux ans. La reprise de la croissance  de production n’est pas attendue avant 2022 selon l’IFIP. Si la hausse vertigineuse des prix du porc constatée depuis le début de la FPA a incité les exportateurs de viande à accroître leurs envois vers la Chine, c’est avant tout par une réorientation de l’offre locale en viande que la Chine cherche à combler son déficit. En raison de son court cycle de production (30 à 80 jours), le report s’est naturellement orienté vers la production de volailles.

Deuxième viande consommée en Chine, la volaille a en effet connu une expansion rapide en 2019 (+ 12,3% en un an pour un volume de 23 Mt), malgré le déficit que connaît le secteur de l’accouvage en parentaux et grand-parentaux, c’est-à-dire la succession de générations de souches de volailles permettant de fournir des poussins en grand nombre pour la production commerciale de poulets.

Sur l’ensemble de l’année 2019, les prix se sont inscrits en nette hausse par rapport à l’année précédente pour le poussin (+ 56%) et le poulet vif (+ 14%), tandis que les prix de l’aliment, notamment du soja, restaient à des niveaux historiquement bas, la perte de production en porc laissant des disponibilités importantes en alimentation animale. Si les statistiques sont manquantes pour la filière canard, des sources industrielles et la presse professionnelle indiquent une évolution similaire.

Les perspectives à moyen terme sur la volaille étant prometteuses, de nombreuses entreprises y ont vu l’occasion de développer la production industrielle, mise à mal par les crises sanitaires répétées.. Aussi les annonces se sont multipliées en 2019, comme pour le leader New Hope Liuhe (9 % de la production chinoise en 2018) qui déclare vouloir faire passer ses volumes d’abattage annuel de 1,3 milliards à 2 milliards de volailles (+ 11 % / an) à horizon 2022. L’annonce de la levée des restrictions commerciales au profit de la France et des États-Unis sur la génétique aviaire en novembre et décembre 2019 a fait baisser les prix du poussin en fin d’année. Cela a contribué à favoriser des mises en place massives de volailles au début de l’année 2020. Des éleveurs de porcs ont parfois même rempli leurs bâtiments avec des canetons lorsque cela était possible.

En début d’année, les restrictions sanitaires appliquées par la Chine pour faire face à l’épidémie de coronavirus ont rapidement affecté la chaîne de production à tous les niveaux : transports d’alimentation animale et d’animaux finis perturbés, abattoirs en baisse d’activité, ralentissement voire arrêt des opérations de déchargement aux ports… Les élevages de volailles de la province du Hubei (500 millions de volailles abattues/an) ont dû faire face dans le meilleur des cas à une chute vertigineuse de leurs marges et plus souvent à la destruction immédiate de leurs animaux, en l’absence de stocks d’aliments ou de possibilité d’enlèvement des lots mis en place. . Selon l’USDA, la production de viande de poulet serait en baisse de 21 % au premier trimestre 2020.

Depuis la mi-mars, la situation semble s’améliorer en Chine avec de moins en moins de cas dépistés, et la région du Hubei, berceau de l’épidémie, est en levée progressive de confinement. Suite à cette embellie, le prix du poussin repart à la hausse et la marge des producteurs progresse tandis que les industriels bénéficient de soutiens financiers de l’État, mettant en avant des perspectives à moyen terme toujours favorables pour la production avicole, en substitution de la viande de porc, sous réserve d’une certaine stabilité du système sanitaire dans les prochaines années.

Ce contexte productif est à mettre en regard des tendances de consommation en Chine. Si le poids des marchés traditionnels dans les achats d’aliments frais est en recul progressif depuis une vingtaine d’années, ceux-ci restent un réseau de distribution incontournable pour le consommateur chinois, avec près de la moitié des achats d’aliments frais durant l’année 2018 selon une étude McKinsey. Le poids de la restauration, estimé entre 15% et 20% de la consommation de volaille en Chine, est toutefois grandissant. Si ce secteur est particulièrement affecté par les restrictions sanitaires actuelles, la recrudescence des achats en ligne, amplifiée par le confinement, pourrait favoriser à terme les découpes désossées, et donc la filière poulet blanc au détriment des filières de vente en vif (poulet jaune).

 

Le soja reste au cœur des enjeux de l’approvisionnement en grains

Par Manon Sailley

Entre relations commerciales avec les Etats-Unis et FPA, la Chine reste un pays déterminant pour l’évolution des marchés des commodités agricoles, en particulier pour les graines oléagineuses et les tourteaux. En dépit du déclin de la production porcine chinoise, les importations chinoises de soja n’ont pas diminué en 2019. Le développement depuis décembre du Covid-19 et son impact sur l’économie chinoise devraient encore davantage perturber l’équation.

Etats-Unis et Chine signent un armistice dans leur guerre commerciale

Après plus d’un an et demi d’escalade tarifaire entre la Chine et les États-Unis, un accord commercial semble enfin avoir été trouvé sur les produits agricoles (« Phase 1 »). Annoncé dès décembre, le texte a été signé le 15 janvier 2020, mais jugé décevant par les exportateurs américains en comparaison aux premières annonces. En effet, les chiffres de décembre mentionnaient des achats chinois en produits agricoles américains de l’ordre de 40 à 50 milliards de dollars en 2020, alors que le texte final stipule une valeur de 36,5 milliards d’euros. Ce serait toutefois une augmentation de 12,5 milliards d’euros de dépenses chinoises par rapport au niveau de 2017, avant le début du conflit. Un autre aspect du texte a altéré l’optimisme des exportateurs américains. Il est mentionné que les volumes importés « dépendront des conditions de marché », en d’autres termes qu’il n’y aura pas d’accès privilégié des marchandises américaines au marché chinois par rapport aux exportateurs concurrents.

Le soja reste au cœur des enjeux puisqu’il représentait près de 60% des 24 milliards de dollars de produits agricoles américains importés par la Chine en 2017. D’autres matières premières végétales américaines devraient pouvoir tirer profit de la résolution du conflit, en particulier les drèches de maïs (« DDGS »), le sorgo et le blé, mais les volumes et montants en jeu ne sont pas comparables à ceux du soja.

Soja : les volumes importés n’ont pas baissé en 2019

Contre toute attente, les importations de soja par la Chine en 2019 n’ont pas baissé par rapport à 2018, en dépit de la décapitalisation porcine en raison de l’aggravation de l’épidémie de FPA en 2019. Ainsi, les importations de cette graine oléagineuse totalisent 88,5 Mt en 2019 contre 88 Mt en 2018.

Le Brésil est resté le premier fournisseur de la Chine en fève de soja (58 Mt), mais a perdu des parts de marché (66 Mt en 2018) au profit de l’Argentine (8,8 Mt) qui a retrouvé sa capacité d’exportation de fèves, après une récolte 2018 fortement impactée par la sécheresse. Les volumes de soja étatsunien achetés par la Chine ont été similaires à ceux de 2018 (17 Mt), mais sont demeurés bien inférieurs à ceux d’avant le conflit commercial (33 Mt en 2017). Soulignons que l’origine russe, parfois citée comme source de diversification des approvisionnements chinois, n’a représenté que 0,8 % des volumes importés par la Chine en 2019 (0,7 Mt).

A l’inverse, les importations de tourteau de soja ont encore reculé de 58 % en 2019, et deviennent totalement marginaux à 9 500 t. La quasi-totalité des besoins en aliments du bétail sont toujours comblés par des tourteaux de soja produits localement à partir de graines importées.

Un fort rebond des importations au 2ème semestre 2019

2019 s’est déroulée en deux temps. Sur les 7 premiers mois de l’année, les volumes importés ont été en repli par rapport aux années précédentes. Ensuite, des volumes conséquents ont été importés durant la seconde moitié de l’année 2019 (août à décembre), revenant tout près des niveaux de fin 2017 (avant le conflit commercial avec les USA et le développement de la FPA).

Plusieurs hypothèses peuvent être formulées pour tenter d’expliquer ce retour de la Chine aux achats de soja malgré la dégringolade du cheptel porcin.

La première hypothèse relève du contexte diplomatique. En effet, le marché chinois est approvisionné en soja par des fournisseurs différents selon les périodes de l’année. Cette saisonnalité est en phase avec les périodes de récolte des pays exportateurs, après septembre aux Etats-Unis et à partir de mars en Amérique Latine. Ainsi, la Chine s’approvisionne majoritairement auprès des Etats-Unis à partir d’octobre. Fin 2018, le conflit commercial entre les Etats-Unis et la Chine avait poussé les opérateurs chinois à bouder l’origine étatsunienne, conduisant à de faibles volumes importés en novembre et en décembre. Cela n’a pas été le cas fin 2019, période durant laquelle les achats de soja  étatsunien ont nettement repris. Il s’agissait peut-être pour la Chine d’un moyen de montrer sa bonne volonté dans les négociations avec les Etats-Unis sur le commerce agricole.

Deuxième élément d’explication, la Chine est également une grande consommatrice d’huile de soja pour l’alimentation humaine, coproduite lors de la trituration de la fève de soja. Environ 16 Mt d’huile de soja sont consommées chaque année en Chine (moyenne des 3 dernières années), soit près de 30 % de la consommation mondiale de cette huile. La reprise des importations de fèves de soja pourrait aussi s’expliquer par une baisse des stocks chinois d’huile de soja qui aurait nécessité un réapprovisionnement en fin d’année, surtout dans un contexte de prix élevés des autres huiles végétales en fin d’année 2019 (huile de palme en particulier). Les importations d’huile de soja ont aussi bondi (+50% /2018), mais le volume importé en 2019 (0,8 Mt) ne représentait qu’une infime partie des besoins du pays.

Ainsi, dans l’hypothèse où l’activité chinoise de trituration se serait reprise en fin d’année 2019, se pose la question du débouché des tourteaux de soja produits. Faute de demande de la part de la filière porcine (FPA), il semble probable que des stocks conséquents de soja et de tourteaux de soja se soient accumulés. Par ailleurs, il est aussi envisageable qu’une part des excédents de tourteau ait été captée par le développement des autres filières animales (volailles principalement, aquaculture mais peut-être aussi bovins lait).

D’autre part, les autorités chinoises ont également pu vouloir reconstituer leurs stocks, mis à mal par 18 mois de guerre commerciale avec les Etats-Unis.

Enfin, la chute du cheptel porcin chinois a été stoppée au dernier trimestre 2019. Faut-il ainsi voir le regain d’achat chinois de soja comme un indicateur avancé de la reprise de la production de porc en Chine ? Néanmoins l’officialisation de l’épidémie de Covib-19 par les Autorités chinoises mi-janvier et les mesures de confinement prises handicapent largement l’approvisionnement des élevages dans plusieurs régions, de même que la sortie des porcs finis.

Pour le moment, il est difficile de hiérarchiser les raisons possibles à ce regain d’importation en fin d’année. Le développement actuel du coronavirus dans le pays ajoute bien évidemment à la complexité à la lecture du marché chinois. En effet, l’économie chinoise est encore fortement ralentie par l’épidémie (usines, bureaux et commerces fermés, logistique bloquée, déplacement et consommation des ménages limitées…) ce qui devrait engendrer une dégradation du PIB du premier trimestre 2020 selon les analystes économiques. Les besoins en matières premières pourraient donc être impactés à la baisse, à l’image du repli significatif de la consommation chinoise de pétrole depuis le début de l’épidémie qui a causé une baisse notable des cours mondiaux. La durée de la crise est cependant encore difficile à appréhender, tout comme la capacité de la Chine à rebondir à la suite de cet épisode sans précédent.

Entre la mi-novembre et fin janvier, le prix du tourteau de soja sur la bourse d’échange de Dalian a perdu 8%, avant de stabiliser au niveau de son cours de mai 2019.

Forte hausse des importations chinoises de tourteaux de tournesol

La stratégie de diversification des sources d’apports protéiques pour l’approvisionnement de secteur chinois de l’alimentation animale a été mise à mal par un autre différent diplomatique. A la suite de l’arrestation d’une haute dirigeante de l’entreprise chinoise Huawei par les autorités canadiennes en vue d’une extradition vers les Etats-Unis, la Chine mis un frein aux importations de canola canadien (type de colza d’hiver canadien). Celles-ci sont passées de 4,75 Mt en 2018 à seulement 2,7 Mt en 2019 (- 43%).

En parallèle, la baisse des importations de canola a été compensée par une forte augmentation des importations de tourteau de tournesol, passant de 0,4 Mt en 2018 à 1,45 Mt en 2019. La quasi-totalité de cette matière première provient d’Ukraine, où la récolte de graine de tournesol a été record en 2019.

Accord commercial sino-étatsunien : quelles conséquences pour le commerce agricole chinois et mondial ?

Le 15 janvier 2020, le Président Trump et le vice-Premier ministre chinois Liu He ont signé à Washington le premier chapitre d’un accord commercial, véritable armistice dans la guerre en cours depuis 2017. Cette signature engagerait la Chine à augmenter de 200 milliards de dollars ses achats de produits américains sur une période de deux ans (2020 et 2021), dont près de 32 milliards de dollars pour les produits agricoles.

Une étude détaillée de cet accord, entré en vigueur le 14 février dernier et du commerce entre les deux pays permet de mieux comprendre les enjeux.

 

Une forte relation agricole historique entre les deux pays, récemment dégradée

Que prévoit l’accord entre les 2 pays ?

Quels produits étatsuniens pourrait importer la Chine ?

La Chine veut-elle vraiment importer autant de produits agricoles des Etats-Unis ?

 

 

 

 

 

Une forte relation agricole historique entre les deux pays, récemment dégradée

Par Jean-Marc Chaumet

Les Etats-Unis ont pendant longtemps été le premier fournisseur de produits agricoles et alimentaire de la Chine, avec une part de marché comprise entre 22% et 28% selon les années. Les achats en provenance de ce pays ont augmenté au même rythme que les importations totales depuis l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 jusqu’en 2014. Les Etats-Unis ont longtemps bénéficié d’un excédent commercial dans le domaine agricole et agroalimentaire, jusqu’à dépasser 15 milliards de dollars en 2013 et 2014.

Mais avant même le déclenchement de la guerre commerciale, les Etats-Unis avaient perdu en 2017 leur première place au profit du Brésil, avec une part de marché ramené de x% en 2017 à 19% en 2018. Cette mauvaise performance des produits étatsuniens s’explique notamment par la volonté des autorités chinoises de diversifier l’approvisionnement alimentaire du pays. Les envois étatsuniens de maïs ont ainsi été stoppés en 2013, suite à la « découverte » d’une variété de maïs transgénique non autorisée en Chine (MIR 162) dans certains lots. Bien quofficiellement réautorisés en 2014, les achats chinois de maïs étatsuniens n’ont jamais réellement repris. La Chine avait également mis en place en 2015 un embargo sur les achats de volaille et d’œufs en provenance des Etats-Unis suite à des cas d’influenza aviaire, levé fin 2019. En 2016, Pékin a décidé d’appliquer des droits de douane anti-dumping et anti-subvention aux drêches de distillerie (DDGS) en provenance des Etats-Unis, entraînant une baisse des volumes importés. La nouvelle politique chinoise appliquée au coton, avec la vente des stocks, a également eu pour conséquences de moindres importations de produits étatsuniens.

C’est dans ce contexte de perte de parts de marché que les Etats-Unis avaient déclenché la guerre commerciale. Les mesures de rétorsions chinoises (hausses des droits de douane) eurent pour conséquences de réduire encore davantage les importations de produits agricoles et agro-alimentaires en provenance des Etats-Unis, dont leur part de marché est descendue à 12% en 2018.

 

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Que prévoit l’accord entre les 2 pays ?

Par Jean-Marc Chaumet

La lecture de l’accord montre un fort déséquilibre entre les concessions chinoises, qui sont détaillées ci-dessous dans le domaine agricole, et celles des Etats-Unis, très limitées (retrait de la Chine de la liste des pays manipulant leur monnaie, pause dans la hausse des droits de douane).

Le volet agricole de l’accord se compose de deux parties. L’une chiffre les importations supplémentaires que la Chine s’engage à acheter, en partant du niveau 2017 des importations chinoises de produits étatsuniens  12,5 milliards de dollars en 2020 (soit un total de 36,5 milliards de dollars et une hausse de 50% /2017) et 19,5 milliards en 2021 (soit un total de 43,5 milliards de dollars et une hausse de 80% /2017). Ces chiffres représenteraient les plus hauts niveaux historiques d’importations chinoises de produits agricoles et alimentaires étatsuniens.

 

Toujours en prenant l’année 2017 comme référence, les 36, et 43,5 milliards d’importations représenteraient 29 et 35% des importations agricoles totales chinoises

Le deuxième volet (chapitre 3), qui concerne surtout les conditions d’importations, liste une série de facilitations des importations de produits agricoles et agroalimentaires étatsuniens en Chine. On peut citer par exemple :

Pour les produits laitiers :

·         l’agrément dans un délai de 20 jours à compter de la réception de la liste envoyée par les autorités étatsuniennes des sites de production de produits laitiers étatsuniens

·         la possibilité d’exporter et de vendre en Chine du lait ESL (extended shelf life = durée de consommation allongée à 4 semaines si conservé à basse température) comme du lait pasteurisé

·         le raccourcissement des durées d’agréments des sites de fabrication de poudres de lait infantile,

 

Pour la filière bovin viande:  assouplissement des conditions sanitaires fixées en 2017 à travers

·         La suppression de la limite d’âge de 30 mois des animaux abattus

·         L’allégement des mesures de traçabilité des animaux abattus initialement demandées par les autorités chinoises

·         La fixation de limites de résidus dans la viande importée pour 3 hormones légalement utilisées aux Etats-Unis, en se conformant aux normes du Codex Alimentarius

·         L’ouverture de négociation concernant l’importation d’animaux reproducteurs

·         L’exportation de suif pour l’industrie non alimentaire.

Pour la viande porcine :

·         Elargissement de la liste des produits porcins acceptés à l’importation

 

Pour les céréales, des mesures :

·         améliorant la transparence de l’attribution et des achats des volumes des contingents tarifaires de blé, de riz et de maïs, notamment en ce qui concerne le rôle des entreprises publiques, suite à la décision du panel de l’OMC

·         facilitant le remplissage des contingents

·         prévoyant l’importation de riz étatsunien

·         accélérant le renouvellement des licences des producteurs de drêches de distilleries

 

Pour les produits issus de la biotechnologie :

·          des mesures accélérant la délivrance des autorisations des produits (moins de 24 mois)

·         une assurance de la Chine de baser ses analyses de risques sur les recommandations du Codex Alimentarius et de l’OIPV

 

La Chine a, en février, déjà pris un certain nombre visant à respecter cet accord notamment

·         la mise à jour des listes d’installations agréées pour l’exportation de protéines animales, d’aliments pour animaux de compagnie, de produits laitiers, de préparations pour nourrissons et de suif pour l’industrie à destination de la Chine.

·         La Levée de l’interdiction d’importation de volaille et des produits de volaille, y compris des aliments pour animaux de compagnie contenant des produits de volaille

 

Il est à noter que l’accord ne mentionne pas les hausses de droits de douane décidées par les Autorités chinoises. Ces dernières devraient donc être maintenues à leur niveau précédent l’accord.

 

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